Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2006, présentée pour M. et Mme Joël X et leurs filles, Aurélie, Delphine et Eloïse X, demeurant ..., par Me Cartron, avocat au barreau de Rennes ; les CONSORTS X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-3854 du 13 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Morlaix à leur verser des indemnités en réparation des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale que Mme Danièle X a contractée lors de son séjour dans cet établissement le 12 octobre 1999 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Morlaix à verser à Mme X une somme de 7 156,14 euros au titre des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation, une somme globale de 1 278 000 euros en réparation du préjudice professionnel, une somme de 8 000 euros en réparation du préjudice para-professionnel, une somme globale de 5 486,57 euros au titre de l'aménagement du cadre de vie, une somme de 9 991,80 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne, une somme de 8 000 euros en réparation des souffrances physiques, une somme de 9 000 euros en réparation du préjudice esthétique, une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice d'agrément, une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice sexuel, et de fixer à la somme de 9 991,80 euros le montant de la rente annuelle à compter du 1er janvier 2000, avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2002 et capitalisation à compter du 13 septembre 2003 et ainsi que de condamner le centre hospitalier à verser à M. X une somme de 8 000 euros et à chacune de ses trois filles une somme de 1 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2004 et capitalisation ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Morlaix à leur verser une somme de 7 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2007 :
- le rapport de M. Geffray, rapporteur ;
- les observations de Me Cartron , avocat des CONSORTS X ;
- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de M. X et de Mlles Aurélie, Delphine et Eloïse X :
Considérant que M. X et ses trois filles n'étaient pas recevables à présenter, par la voie d'une intervention dans le cadre de la demande de Mme X, des conclusions indemnitaires distinctes de celles présentées par celle-ci ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 avril 2006, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté pour ce motif leurs conclusions ;
Sur la responsabilité :
Considérant que le 29 septembre 1999, Mme X, alors âgée de quarante-deux ans, a été admise aux urgences du centre hospitalier de Morlaix pour y subir des ponctions lombaires en raison d'une méningite purulente ; que lors de son hospitalisation dans cet établissement de santé, elle a été victime de complications du fait de l'apparition, le 6 octobre 1999, d'une infection par le germe pseudomonas æruginosa dont il est allégué qu'elle aurait un caractère nosocomial ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le Tribunal de grande instance de Morlaix que Mme X ait été porteuse de ce germe antérieurement à son hospitalisation ; qu'ainsi, rien ne permet de présumer de l'existence d'un foyer infectieux antérieur à son admission au centre hospitalier ; que si l'expert n'a relevé aucune faute, notamment en matière d'asepsie, la circonstance que cette infection ait pu néanmoins se produire révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Morlaix à l'égard de Mme X qui est restée atteinte de séquelles d'une hémiplégie droite ; que, par suite, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement du 13 avril 2006, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Morlaix à lui verser une indemnité en réparation des conséquences dommageables de cette infection ;
Sur le préjudice ;
En ce qui concerne les préjudices subis par Mme X :
Considérant, en premier lieu, que l'incapacité permanente partielle dont Mme X est affectée, et dont le taux a été évalué à 35 % par l'expert désigné par le Tribunal de grande instance de Morlaix alors qu'il n'aurait été que de 20 à 25 % si la requérante n'avait pas été atteinte d'une infection nosocomiale, ne constitue pas un préjudice indemnisable en tant que tel ; que les conséquences qui en résultent sont, en revanche, indemnisables ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence de Mme X causés par cette infection, comprenant les préjudices d'agrément et sexuel, en fixant à 15 000 euros le montant de l'indemnité due à ce titre ;
Considérant, en deuxième lieu, que les souffrances physiques ont été évaluées par le même expert à 4,5 - 5 sur une échelle de 7 ; que le préjudice esthétique a été évalué à 5 sur la même échelle ; que ces préjudices auraient été limités aux valeurs respectives de 3 et 3,5 si Mme X n'avait été atteinte que de la méningite pour laquelle elle devait être soignée ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation pour chaque chef de préjudice en fixant le montant de l'indemnité à la somme de 1 000 euros ;
Considérant, en troisième lieu, que les frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation comprenant la part non remboursable d'un lit médicalisé, les frais de changement de literie, les frais de transports médicalisés, la location d'un téléviseur, les frais d'hébergement lors de ses cures en 2001, 2002 et 2003 et ceux de transports en 2003, qui sont restés à la charge de Mme X, sont imputables à l'infection nosocomiale dont elle a été atteinte à concurrence d'un tiers ; que Mme X est, par suite, en droit de demander le remboursement de ces frais par le centre hospitalier de Morlaix à hauteur d'une somme de 2 500 euros ;
Considérant, en quatrième lieu, que si Mme X était employée de la société anonyme Joël X et gérante de l'exploitation agricole à responsabilité limitée Kerjade lorsqu'est survenue l'infection nosocomiale dont s'agit, elle a été reconnue, par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) du Finistère, dès le 24 août 2000, capable d'exercer à nouveau une profession sauf en station débout et a perçu des indemnités journalières, notamment une somme de 32 022,34 euros de la part de la caisse de mutualité sociale agricole du Finistère pendant son incapacité temporaire totale, soit du 29 septembre 1999 au 31 janvier 2002, et se borne à produire une estimation du centre d'économie rurale et une attestation comptable pour démontrer qu'elle aurait subi une perte de revenus ; qu'ainsi, la requérante ne peut être regardée comme justifiant de pertes de revenus imputables à la faute du centre hospitalier ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'eu égard au seul taux d'incapacité permanente partielle imputable à l'infection litigieuse, soit entre 10 à 15 %, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme X ne peut pas prétendre à la mise à la charge du centre hospitalier de Morlaix de frais d'aménagement de son véhicule automobile ; que Mme X ne saurait solliciter l'assistance d'une tierce personne dès lors que l'expert n'a pas prévu cette aide ;
Considérant, enfin, que le surplus des préjudices allégués n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préjudice de Mme X résultant de l'infection nosocomiale s'élève à une somme globale de 19 500 euros et que le centre hospitalier de Morlaix doit être condamné à verser à l'intéressée cette somme ;
Sur les intérêts et la capitalisation :
Considérant que Mme X a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 19 500 euros à compter du 20 septembre 2002, date de réception par le centre hospitalier de Morlaix de sa réclamation indemnitaire ; que la capitalisation des intérêts a été demandée à compter du 13 septembre 2003 par Mme X ; qu'à cette date, il n'était pas dû une année d'intérêts ; qu'en revanche, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 20 septembre 2003 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier de Morlaix à payer à Mme X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Rennes du 13 avril 2006 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Morlaix est condamné à verser à Mme X une somme de 19 500 euros (dix-neuf mille cinq cents euros), avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2002. Les intérêts échus le 20 septembre 2003 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des CONSORTS X est rejeté.
Article 4 : Le centre hospitalier de Morlaix versera à Mme X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Joël X, à Mlle Aurélie X, à Mlle Delphine X, à Mlle Eloïse X, au centre hospitalier de Morlaix, à la mutualité sociale agricole du Finistère et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
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N° 06NT01071
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