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15/10/2009 | FRANCE | N°06MA01101

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 5, 15 octobre 2009, 06MA01101


Vu la requête, enregistrée le 13 avril 2006, présentée pour M. Gérard X, demeurant ...), par Me Belnet ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0104553, 0107174 du 13 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, après avoir, dans l'article 1er de son jugement, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de ses requêtes à concurrence du dégrèvement de 242 euros qui lui a été accordé au titre des contributions sociales afférentes aux rentes viagères à titre onéreux des années 1997 à 2000, a rejeté sa demande la

décharge et la restitution des cotisations sociales appliquées à ses revenus ...

Vu la requête, enregistrée le 13 avril 2006, présentée pour M. Gérard X, demeurant ...), par Me Belnet ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0104553, 0107174 du 13 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, après avoir, dans l'article 1er de son jugement, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de ses requêtes à concurrence du dégrèvement de 242 euros qui lui a été accordé au titre des contributions sociales afférentes aux rentes viagères à titre onéreux des années 1997 à 2000, a rejeté sa demande la décharge et la restitution des cotisations sociales appliquées à ses revenus de source néerlandaise pour les années 1997, 1998 et 1999 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale et au prélèvement social de 2 % auxquelles il a été assujettie au titre des années 1997 à 2000 à raison de ses revenus de source néerlandaise, restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le règlement (CEE) du Conseil n°1408/71 modifié du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2009 :

- le rapport de Mme Menasseyre,

- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

- les observations de Me Trarieux-Lumière, pour Me X ;

Considérant que M. X, ressortissant néerlandais, fiscalement domicilié en France depuis 1994, et salarié d'une société de droit néerlandais qui n'a pas d'établissement stable en France a notamment perçu, entre 1997 et 2000, des salaires et des sommes qualifiées de rentes viagères à titre onéreux de source néerlandaise ; qu'estimant qu'il n'avait pas à cotiser, sur ces revenus, simultanément aux régimes de sécurité sociale français et néerlandais, M. X a demandé la restitution de la contribution sociale généralisée, de la contribution au remboursement de la dette sociale et du prélèvement social de 2 % appliqués à ses salaires et rentes viagères à titre onéreux de source néerlandaise ; qu'il fait régulièrement appel du jugement du 13 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, après avoir constaté qu'une partie des conclusions de sa requête était, en raison des dégrèvements survenus en cours d'instance, devenue sans objet, a rejeté ses prétentions ;

Sur les contributions assises sur les salaires du requérant :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les salaires du requérant ont été retenus dans la seule assiette de la contribution au remboursement de la dette sociale, et qu'il a, au stade de la réclamation préalable, obtenu le dégrèvement de la part de ladite contribution qui a avait grevé ses salaires de source étrangère, pour les années 1997 à 1999 incluse ; qu'en revanche, les salaires de source étrangère perçus par le requérant en 2000 sont demeurés dans les bases de la contribution au remboursement de la dette sociale à laquelle il a été assujetti ; qu'il résulte également de l'instruction que les contributions litigieuses sont également assises, pour chacune des années en litige, sur les sommes qualifiées de rentes viagères à titre onéreux ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1600-0 G du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : Les personnes physiques désignées à l'article L.136-1 du code de la sécurité sociale sont assujetties à une contribution perçue à compter de 1996 et assise sur les revenus du patrimoine définis au I de l'article L.136-6 du même code. (...) Elle est établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les modalités prévues au III de l'article L.136-6 du code de la sécurité sociale, à l'exception du troisième alinéa. ; qu'aux termes de l'article 1600-0 H du même code : Sont également assujettis à la contribution mentionnée à l'article 1600-0 G, dans les conditions et selon les modalités prévues aux I et II de cet article : 1. Les revenus d'activité et de remplacement de source étrangère perçus à compter du 1er février 1996 et jusqu'au 31 janvier 2009 et soumis en France à l'impôt sur le revenu. ; qu'enfin aux termes de l'article L.136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : I. - Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des 3° et 4° du II de l'article L.136-7 autres que les contrats en unités de compte (...) III.-La contribution portant sur les revenus mentionnés aux I et II ci-dessus est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu. ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les litiges nés des prélèvements effectués au titre du 1. de l'article 1600-0 G du code général des impôts ressortissent, par l'effet du renvoi au III de l'article L.136-6 du code de la sécurité sociale, à la juridiction administrative ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal a jugé que les conclusions de M. X tendant à la décharge des cotisations auxquelles il a été assujetti, au titre de la contribution au remboursement de la dette sociale à raison de ses revenus d'activité de source néerlandaise échappaient à la compétence du juge administratif ; que l'intéressé est dès lors fondé à demander, dans cette mesure, l'annulation du jugement ; qu'il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X et, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 du règlement n° 1408/71 susvisé : 1. Sous réserve de l'article 14 quater, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre. ; que la Cour de justice des Communautés européennes a jugé, par deux arrêts 34/98 et 169/98 du 15 février 2000, d'une part que la contribution sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale, en tant qu'elles frappent des salaires et ont pour objet de financer des régimes de sécurité sociale, entrent dans le champ d'application des règlements communautaires régissant le droit d'assujettir les travailleurs frontaliers à des cotisations sociales, et, d'autre part qu'en appliquant la contribution au remboursement de la dette sociale aux revenus d'activité et de remplacement des travailleurs salariés et indépendants qui résident en France mais travaillent dans un autre Etat membre et qui, en vertu du règlement n° 1408/71, ne sont pas soumis à la législation française de sécurité sociale, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 13 dudit règlement ainsi que des articles 48 et 52 du traité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, directeur des opérations spéciales de la société de droit néerlandais Vermeer Verenigde Bedrijven, qui n'a pas d'établissement stable en France, est responsable de la négociation de grands contrats à l'étranger et perçoit des salaires de source néerlandaise ; qu'il résulte également de l'instruction que, alors même que les affaires qu'il gère à l'international ne nécessitent pas sa présence permanente aux Pays-Bas, les revenus afférents à son activité professionnelle sont, conformément aux dispositions de l'article 13 du règlement n° 1408/71, grevés des charges sociales découlant de l'application de la législation de sécurité sociale des Pays-Bas, seul pays au regard de la législation duquel il revête la qualité d'assuré social ; que dans ces conditions, le requérant ne saurait être regardé comme travaillant en France, alors même qu'il y est fiscalement domicilié ; qu'en sa qualité de ressortissant communautaire résidant en France mais travaillant dans un autre Etat membre, M. X est fondé à soutenir que l'assujettissement à la contribution au remboursement de la dette sociale de ses revenus d'activité procède d'une méconnaissance de la règle de l'unicité de la législation applicable, énoncée à l'article 13 du règlement n° 1408/71, dans la mesure où ces mêmes revenus ont déjà été grevés par l'ensemble des prélèvements sociaux dans l'Etat membre d'emploi, dont la législation est seule applicable en vertu dudit article 13 ; qu'est à cet égard indifférente la circonstance que la contribution au remboursement de la dette sociale présente le caractère d'imposition de toute nature et non celui de cotisation de sécurité sociale, au sens des dispositions constitutionnelles et législatives nationales, dès lors qu'en tant qu'elle frappe des salaires et a pour objet de financer le régime de sécurité sociale français, elle entre dans le champ d'application des règlements communautaires régissant le droit d'assujettir à des cotisations sociales les travailleurs communautaires résidant en France mais travaillant dans un autre Etat membre ;

Sur les contributions assises sur les sommes qualifiées de rentes viagères à titre onéreux perçues par M. X :

Considérant que, pour justifier de la nature des sommes qui lui ont respectivement été versées par les sociétés d'assurance Centraal Beheer et Marge BV, M. X indique qu'il a bénéficié d'un accord particulier avec son employeur conclu en février 1992, prévoyant la constitution d'un capital aliéné alimenté par des cotisations payées par son employeur et par lui-même, sur un plan de retraite personnel ouvert auprès de l'organisme d'assurance Centraal Beheer ; que s'il produit un bulletin de salaire justifiant que les cotisations qu'il versait auprès de cet organisme étaient précomptées par son employeur, il ne justifie pas de la participation de ce dernier au financement de ce plan de retraite personnel ; qu'au vu de ces seuls éléments, il ne résulte pas de l'instruction que les arrérages versés par cet organisme au requérant l'aient été à raison de son activité dans l'entreprise comme salarié ; qu'ils doivent être dès lors regardés comme la contrepartie de l'aliénation volontaire d'un capital, et recevoir la qualification de revenus du patrimoine, et non de revenus de remplacement ; qu'il en va de même pour ce qui concerne les sommes versées à M. X par la société Marge BV en vertu d'un contrat qui ne fait nullement référence à son activité salariée, et à la conclusion duquel son employeur est demeuré totalement extérieur ; qu'eu égard à cette qualification, le requérant, même s'il est couvert par le champ d'application personnel, défini à l'article 2 du règlement n° 1408/71 ne saurait utilement invoquer le principe d'unicité de législation applicable, qui ne vaut que pour les situations prévues aux articles 13 paragraphe 2 et 14 à 17 inclus du règlement, au nombre desquelles ne figure pas la sienne, pour contester l'assujettissement à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale et au prélèvement social de 2 % de ses rentes viagères à titre onéreux de source étrangère ;

Considérant que l'intéressé invoque toutefois à l'appui de sa contestation, la méconnaissance des articles 39 et 43 du traité CE ;

Considérant que tout ressortissant communautaire, indépendamment de son lieu de résidence et de sa nationalité, qui a fait usage du droit à la libre circulation des travailleurs et qui a exercé une activité professionnelle dans un Etat membre autre que celui de résidence, relève du champ d'application de l'article 39 du traité ; qu'en l'espèce, la situation de M. X, qui est salarié aux Pays-Bas alors qu'il réside en France, relève du champ d'application de l'article 39 du traité ;

Considérant que l'ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes, au nombre desquelles figure le principe de la libre circulation des travailleurs tel qu'il est défini par l'article 39 du traité CE, visent à faciliter, pour les ressortissants communautaires, l'exercice d'activités professionnelles de toute nature sur le territoire de la Communauté et s'opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre ; que le respect de cette liberté s'impose aux États membres, y compris dans des matières qui demeurent de leur compétence, comme c'est le cas de la fiscalité directe ;

Considérant que l'assujettissement aux contributions litigieuses des revenus du patrimoine d'un ressortissant communautaire exerçant une activité salariée aux Pays-Bas et résidant en France qui, en vertu du règlement n° 1408/71, n'est pas soumis à la législation de sécurité sociale française, et dont les revenus ont, de ce fait, déjà fait l'objet de prélèvements sociaux dans son pays d'origine est clairement de nature à rendre moins attrayante ou à gêner son expatriation ; qu'un tel assujettissement, conséquence d'un cumul des législations applicables révélateur d'une inégalité de traitement parmi les ressortissants communautaires résidant en France, entre ceux qui travaillent dans un autre Etat membre et qui contribuent, y compris sur les revenus de leur patrimoine, au financement de la sécurité sociale de cet Etat, et les résidents qui sont exclusivement tenus de cotiser, sur ces revenus, au régime de sécurité sociale de l'Etat de résidence a, dès lors pour effet d'entraver la libre circulation de travailleurs communautaires sur le territoire d'un autre Etat membre ; que M. X est, dès lors, fondé à soutenir que l'assujettissement aux contributions litigieuses de ses rentes viagères à titre onéreux de source néerlandaise contrevient au principe de libre circulation des travailleurs institué par l'article 39 du traité CE ; qu'est à cet égard sans incidence la qualification donnée aux contributions litigieuses en droit interne, dès lors que, ces contributions présentent un lien direct et pertinent avec le régime de sécurité sociale français ; que le ministre ne saurait davantage utilement invoquer l'incompétence alléguée du juge administratif en matière de contrôle de constitutionnalité des lois, dès lors qu'un tel contrôle n'est pas en cause en l'espèce, le requérant mettant seulement en cause la conformité de la loi française au droit communautaire d'origine et dérivé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale et au prélèvement social de 2 % auxquelles il a été assujetti au titre des années 1997 à 2000 à raison de ses revenus de source néerlandaise ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 13 février 2006 est annulé en tant qu'il rejette comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de M. X tendant à la décharge des cotisations auxquelles il a été assujetti, au titre de la contribution au remboursement de la dette sociale à raison de ses revenus d'activité de source néerlandaise.

Article 2 : M. X est déchargé des cotisations à la contribution sociale généralisée à la contribution au remboursement de la dette sociale, et au prélèvement social de 2 % auxquelles il a été assujetti au titre des années 1997 à 2000, à raison de ses revenus de source néerlandaise.

Article 3 : Le surplus du jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 13 février 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 1500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gérard X et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Copie en sera adressé à Me Belnet et au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.

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N° 06MA01101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 06MA01101
Date de la décision : 15/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : BUREAU D'ÉTUDES FISCALES ET JURIDIQUES RAYMOND BELNET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-10-15;06ma01101 ?
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