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31/05/2007 | FRANCE | N°06MA03503

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 31 mai 2007, 06MA03503


Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2007 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- les observations de Me Jacqueminot pour l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du

gouvernement ;

Considérant que M. X, alors âgé de 35 ans, a été victime d'un accident de la circulation le 5...

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2007 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- les observations de Me Jacqueminot pour l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, alors âgé de 35 ans, a été victime d'un accident de la circulation le 5 juillet 1987 ; qu'il a été hospitalisé en urgence au centre hospitalier de Millau où il a reçu trois flacons de sang puis, quelques heures plus tard, au centre hospitalier universitaire de Montpellier où il a séjourné du 5 juillet au 27 août 1987, période pendant laquelle il a reçu à quatre reprises, le 5 juillet, le 13 juillet, le 31 juillet et le 3 août, des transfusions de produits sanguins ; qu'à l'occasion d'un bilan de santé, M. X a découvert en septembre 1994 qu'il était contaminé par le virus de l'hépatite C ; qu'il impute cette contamination aux transfusions subies au cours des hospitalisations qui ont suivi son accident ; que, saisi d'une demande de provision par M. X, le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier a, par ordonnance en date du 5 décembre 2006, rejeté comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ses conclusions tendant à la condamnation de la Compagnie AXA Assurances et comme mal dirigées ses conclusions tendant à la condamnation du centre régional de transfusion sanguine de Montpellier ; qu'en revanche, le juge des référés a, par l'article 1er de cette ordonnance, condamné l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG à verser à M. X à titre de provision la somme de 9 000 euros, par l'article 2 de la même ordonnance condamné le même établissement à verser à titre de provision la somme de 30 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille et, par l'article 3 de la même ordonnance, mis à la charge de l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG la somme de 800 euros demandée par M. X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que M. X relève appel de l'article 4 de cette ordonnance par lequel le juge des référés a rejeté le surplus de ses conclusions et demande la condamnation du centre régional de transfusion sanguine de Montpellier, de l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG et de la Compagnie AXA Assurances à lui verser la somme de 15 000 euros au titre des préjudices soumis à recours des organismes sociaux et la somme de 283 300 euros au titre de son préjudice personnel avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts ; que l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG relève appel des trois premiers articles de la même ordonnance et demande à la Cour de condamner M. X à lui rembourser avec intérêts les fonds versés en exécution de l'ordonnance ; qu'enfin, la caisse primaire d'assurance maladie de Lille demande à la Cour d'annuler l'article 4 de la même ordonnance par laquelle le juge des référés a rejeté le surplus de ses prétentions et demande à la Cour, dans le dernier état de ses conclusions, de condamner l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG à lui verser la somme de 44 747,43 euros au titre de ses débours ainsi que la somme de 926 euros en application du 5ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant que le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté à bon droit comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de M. X tendant à la condamnation de la Compagnie AXA Assurances, société de droit privé liée à l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG par un contrat de droit privé ; qu'il y a lieu de rejeter pour le même motif les conclusions que M. X réitère en appel contre la Compagnie AXA Assurances ;

Sur les conclusions de M. X et de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille tendant à la condamnation du centre régional de transfusion sanguine de Montpellier :

Considérant que M. X et la caisse primaire d'assurance maladie de Lille ne contestent pas que les droits et obligations du centre régional de transfusion sanguine de Montpellier ont été transférés, comme l'a relevé le premier juge, à l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter leurs conclusions tendant à la condamnation du centre régional de transfusion sanguine de Montpellier comme mal dirigées ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant que le premier juge a relevé : « qu'en l'absence de justification précise d'autres chefs de préjudice évoqués par le requérant et non retenus par l'expert », il n'y avait lieu d'indemniser, en l'état de l'instruction, que les chefs de préjudice liés à l'incapacité temporaire totale, à l'incapacité permanente partielle et aux souffrances physiques ; que M. X n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le juge des référés aurait omis de statuer sur certains postes de préjudice tels que le préjudice d'agrément et le préjudice moral spécifique ;

Sur la régularité des opérations d'expertise :

Considérant, d'une part, que le premier juge a fait état dans son ordonnance du rapport d'expertise établi par un expert désigné par le président du Tribunal de grande instance de Montpellier ; que la circonstance que les opérations d'expertise elles-mêmes n'ont pas été effectuées au contradictoire des parties présentes au litige devant le juge des référés administratif ne faisait pas obstacle à ce que ce rapport ait été retenu à titre d'information par celui-ci, dès lors que le rapport en cause a été versé aux débats et soumis, de ce fait, au débat contradictoire des parties en première instance ;

Considérant, d'autre part, que le rapport d'expertise en cause constituant un simple élément d'information, les moyens par lesquels M. X et la caisse primaire d'assurance maladie de Lille contestent la régularité des opérations de l'expertise aux motifs qu'elles auraient méconnu le principe du contradictoire doivent être écartés comme inopérants ;

Sur le bien-fondé de la demande de provision de M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) » ; que, contrairement à ce que soutient l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier était compétent pour apprécier si les conditions de la présomption prévue à l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée étaient remplies et si l'obligation dont M. X entendait se prévaloir n'était pas sérieusement contestable ;

En ce qui concerne le principe de l'obligation mise à la charge de l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médical établi à la demande du président du Tribunal de grande instance de Montpellier, lequel a pu être retenu, comme il a été dit, à titre d'information par le premier juge, que le diagnostic d'hépatite C a été établi chez M. X en septembre 1994 lors d'un bilan de santé réalisé pour asthénie ; que M. X ne présentait aucun antécédent chirurgical ou médical ni aucun comportement l'exposant à un risque de contamination ; que l'expert fixe la date probable de contamination entre le 5 juillet et le 27 août 1987, période pendant laquelle M. X a reçu à quatre reprises des transfusions massives de produits sanguins provenant du centre régional de transfusion sanguine de Montpellier et relève plus précisément qu'un des lots de plasma frais congelé administré au patient le 5 juillet 1987 à 23 heures 40 correspond vraisemblablement au lot n° 03188 testé positif pour le virus de l'hépatite C le 7 février 1998 ; qu'ainsi, M. X apporte un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse de sa contamination par les transfusions qu'il a subies au cours de l'été 1987 un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; qu'il suit de là que, dans les circonstances de l'espèce, le lien de causalité entre les transfusions et la contamination de M. X doit être regardé comme établi ; que l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier a regardé son obligation à l'égard de M. X comme non contestable dans son principe ;

En ce qui concerne le montant de la provision accordée à M. X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médical précité que M. X a subi une incapacité temporaire totale de 10 jours et des souffrances physiques moyennes en raison de l'asthénie, de l'anxiété liée à l'annonce de la contamination et de la réalisation de deux biopsies hépatiques et de deux traitements successifs par « interféron » ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, l'état de santé de M. X ne peut être regardé comme stabilisé ; que l'intéressé est, en particulier, victime d'une atteinte hépatique permanente avec cirrhose micronodulaire et un risque d'évolution vers un carcinome hépato-cellulaire, évalué de 3 à 5 % par l'expert ; que, dans ces conditions, en l'état du dossier, compte tenu de l'âge de la victime à la date de sa contamination et de la nature et de la gravité des préjudices subis du fait de la pathologie contractée, il y a lieu de porter à 30 000 euros tous intérêts compris le montant de la provision qui a été accordée à M. X par le premier juge ;

Sur le bien-fondé de la demande de provision de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Lille justifie, par la production d'une attestation d'imputabilité et d'un état détaillé du coût des soins apportés à M. X et qui sont en rapport avec la contamination dont l'intéressé a été victime, avoir supporté des frais pour un montant de 44 747,43 euros comprenant les frais futurs qu'elle aura à prendre en charge à raison des examens nécessités par le suivi de l'état de santé de M. X ; qu'elle demande aussi le versement de la somme de 926 euros en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il y a lieu, par suite, de porter à la somme de 45 673,43 euros le montant de la provision qui lui a été accordée par le premier juge ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X et la caisse primaire d'assurance maladie de Lille sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier a limité respectivement à 9 000 et à 30 000 euros les sommes qu'il a condamné l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG à leur verser à titre de provision et à demander que ces sommes soient portées respectivement à un montant de 30 000 euros tous intérêts compris et à un montant de 45 673,43 euros ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et de rejeter les conclusions de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG et de la Compagnie AXA Assurances tendant à l'application du même article ;

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG est rejetée.

Article 2 : La somme que l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG est condamné à verser à M. X est portée à 30 000 euros tous intérêts compris.

Article 3 : La somme que l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille est portée à 45 673,43 euros.

Article 4 : L'ordonnance en date du 5 décembre 2006 du juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier est réformée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG versera à M. X la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté, ses conclusions tendant à la condamnation de la Compagnie AXA Assurances étant rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 7 : Les conclusions de la Compagnie AXA Assurances sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. Thierry X, à l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille, à la Compagnie AXA Assurances, au centre régional de transfusion sanguine de Montpellier et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera adressée à Me Durrieu-Diebolt, à Me Champetier de Ribes, à Me Depieds, à Me Berger et au préfet de l'Hérault.

N°06MA03503 et N° 06MA03541 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA03503
Date de la décision : 31/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : DURRIEU DIEBOLT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-05-31;06ma03503 ?
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