Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2006, présentée pour
M. et Mme André X, élisant domicile ..., par
Me Lepage ; M. et Mme X demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9911678/2 en date du 29 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, au prélèvement social de 1 %, à la contribution complémentaire de 1 % et à la contribution sociale généralisée auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1993 et des pénalités dont ces cotisations ont été assorties ;
2°) de prononcer la décharge de ces cotisations et de ces pénalités ;
……………………………………………………………………………………………………..
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2008 :
- le rapport de M. Dalle, rapporteur ;
- les observations de Me Fourmon pour M. et Mme André X ;
- les conclusions de Mme Isidoro, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. André X a cédé les titres qu'il détenait dans les sociétés Kookaï et Kookoo sans avoir déclaré au service des
impôts la plus-value d'un montant de 29 649 299 F réalisée lors de ces cessions ; que
M. et Mme André X relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, au prélèvement social de 1%, à la contribution complémentaire de 1 % et à la contribution sociale généralisée auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1993, à la suite d'un contrôle sur pièces ;
Considérant que, comme le soutiennent les requérants, le tribunal n'a pas répondu aux moyens par lesquels ils faisaient valoir que le taux de 19,5 % utilisé pour le calcul des intérêts de retard était erroné et que l'administration ne justifiait pas de l'homologation régulière des rôles d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée ; que le jugement attaqué doit par suite être annulé ; qu'il y a lieu d 'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif par M. et Mme X ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'arrêté du 24 mai 1982 alors en vigueur que la direction des vérifications nationales et internationales assure : « c) La vérification, en tant que de besoin, et quel que soit le lieu de leur domicile, de la situation fiscale des dirigeants des entreprises vérifiées et de toutes personnes subordonnées ou interposées ; sont considérés comme tels : les propriétaires, les gérants et administrateurs, les directeurs et les personnes qui, exerçant des activités non commerciales, prêtent à ces entreprises un concours exclusif et permanent ; les autres entreprises appartenant à un même groupe d'intérêt que l'une des entreprises considérées ; toute personne susceptible d'avoir des relations d'intérêt, directes ou indirectes, avec l'une des entreprises vérifiées » ;
Considérant qu'en 1993, année au cours de laquelle la cession de droits sociaux litigieuse est réputée avoir été réalisée, M. X était associé des sociétés Kookoo et Kookai et par suite « propriétaire » et en « relation d'intérêts », au sens des dispositions précitées, avec ces sociétés, dont il n'est pas contesté qu'elles avaient fait l'objet d'une vérification de comptabilité menée par des agents de la direction des vérifications nationales et internationales ; que ces agents étaient compétents, par suite, pour effectuer le contrôle sur pièces de l'intéressé, dont procèdent les impositions litigieuses ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation » ;
Considérant que, par notification de redressements en date du 23 août 1996, annulant et remplaçant une notification du 28 juin 1995, l'administration a confirmé à M. X que la plus-value de 29 649 299 F qu'il avait réalisée lors de la cession des titres des sociétés Kookoo et Kookai serait soumise à l'impôt sur le revenu, au prélèvement social de 1 % et à la contribution sociale généralisée de 2,4 % et lui a également indiqué, notamment, que les revenus de capitaux mobiliers perçus par lui en 1993, qui n'avaient pas été initialement imposés au prélèvement social de 1 %, à la contribution complémentaire de 1 % et à la contribution sociale généralisée de 2,4 %, dès lors qu'en raison d'un déficit déclaré par l'intéressé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, sa cotisation d'impôt sur le revenu de l'année 1993 était inférieure au seuil de mise en recouvrement de 400 F alors prévu par l'article 1657-1 bis du code général des impôts, supporteraient ces contributions ; que cette motivation était suffisamment explicite pour permettre au contribuable de présenter utilement ses observations, même si les textes prévoyant que les contribuables dont la cotisation d'impôt sur le revenu est inférieure au montant mentionné au 1 bis de l'article 1657 ne sont pas assujettis aux contributions et prélèvements sociaux susmentionnés n'étaient pas cités ; qu'aucun principe ni aucun texte n'oblige l'administration à indiquer dans la notification de redressements les textes dont elle entend faire application et sur les fondements desquels les redressements sont établis ; que si les requérants reprochent à l'administration de ne pas avoir précisé dans la notification de redressements quel montant de revenus de capitaux mobiliers serait soumis à ces contributions et prélèvements, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas allégué que les revenus de capitaux mobiliers perçus et déclarés par M. et Mme X au titre de 1993 n'auraient pas, dans leur ensemble, été soumis aux contributions et prélèvements susmentionnés, si le seuil minimum de perception défini à l'article 1657-1 bis du code général des impôts avait été atteint ; que, dans ces conditions, l'administration pouvait, comme elle l'a fait, se contenter d'indiquer dans la notification de redressements la nature et le motif du redressement relatif aux revenus de capitaux mobiliers et n'était pas tenue de préciser en outre le montant desdits revenus, dès lors que celui-ci coïncidait avec le montant déclaré par les contribuables ; que les requérants ne peuvent pas se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales de l'instruction administrative 13 L-1513 du 1er avril 1995, qui a trait à la procédure d'imposition ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de la comparaison de la notification de redressements, de l'extrait de rôle délivré à M. et Mme X et de l'avis d'imposition dont ils ont été destinataires que la somme de 15 590 F incluse dans la somme totale à payer de 7 793 286 F, figurant sur l'extrait de rôle et sur l'avis d'imposition, correspond à la contribution complémentaire à l'impôt sur le revenu égale à 1 % du montant des revenus de capitaux mobiliers non soumis au prélèvement libératoire, alors prévue par l'article 204 A du code général des impôts ; que la somme de 490 013 F mentionnée sur l'extrait de rôle correspond au montant total exigible au titre du prélèvement social de 1 %, assis sur les plus-values et profits soumis à l'impôt sur le revenu à un taux proportionnel ainsi que sur les revenus de capitaux mobiliers, alors prévu à l'article 1600-0 F du code général des impôts ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire alors en vigueur ne s'opposait à que ces deux contributions sociales fussent recouvrées par le même rôle que celui de l'impôt sur le revenu et ce bien que la cotisation de prélèvement social n'était pas seulement assise, comme celle de l'impôt sur le revenu, sur les plus-values réalisées par M. et Mme X mais également sur les revenus de capitaux mobiliers perçus par l'intéressé et que la cotisation de contribution complémentaire n'était assise que sur ces revenus de capitaux mobiliers ; qu'aucune disposition légale n'obligeait l'administration à faire apparaître distinctement, sur le rôle en cause, les bases de chacun de ces trois impôts ; que les requérants ne peuvent se prévaloir à cet égard de l'instruction codificatrice de la comptabilité publique du 1er mars 1995 95-027-A1, qui ne contient pas d'interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et n'est pas une instruction « publiée dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi du 17 juillet 1978 », au sens de l'article 1er du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Considérant, en quatrième lieu, que, s'agissant de l'extrait de rôle relatif à la contribution sociale généralisée, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'administration de mentionner sur ce document le taux d'impôt proportionnel appliqué à la base imposable ainsi que le taux effectif de pénalité ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 104 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « Les comptables du Trésor chargés du recouvrement des impôts directs délivrent aux personnes qui en font la demande un extrait de rôle (…) dans les conditions suivantes : a) pour les impôts directs d'Etat (…) ces documents ne peuvent être délivrés que dans la mesure où ils concernent le contribuable lui-même » ; qu'en réponse à une demande de M. et Mme X, l'administration leur a transmis les extraits des deux rôles établis d'une part, en matière d'impôt sur le revenu, de prélèvement social et de contribution complémentaire, d'autre part, en matière de contribution sociale généralisée ; que ces extraits étaient accompagnés d'un feuillet récapitulant les sommes mises en recouvrement pour l'ensemble des contribuables concernés par le rôle considéré et sur lequel figuraient la formule exécutoire et la signature du directeur des services fiscaux ; que si les requérants font valoir que l'administration ne justifie pas par la production de ces pièces de l'homologation des rôles et s'ils semblent ainsi soutenir que les feuillets ne correspondent pas aux extraits de rôle, leurs allégations ne sont assorties d'aucun commencement de justification et sont infirmées par les mentions respectives des extraits et des feuillets ;
Considérant, en sixième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces rôles auraient comporté des erreurs et que les montants de 7 793 286 F et 1 175 034 F mis en recouvrement respectivement au titre de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée excéderaient ceux résultant de la notification de redressements du 23 août 1996 ; qu'il suit de là que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularités substantielles, au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, de nature à entraîner la décharge de l'ensemble des impositions et pénalités auxquelles ils ont été assujettis ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
Considérant que les requérants qui, dans leur mémoire déposé devant la cour le
5 septembre 2006, reprochent au tribunal d'avoir statué ultra petita en statuant sur le bien-fondé des impositions en litige alors qu'ils avaient accepté le redressement dans son principe doivent être regardés comme ayant renoncé aux moyens ayant trait au bien-fondé des impositions, qu'ils avaient exposés dans leur demande enregistrée au greffe du tribunal le 16 juin 1999 ;
Sur les pénalités :
En ce qui concerne les pénalités pour mauvaise foi :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au règlement du litige : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (…) » ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a motivé en droit et en fait les pénalités de mauvaise foi mises à la charge de M. X ;
Considérant, en second lieu, que le ministre se prévaut de l'arrêt en date du
21 janvier 1999, confirmé le 15 mars 2000 par la Cour de Cassation, par lequel la cour d'appel de Paris statuant en matière correctionnelle a condamné pour fraude fiscale M. X ainsi que deux autres associés des sociétés Kookai et Kookoo en se fondant notamment sur le fait, expressément constaté, que les prévenus étaient des hommes d'affaires avisés et entourés de conseillers compétents, qui avaient nécessairement connaissance de la législation applicable et qu'ils avaient par suite délibérément dissimulé les gains provenant de la cession de leurs titres ; que les faits constatés par une décision devenue définitive de la juridiction répressive et qui constituent le support nécessaire de cette décision ne peuvent plus être discutés devant la juridiction administrative ; que l'administration établit par suite la mauvaise foi du contribuable ; que, par ailleurs, la règle « non bis in idem » énoncée par l'article 14 § 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ne trouve à s'appliquer que dans le cas où une même infraction pénale ayant déjà donné lieu à un jugement définitif de condamnation ou d'acquittement ferait l'objet d'une nouvelle poursuite et, le cas échéant, d'une condamnation devant ou par une juridiction répressive ; que par suite, cette règle ne peut être utilement invoquée par M. et Mme X ;
En ce qui concerne les intérêts de retard :
Considérant qu'aux termes des articles 1727, 1727 A et 1728 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable en l'espèce : « [1727] : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions (…) Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé [1727 A] : 1. L'intérêt de retard prévu à l'article 1727 est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement. Toutefois, en matière d'impôt sur le revenu, le point de départ du calcul de l'intérêt de retard est le 1er juillet de l'année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est établie (…) [1728] : 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 %. 2. Le décompte de l'intérêt de retard est arrêté soit au dernier jour du mois de la notification de redressement, soit au dernier jour du mois au cours duquel la déclaration ou l'acte a été déposé (…) » ;
Considérant que la notification de redressements du 23 août 1996 précisait que les droits découlant des redressements opérés seraient assortis de l'intérêt de retard et de la majoration de 40 % prévus à l'article 1729 du code général des impôts sur le montant des rappels diminués des avoirs fiscaux de l'exercice, soit 525 000 F ; que, pour satisfaire à l'exigence de motivation prévue par l'article L 57 du livre des procédures fiscales, l'administration n'était pas tenue d'indiquer en outre le taux de l'intérêt de retard et les points de départ et d'arrêt de cet intérêt ;
Considérant par ailleurs qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, M. et Mme X ont fait l'objet de deux notifications de redressements successives, en date respectivement des
28 juin 1995 et 23 août 1996 ; que l'administration était en droit, comme elle l'a fait en application des dispositions précitées de l'article 1728, d'arrêter les intérêts de retard au
31 août 1996, dernier jour du mois de la notification du 23 août 1996, dès lors que celle-ci annulait et remplaçait la première notification du 28 juin 1995 ; qu'en tout état de cause, les requérants sont sans intérêt à contester l'excédent d'intérêts de retard résultant de l'envoi de cette seconde notification, dès lors que celui-ci a eu pour effet de différer la mise en recouvrement des impositions litigieuses et que les intérêts de retard, dont le taux n'est pas excessif, ont pour principal objet de réparer le préjudice subi par le Trésor du fait du paiement tardif de l'impôt ; que la circonstance que deux autres associés des sociétés Kookoo et Kookai, ayant fait l'objet de redressements similaires, auraient bénéficié d'un calcul des intérêts de retard plus favorable n'est pas de nature à justifier la décharge ou la réduction des intérêts de retard afférents aux impositions mises à la charge de M. et Mme X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande en décharge de
M. et Mme X doit être rejetée ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 29 juin 2006 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme André X devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés.
6
N° 06PA03246