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23/03/2010 | FRANCE | N°06LY01195

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 5, 23 mars 2010, 06LY01195


Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2006, présentée pour M. Daniel A, domicilié ... ;

Il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 030846, en date du 7 avril 2006, en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Chambéry à lui verser une somme de 13 502 euros, en répération des préjudices résultant de la défectuosité d'une prothèse ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry une somme de 1 300 euros a

u titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient...

Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2006, présentée pour M. Daniel A, domicilié ... ;

Il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 030846, en date du 7 avril 2006, en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Chambéry à lui verser une somme de 13 502 euros, en répération des préjudices résultant de la défectuosité d'une prothèse ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry une somme de 1 300 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le centre hospitalier est responsable, même sans faute, de la défectuosité de la prothèse qui lui a été implantée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 octobre 2006, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Savoie ;

Elle conclut :

- à l'annulation du même jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant, dans le dernier état de ses écritures, à ce que le centre hospitalier de Chambéry soit condamné à lui rembourser ses débours, à hauteur d'une somme totale de 6 660,37 euros, outre l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- à ce que le centre hospitalier de Chambéry soit condamné à lui verser ladite somme, outre l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Chambéry au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle est recevable à interjeter appel après expiration du délai, dès lors que la victime qu'elle a indemnisée a elle-même interjeté appel dans les délais ;

- la prothèse utilisée était défectueuse, engageant la responsabilité du centre hospitalier ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 juillet 2008, présenté pour la SARL société groupe Lepine ;

Elle conclut :

- à sa mise hors de cause ;

- à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- M. A n'a jamais recherché sa responsabilité, et ne pourrait le faire pour la première fois en appel ;

- en tout état de cause, la prothèse n'était pas défectueuse ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2008, présenté pour le centre hospitalier de Chambéry ; il conclut au rejet de la requête ainsi que des conclusions de la CPAM de Savoie ;

Il soutient que :

- la directive 85/374 ne retient la responsabilité du fournisseur d'un produit défectueux que si le producteur ne peut être identifié, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- la même directive n'admet l'application d'un régime dérogatoire au principe général qu'elle édicte, que si ce régime, d'une part demeure sectoriel, d'autre part et surtout préexistait à la notification de cette directive, ce qui n'est pas le cas du régime jurisprudentiel de responsabilité sans faute dont se prévaut le requérant, ni, en tout état de cause, des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique issues de la loi du 4 mars 2002 ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 octobre 2008, présenté pour la CPAM de Savoie ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 mai 2009, présenté pour M. A ; il conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il ajoute que :

- il y a lieu d'estimer que la défectuosité de la prothèse révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ;

- la loi 98-389 n'est pas applicable, dès lors que le produit a été mis en circulation antérieurement à son entrée en vigueur ;

- le CHU ne lui a pas indiqué dans un délai raisonnable l'identité du producteur de la prothèse ;

- l'article 1386-18 du code civil réserve l'applicabilité de régimes spéciaux de responsabilité ;

- les conclusions de la société groupe Lepine sont irrecevables, dès lors qu'elle n'a pas été mise directement en cause en appel ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 février 2010, présenté pour la CPAM de Savoie ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat statuant au contentieux, en date du 9 juillet 2003, dans l'affaire 220437 ;

Vu la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, modifiée, relative au rapprochement des dispositions législatives, règlementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité des produits défectueux ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2010 :

- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;

- les observations de Me Michaud, avocat de la CPAM de Savoie ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau aux parties présentes ;

Considérant qu'il est constant que M. A, à la suite d'un accident du travail, a dû faire l'objet d'une intervention chirurgicale afin de mettre en place une prothèse du genou gauche ; qu'une première prothèse, uni compartimentaire, posée le 15 février 1999, a été remplacée par une prothèse totale le 25 janvier 2000 ; qu'une intervention de reprise a dû être réalisée le 27 avril 2000, avant que la prothèse ne soit changée le 8 février 2001 ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. A, qui tendait à la condamnation du centre hospitalier de Chambéry à lui verser une somme de 13 502 euros, en réparation des préjudices qu'il impute à la défectuosité de la prothèse qui lui a été posée le 25 janvier 2000, en estimant que les dispositions de la directive susvisée 85/374/CEE faisaient obstacle à ce que la responsabilité du centre hospitalier puisse être engagée sans faute à ce titre ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la directive 85/374/CEE susvisée : Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit ; qu'aux termes de l'article 3 de la même directive : (...) 3. Si le producteur du produit ne peut être identifié, chaque fournisseur en sera considéré comme producteur, à moins qu'il n'indique à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité du producteur ou de celui qui lui a fourni le produit (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article 13 de la même directive : La présente directive ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir (...) au titre d'un régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la présente directive ;

Considérant qu'il résulte des objectifs de la directive 85/374/CEE susvisée, invoquée par le centre hospitalier de Chambéry, actuellement transposée aux articles 1386-1 et suivants du code civil, que lorsqu'un centre hospitalier a fourni un produit défectueux à un patient, et que le producteur en est connu, seul ce dernier est susceptible de répondre de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit ; qu'à cet égard, le régime de responsabilité sans faute du service hospitalier du fait de la défectuosité des produits et matériels de santé, initié par l'arrêt du Conseil d'Etat susvisé du 9 juillet 2003, ne peut être regardé comme un régime spécial de responsabilité préexistant au sens des dispositions précitées de l'article 13 de la directive 85/374/CEE ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'identité du fabricant de la prothèse qui lui a été posée en 2000 au plus tard en mai 2001, date à laquelle cette identité est précisément relevée dans un rapport médical réalisé pour son assureur et qu'il a lui-même produit en première instance ; que, dès lors que le producteur de la prothèse dont M. A incrimine la défectuosité lui était connu, le requérant ne peut rechercher la responsabilité sans faute du centre hospitalier de Chambéry, qui n'en était que fournisseur ; qu'il ne peut utilement se prévaloir de la seule circonstance que la prothèse litigieuse aurait été mise en circulation antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi 98-389 susvisée, qui a réalisé pour partie la transposition de la directive 85/374/CEE, dès lors que les articles 17 et 19 de cette directive prévoient que le régime qu'elle détermine s'applique aux produits mis en circulation à partir du 30 juillet 1988 ;

Considérant, enfin, que M. A n'établit pas que le centre hospitalier aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité du moyen nouveau tiré en appel de la faute commise par le centre hospitalier de Chambéry, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Chambéry, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. A et par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Savoie, et non compris dans les dépens ;

Considérant que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A la somme que la SARL société groupe Lepine, qui n'est pas partie à la procédure et n'a été appelée en la cause que pour produire des observations, demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Savoie sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SARL société groupe Lepine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Daniel A, au centre hospitalier de Chambéry et à la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie. Copie en sera adressée à la SARL société groupe Lepine.

Délibéré après l'audience du 11 février 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

M. Fontbonne et Mme Verley-Cheynel, présidents-assesseurs,

M. Picard et M. Stillmunkes, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 23 mars 2010.

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N° 06LY01195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 06LY01195
Date de la décision : 23/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES.

15-05 Il résulte des objectifs de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, modifiée, relative au rapprochement des dispositions législatives, règlementaires et administratives des Etats-membres en matière de responsabilité des produits défectueux, actuellement transposée aux articles 1386-1 et suivants du code civil, que lorsqu'un centre hospitalier a fourni un produit défectueux à un patient, et que le producteur en est connu, seul ce dernier est susceptible de répondre de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit. Le régime de responsabilité sans faute du service hospitalier du fait de la défectuosité des produits et matériels de santé, initié par l'arrêt du Conseil d'Etat du 9 juillet 2003 dans l'affaire 220437, ne peut être regardé comme un régime spécial de responsabilité préexistant au sens des dispositions de l'article 13 de cette directive.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ - ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITÉ SANS FAUTE.

60-02-01-01-005 Il résulte des objectifs de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, modifiée, relative au rapprochement des dispositions législatives, règlementaires et administratives des Etats-membres en matière de responsabilité des produits défectueux, actuellement transposée aux articles 1386-1 et suivants du code civil, que lorsqu'un centre hospitalier a fourni un produit défectueux à un patient, et que le producteur en est connu, seul ce dernier est susceptible de répondre de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit. Le régime de responsabilité sans faute du service hospitalier du fait de la défectuosité des produits et matériels de santé, initié par l'arrêt du Conseil d'Etat du 9 juillet 2003 dans l'affaire 220437, ne peut être regardé comme un régime spécial de responsabilité préexistant au sens des dispositions de l'article 13 de cette directive.


Références :

[RJ1]

Rappr : CJCE, C-52/00 du 25 avril 2002, Commission c/ République française ;

CJCE, grande chambre, C-177/04 du 14 mars 2006, Commission c/ République française.,,

[RJ2]

Comp : CE, 9 juillet 2003, Assistance publique-Hôpitaux de Paris c/ Mme Marzouk, 220437, A.


Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : SELARL HERVE GERBI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-03-23;06ly01195 ?
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