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05/03/2008 | FRANCE | N°07-12754

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mars 2008, 07-12754


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les trois moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Versailles, 10 janvier 2007) que le comité d'entreprise de la société Impress métal packaging (IMP SA), filiale du groupe Impress dont le siège est implanté aux Pays-Bas, a désigné le cabinet d'expertise Syndex pour l'assister dans l'examen des comptes annuel de 2004 et des documents prévisionnels pour 2005 ; que l'expert comptable a demandé la communication de divers documents que la société a refusé de lui communiquer

; que le comité d'entreprise de la société IMP SA et le cabinet d'expertise...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les trois moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Versailles, 10 janvier 2007) que le comité d'entreprise de la société Impress métal packaging (IMP SA), filiale du groupe Impress dont le siège est implanté aux Pays-Bas, a désigné le cabinet d'expertise Syndex pour l'assister dans l'examen des comptes annuel de 2004 et des documents prévisionnels pour 2005 ; que l'expert comptable a demandé la communication de divers documents que la société a refusé de lui communiquer ; que le comité d'entreprise de la société IMP SA et le cabinet d'expertise Syndex ont demandé d'ordonner la remise de documents au cabinet d'expertise comptable ;
Attendu que la société IMP SA fait grief à l'arrêt confirmatif d'avoir ordonné, sous astreinte, la communication de l'ensemble des documents sollicités par le comité central d'entreprise de la société et le cabinet comptable Syndex alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte des articles 4 § 1 et 4 § 3 de la directive n° 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que les institutions représentatives du personnel établies sur le territoire d'un Etat membre ont droit à une information à un « niveau approprié » et avec un « contenu approprié » ; que, par ailleurs, il résulte de la directive n° 94/45/CE du 22 septembre 1994 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs que, pour sa part, le comité d'entreprise européen a une compétence qui, en l'absence d'un accord collectif en décidant autrement, est en principe limitée à l'information et à la consultation sur les questions qui intéressent l'ensemble de l'entreprise de dimension européenne ou au moins deux établissements ou entreprises du groupe situés dans des Etats membres différents ; que cette limitation, qui interdit au comité d'entreprise européen d'intervenir sur les questions qui intéressent les organes de représentation du personnel en droit interne, a nécessairement pour corollaire l'interdiction pour ces derniers, qui ne disposent que d'un droit à être informé et consulté à un « niveau approprié » et avec un « contenu approprié », d'intervenir dans le champ de compétence du comité d'entreprise européen ; qu'en conséquence, ces directives interdisent qu'un comité d'entreprise français impose la production de documents qui, uniquement afférents au groupe, relèvent de la seule compétence du comité d'entreprise européen ; qu'en ordonnant la communication des documents demandés par l'expert-comptable d e son comité central d'entreprise quand il était constant et non contesté que ces documents concernaient le groupe IMPRESS dans son ensemble, ce dont il résultait qu'ils relevaient de la seule compétence du comité d'entreprise européen, la cour d'appel a violé les articles 4 § 1 et 4 § 3 de la directive n° 2002/14/CE établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, ensemble la directive n° 94/45/CE du 22 septembre 1994 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs ;
2°/ qu'en tout état de cause la question de savoir si et à quelles conditions une société française, filiale d'un groupe international de sociétés dont la société mère est domiciliée sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne, peut être tenue de communiquer à son comité d'entreprise des documents appartenant à cette société mère et intéressant l'ensemble du groupe alors même qu'il existe un comité d'entreprise européen, en ce qu'elle suppose de s'interroger sur le caractère approprié tant du niveau de l'information que du contenu de celle-ci au regard notamment des prérogatives dont dispose lui-même le comité d'entreprise européen, impose une interprétation des deux directives précitées ; qu'en conséquence et par application de l'article 234 du Traité instituant la Communauté européenne, la Cour de cassation ne pourra que renvoyer ladite question à la Cour de justice des Communautés européennes ;
3°/ que ne peut constituer un trouble manifestement illicite, le fait pour une société française, appartenant à un groupe international de sociétés, de ne pas avoir communiqué à l'expert comptable désigné par son comité central d'entreprise des documents qui sont la propriété exclusive de la société mère du groupe, domiciliée à l'étranger, et dont celle-ci refuse la communication ; qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut être contraint à la remise d'une chose qui ne lui appartient pas et dont il n'a pas la libre disposition, ensemble l'article 809 du code de procédure civile, l'article L. 434-6 du code du travail et les adages nemo dat quod non habet et nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet ;
4°/ qu'à tout le moins, une société française, filiale d'un groupe international de sociétés, ne peut être légitimement contrainte de communiquer à l'expert comptable désigné par son comité central d'entreprise que les seules informations - et non les documents - dont elle dispose ou qu'elle a la possibilité de recueillir ; qu'en ordonnant à la société Impress métal packaging la communication des documents sollicités par l'expert-comptable de son comité central d'entreprise quand elle avait elle-même constaté que cette société était une société « captive », entièrement placée sous la tutelle de la société dominante du groupe, ce dont il résultait qu'elle ne disposait d'aucun moyen de contraindre cette dernière à lui communiquer les documents réclamés par l'expert et qu'elle ne pouvait en conséquence être condamnée à les lui remettre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 809 du code de procédure civile et L. 434-6 du code du travail ;
5°/ qu'en ordonnant la communication des documents réclamés par l'expert-comptable sans avoir seulement constaté que la société Impress métal packaging en disposait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile et de l'article L. 434-6 du code du travail ; que si l'expert-comptable du comité d'entreprise dispose des mêmes pouvoirs d'investigation que le commissaire aux comptes, lequel détient en vertu de l'article L. 823-14 du code de commerce un droit d'intervenir et de réclamer des documents non seulement auprès de l'entité dont il est chargé de certifier les comptes mais également auprès des entités qui la contrôlent ou sont contrôlées par elles, ce pouvoir d'investigation ne peut, en vertu du principe de territorialité du droit français, que concerner les sociétés mères et filiales situées sur le territoire français, à l'exclusion de celles situées sur le territoire d'un pays étranger dès lors qu'elles relèvent d'une autre législation ; qu'en ordonnant la communication à l'expert-comptable du comité central d'entreprise de documents appartenant à la société dominante du groupe, laquelle, de nationalité néerlandaise, ne résidait pas en France, relevait de la législation néerlandaise et ne participait dès lors pas des sociétés vis à vis desquelles l'expert-comptable disposait d'un droit d'investigation, la cour d'appel a violé les articles L. 434-6 du code du travail et L. 823-14 du code de commerce, ensemble l'article 809 du code de procédure civile et le principe de territorialité du droit français ;
6°/ que si l'expert-comptable du comité d'entreprise dispose des mêmes pouvoirs d'investigation que le commissaire aux comptes, lequel détient en vertu de l'article L. 823-14 du code de commerce un droit d'intervenir et de réclamer des documents non seulement auprès de l'entité dont il est chargé de certifier les comptes mais également auprès des entités qui la contrôlent ou sont contrôlées par elles, ce pouvoir d'investigation ne peut, en vertu du principe de territorialité du droit français, que concerner les sociétés mères et filiales situées sur le territoire français, à l'exclusion de celles situées sur le territoire d'un pays étranger dès lors qu'elles relèvent d'une autre législation ; qu'en ordonnant la communication à l'expert-comptable du comité central d'entreprise de documents appartenant à la société dominante du groupe, laquelle, de nationalité néerlandaise, ne résidait pas en France, relevait de la législation néerlandaise et ne participait dès lors pas des sociétés vis à vis desquelles l'expert-comptable disposait d'un droit d'investigation, la cour d'appel a violé les articles L. 434-6 du code du travail et L. 823-14 du code de commerce, ensemble l'article 809 du code de procédure civile et le principe de territorialité du droit français ;
Mais attendu, d'abord, que ni la directive n° 94/45 CE, ni la directive 2002/14/CE ne portent atteinte aux systèmes nationaux dans le cadre desquels s'exerce concrètement le droit d'information des travailleurs ;
Attendu ensuite, qu'il appartient au seul expert comptable désigné par le comité d'entreprise par application de l'article L. 434-6 du code du travail de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission, laquelle porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ;
Attendu enfin que la société IMP n'ayant jamais soutenu qu'elle aurait été dans l'impossibilité de produire les documents demandés et la cour d'appel ayant relevé que ces documents avaient été communiqués pour des exercices antérieurs, elle a pu en déduire que le refus opposé constituait un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Impress métal packaging Imp aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Impress métal packaging Imp à payer au comité central d'entreprise de la société Impress métal packaging et à la société d'expertise comptable Syndex la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-12754
Date de la décision : 05/03/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité d'entreprise - Attributions - Attributions consultatives - Organisation, gestion et marche générale de l'entreprise - Examen annuel des comptes - Assistance d'un expert-comptable - Mission - Pouvoir d'investigation - Etendue

Il appartient au seul expert comptable désigné par le comité d'entreprise par application de l'article L. 434-6 du code du travail de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission, laquelle porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; doivent lui être communiqués les documents demandés relatifs à des sociétés étrangères appartenant au groupe, dès lors que la filiale française n' a jamais soutenu qu'elle aurait été dans l'impossibilité de les produire et qu'elle les avait communiqués lors d'exercices antérieurs


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 janvier 2007

N2 Sur la possibilité pour l'expert-comptable d'un comité d'entreprise d'une filiale française de se faire communiquer les documents relatifs à des sociétés étrangères appartenant au même groupe, dans le même sens que :Soc., 21 novembre 2001, pourvoi n° 99-21903, Bull. 2001, V, n° 367 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 mar. 2008, pourvoi n°07-12754, Bull. civ. 2008, V, N° 50
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2008, V, N° 50

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Cavarroc
Rapporteur ?: Mme Morin
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.12754
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