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08/07/2009 | FRANCE | N°07-19465

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 juillet 2009, 07-19465


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que le divorce des époux X..., mariés en 1955 sans contrat, a été prononcé par arrêt du 9 mars 1999, en présence du curateur de M. Y..., désigné par un jugement du 14 novembre 1995, ayant placé le mari sous le régime de la curatelle renforcée ; qu'une ordonnance de non-conciliation du 21 septembre 1995 avait attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse ; qu'un jugement du 10 octobre 2002, statuant sur les difficultés nées de la liquidation de leur communauté conjugale a, notam

ment, ordonné avant dire droit une expertise ; que M. Y... ayant relevé a...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que le divorce des époux X..., mariés en 1955 sans contrat, a été prononcé par arrêt du 9 mars 1999, en présence du curateur de M. Y..., désigné par un jugement du 14 novembre 1995, ayant placé le mari sous le régime de la curatelle renforcée ; qu'une ordonnance de non-conciliation du 21 septembre 1995 avait attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse ; qu'un jugement du 10 octobre 2002, statuant sur les difficultés nées de la liquidation de leur communauté conjugale a, notamment, ordonné avant dire droit une expertise ; que M. Y... ayant relevé appel de ce jugement, son curateur est intervenu volontairement en cause d'appel ; qu'après dépôt du rapport d'expertise le 10 mai 2005, Mme Z... a saisi le tribunal de grande instance qui, par jugement du 26 octobre 2006, a ordonné la licitation de l'immeuble ayant constitué le domicile conjugal et fixé l'indemnité d'occupation due par Mme Z... ; qu'après avoir interjeté appel de cette décision, M. Y..., qui n'avait pas conclu en première instance, a sollicité l'annulation du jugement au motif qu'il n'était pas justifié que son adversaire ait signifié à son curateur l'assignation ou les conclusions ayant saisi le tribunal et subsidiairement a conclu au fond ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt attaqué d'écarter la nullité du jugement déféré, de confirmer partiellement le jugement et de ne faire que partiellement droit à ses demandes subsidiaires, alors, selon le moyen :
1°/ que, l'ouverture de la curatelle est prononcée par le jugement du juge des tutelles et sa mainlevée n'est prononcée qu'en observant les formalités prescrites pour parvenir à son ouverture ; qu'en l'espèce, le jugement du juge des tutelles du tribunal d'instance de Saint Dizier en date du 14 novembre 1995 prononçant la mise sous curatelle de M. Y... permettait, à lui seul, d'établir l'existence de cette mesure d'assistance ; qu'en considérant néanmoins que le jugement ne suffisait pas la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 493, 509 et 510-2 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 5 mars 2007, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2009 ;
2°/ que toute signification faite au majeur en curatelle doit l'être aussi à son curateur, à peine de nullité, qu'en l'espèce en considérant que le majeur sous curatelle pouvait en outre valablement exercer seul des actions relatives à ses droits patrimoniaux en dehors des cas prévus aux articles 511 et 512 du code civil, non invoqués en l'espèce, la cour d'appel a violé l'article 510-2 du code civil dans sa version antérieure à la loi du 5 mars 2007 et en vigueur jusqu'au 1er janvier 2009 ;
Mais attendu d'abord, que tout en énonçant que les documents produits par M. Y... ne suffisaient pas à démontrer l'existence d'une mesure d'assistance à son égard au jour où elle statuait, la cour d'appel a envisagé l'hypothèse de la persistance de la mesure de curatelle et statué sur l'exception de nullité alléguée ; ensuite, que l'absence de signification des conclusions au curateur du majeur protégé est constitutive d'un vice de forme dont l'inobservation n'est susceptible d'entraîner la nullité que dans les conditions prévues par l'article 114 du code de procédure civile, si elle est soulevée avant toute défense au fond et à charge pour celui qui l'invoque de prouver un grief ; que la cour d'appel ayant relevé que M. Y... avait conclu à l'annulation du jugement de première instance dans ses dernières écritures d'appel au seul motif qu'il n'était pas justifié que son adversaire ait signifié à son curateur l'assignation ou les conclusions saisissant le tribunal, ce dont il résultait qu'aucun grief n'était allégué, l'arrêt est légalement justifié ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande d'attribution préférentielle et ordonné la licitation de l'immeuble sis à Bettancourt la Ferré à la mise à prix de 103 000 euros avec possibilité de baisse de mise à prix alors, selon le moyen, que l'article 832 du code civil n'exige aucune condition quant à l'accord amiable pouvant être constaté entre les parties ; qu'en l'espèce, le courrier du 9 mars 2005 par lequel le conseil de Mme Z... transmettait ses dires à l'expert et précisait qu'elle" ne veut en aucun cas être attributaire de la maison de Bettancourt la Ferrée, qui doit être attribuée à Mme Y... qui lui est donc redevable d'une soulte que je vous saurais gré de bien vouloir calculer" démontrait qu'elle avait expressément donné son accord ; qu'en décidant néanmoins qu'aucun accord formalisé n'était constaté, sans prendre en considération cette lettre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 832 et 1476 du code civil ;
Mais attendu que les juges du fond, qui ont constaté que dans ses écritures Mme Z... s'opposait à l'attribution préférentielle du bien indivis à M. Y..., ont souverainement estimé qu'il n'existait aucun accord entre les parties sur ce point ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles 255-2° du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et 815-9 du même code ;
Attendu que pour débouter M. Y... de sa demande en paiement d'une indemnité pour l'occupation de l'immeuble indivis par Mme Z... pour la période postérieure au 30 avril 1997, l'arrêt attaqué énonce qu'il était justifié du déménagement de Mme Z... le 30 avril 1997, sans que M. Y... n'établisse l'incapacité dans laquelle il se serait trouvé d'accéder à l'immeuble, la détention par l'épouse d'un trousseau de clés n'étant à cet égard pas suffisamment probante ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que la jouissance privative d'un bien indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour les co-indivisaires d'user de la chose et que M. Y... soutenait qu'en raison de l'attribution de la jouissance de l'immeuble à Mme Z... par l'ordonnance de non-conciliation, il était, au moins jusqu'à l'arrêt prononçant le divorce du 9 mars 1999, dans l'impossibilité de droit d'user du bien indivis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ses dispositions concernant l'indemnité d'occupation due par Mme Z..., l'arrêt rendu le 21 juin 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté la demande en nullité du jugement déféré, d'avoir partiellement confirmé le jugement et de n'avoir que partiellement fait droit à ses demandes subsidiaires,
AUX MOTIFS QUE Mme A... fait valoir à juste titre que la production par l'appelant d'une ordonnance d'ouverture d'office d'une procédure de protection et d'un jugement prononçant sa mise sous curatelle, respectivement en date du 21 avril 1995 et du 14 novembre 1995, ne suffisent pas à démontrer l'existence à ce jour d'une mesure d'assistance à son égard, le majeur sous curatelle pouvant en outre valablement exercer seul des actions relatives à ses droits patrimoniaux en dehors des cas prévus aux articles 511 et 512 du Code civil, non invoqués en l'espèce ; que la demande en nullité du jugement déféré sera en conséquence écartée,
ALORS D'UNE PART QUE l'ouverture de la curatelle est prononcée par le jugement du juge des tutelles et sa mainlevée n'est prononcée qu'en observant les formalités prescrites pour parvenir à son ouverture ; qu'en l'espèce, le jugement du juge des tutelles du Tribunal d'instance de Saint-Dizier en date du 14 novembre 1995 prononçant la mise sous curatelle de Monsieur Y... permettait, à lui seul, d'établir l'existence de cette mesure d'assistance ; qu'en considérant néanmoins que le jugement ne suffisait pas la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 493, 509 et 510-2 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 5 mars 2007, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2009,
ALORS D'AUTRE PART QUE toute signification faite au majeur en curatelle doit l'être aussi à son curateur, à peine de nullité ; qu'en l'espèce, en considérant que le majeur sous curatelle pouvait en outre valablement exercer seul des actions relatives à ses droits patrimoniaux en dehors des cas prévus aux articles 511 et 512 du Code civil, non invoqués en l'espèce, la Cour d'appel a violé l'article 510-2 du Code civil dans sa version antérieure à la loi du 5 mars 2007 et en vigueur jusqu'au 1er janvier 2009,
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré Madame Z... épouse A... redevable d'une indemnité uniquement pour la période du 21 septembre 1995 au 30 avril 1997 et sur la base des évaluations faites par M. B... dans son rapport d'expertise déposé le 2 mai 2005,
AUX MOTIFS QUE concernant l'indemnité d'occupation, il n'est pas contesté que la première réclamation faite sur ce point est intervenue dans les cinq ans de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en état de force jugée, de sorte qu'aucune prescription ne peut être invoquée ; que le report des effets du divorce est par contre sans incidence sur la date d'exigibilité de l'indemnité, laquelle ne peut intervenir qu'à compter de la jouissance privative du bien constatée par l'attribution du domicile conjugal, en l'espèce le 21 septembre 1995, date de l'ordonnance de non conciliation ; qu'il est par ailleurs justifié du déménagement de l'intimée le 30 avril 1997, sans que M. Y... n'établisse l'incapacité dans laquelle il se serait ensuite trouvé d'accéder à l'immeuble, la détention par l'épouse d'un trousseau de clés n'étant à cet égard pas suffisamment probante et les deux attestations produites sur ce point d'ailleurs non conformes aux exigences de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile, ne se rapportant pas à la période postérieure au épart de Mme A... ; qu'il y a lieu dans ces conditions de déclarer Mme A... redevable d'une indemnité d'occupation pour la période du 21 septembre 1995 au 30 avril 1997, sur la base mensuelle des montants fixés par l'expert et non contestés, soit 503,85 euros en 1995, 507,85 euros en 1996 et 514,26 euros en 2007,
ALORS QUE l'indivisaire ne résidant pas dans un immeuble indivis, mais en détenant seul les clés, a la faculté d'en avoir la jouissance privative et exclusive et est donc redevable d'une indemnité d'occupation ; qu'en l'espèce, en considérant que la détention par l'épouse du trousseau de clés de l'immeuble, qu'elle reconnaissait être la seule à détenir, ne démontrait pas qu'elle avait la jouissance privative des lieux, la Cour d'appel a violé l'article 815-9 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'attribution préférentielle de Monsieur Eugène Y... et ordonné la licitation de l'immeuble sis à Bettancourt la Ferrée à la mise à prix de 103.000 euros avec possibilité de mise à prix,
AUX MOTIFS QU'en l'absence d'accord formalisé, la demande d'attribution préférentielle formée par M. Y... ne peut d'autre part prospérer, la condition d'occupation n'étant pas remplie,
ALORS QUE l'article 832 du Code civil n'exige aucune condition quant à l'accord amiable pouvant être constaté entre les parties ; qu'en l'espèce, le courrier du 9 mars 2005 par lequel le conseil de Madame Z... transmettait ses dires à l'expert et précisait qu'elle « ne veut en aucun cas être attributaire de la maison de BETTANCOURT LA FERREE, qui doit être attribuée à M. Y... qui lui est donc redevable d'une soulte que je vous saurais gré de bien vouloir calculer » démontrait qu'elle avait expressément donné son accord ; qu'en décidant néanmoins qu'aucun accord formalisé n'était constaté, sans prendre en considération cette lettre, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 832 et 1476 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07-19465
Date de la décision : 08/07/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Mesures provisoires - Résidence séparée - Domicile conjugal - Attribution à l'un des époux - Effets - Indemnité d'occupation - Attribution - Conditions - Jouissance privative d'un bien indivis - Définition - Impossibilité de droit ou de fait pour les co-indivisaires d'user de la chose - Applications diverses

INDIVISION - Chose indivise - Usage - Usage par un indivisaire - Effets - Indemnité d'occupation - Attribution - Conditions - Jouissance privative d'un bien indivis - Définition - Impossibilité de droit ou de fait pour les co-indivisaires d'user de la chose - Applications diverses REGIMES MATRIMONIAUX - Communauté entre époux - Dissolution - Indivision post-communautaire - Chose indivise - Usage par l'un des époux - Effets - Jouissance privative du bien indivis - Définition - Impossibilité de droit ou de fait pour les co-indivisaires d'user de la chose - Applications diverses

La jouissance privative d'un bien indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour les co-indivisaires d'user de la chose. Dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d'appel qui pour débouter un ex-époux de sa demande en paiement d'une indemnité pour l'occupation d'un immeuble indivis énonce qu'il n'établit pas l'incapacité dans laquelle il se serait trouvé d'accéder à l'immeuble postérieurement au déménagement de son ancienne épouse, alors que cet indivisaire soutenait qu'en raison de l'attribution de la jouissance de l'immeuble à l'épouse par l'ordonnance de non-conciliation, il était, au moins jusqu'à l'arrêt prononçant le divorce, dans l'impossibilité de droit d'user du bien indivis


Références :

Cour d'appel de Dijon, 21 juin 2007, 06/2058
Sur le numéro 1 : article 114 du code de procédure civile

article 510-2 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007
Sur le numéro 2 : articles 255 2°, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, et 815-9 du du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 21 juin 2007

Sur le n° 1 : Sur la portée du défaut de signification d'un acte de procédure au curateur du majeur protégé, à rapprocher : 1re Civ., 22 novembre 2005, pourvoi n° 03-14292, Bull. 2005, I, n° 439 Sur le n° 2 : Sur la définition de la jouissance privative d'un bien indivis, à rapprocher :1re Civ., 30 juin 2004, pourvoi n° 02-20085, Bull. 2004, I, n° 194 (2) (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 jui. 2009, pourvoi n°07-19465, Bull. civ. 2009, I, n° 160
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 160

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Domingo
Rapporteur ?: Mme Trapero
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.19465
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