LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux octobre deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE de BRUNETON, de la société civile professionnelle TIFFREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par X... Antoine, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 2 juin 2006, qui, après l'avoir relaxé du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 470-1, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a, après avoir relaxé Antoine X... des fins de la poursuite intentée contre lui, reçu Agnieska Y..., agissant en qualité de tutrice de son époux Hervé Y..., en sa constitution de partie civile, condamné Antoine X... à lui verser une indemnité provisionnelle de 100 000 euros et ordonné une expertise médicale d'Hervé Y... ;
"aux motifs propres qu'en l'état des pièces versées aux débats le jugement sera confirmé par adoption de motifs dans ses dispositions touchant à l'action civile ; qu'il n'y a pas lieu à déclarer irrecevable la partie civile en sa constitution faute pour elle d'avoir sollicité devant le premier juge l'application de l'article 470-1 du code de procédure pénale ; qu'en effet le tribunal, après avoir relaxé Antoine X..., a statué sur la demande de réparation de la partie civile en faisant application de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 de sorte qu'il a nécessairement accordé à la partie civile le bénéfice de l'article 470-1 du code de procédure pénale ;
"aux motifs expressément adoptés que, selon les déclarations de M. A... qui accompagnait Hervé Y... sur une autre moto, celui-ci a mis son clignotant pour doubler le véhicule Ford conduit par Antoine X... et roulant à faible allure, que pour effectuer sa manoeuvre il s'est déporté sur la gauche, en étant en retrait ; qu'à ce moment M. A... a vu fonctionner le clignotant gauche de la Ford et que brusquement ce véhicule a tourné à gauche ;
que le clignotant n'a fonctionné qu'à deux reprises ; que, cependant , Antoine X... affirme qu'il avait mis son clignotant bien avant l'intersection et qu'il n'avait vu aucune moto lorsqu'il avait regardé dans son rétroviseur ; que ses propos sont confirmés par sa femme, passagère avant dans le véhicule ;
que les constatations matérielles permettent d'établir que le choc a eu lieu à l'extrême limite droite du pare-chocs du véhicule d'Antoine X..., contredisant la version du dépassement telle que décrite par M. A... et ses déclarations selon lesquelles : "la roue avant a touché le pare-chocs de la voiture mais je ne sais pas où exactement mais c'était à l'arrière gauche" ;
qu'en l'absence d'éléments supplémentaires et notamment l'audition des conducteurs des deux véhicules qui suivaient le véhicule Ford et les deux motos, un doute sérieux subsiste sur l'existence d'une faute d'Antoine X... qui sera relaxé des fins de la poursuite ;
qu'il résulte des éléments précités que les circonstances exactes dans lesquelles les deux véhicules se sont accrochés demeurent inconnues et ne permettent pas d'établir une faute de la part d'Hervé Y... notamment quant au respect des distances de sécurité ou bien sur les conditions d'un éventuel dépassement ; qu'en conséquence, la demande de partage de responsabilité sera rejetée et Antoine X... sera tenu d'indemniser entièrement Hervé Y... et ses ayants droit ;
"alors que le tribunal qui a prononcé la relaxe du prévenu poursuivi pour une infraction non intentionnelle au sens des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 121-3 du code pénal, ne peut accorder à la victime réparation des dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite, en application des règles du droit civil, que si cette dernière en avait expressément fait la demande ;
qu'en refusant de déclarer irrecevable la partie civile en sa constitution faute pour elle d'avoir sollicité devant le premier juge l'application de l'article 470-1 du code de procédure pénale ou la réparation de son préjudice en application des règles du droit civil aux motifs inopérants que "le tribunal, après avoir relaxé Antoine X... a statué sur la demande de réparation de la partie civile en faisant application de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 de sorte qu'il a nécessairement accordé à la partie civile le bénéfice de l'article 470-1 du code de procédure pénale", la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Vu l'article 470-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que, si la juridiction correctionnelle, qui prononce une relaxe pour une infraction non intentionnelle, demeure compétente pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des pièces ayant fondé la poursuite, c'est à la condition que la partie civile ou son assureur ait formulé une demande en ce sens avant la clôture des débats ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Antoine X..., cité par le ministère public du chef de blessures involontaires sur la personne d'Hervé Y..., a été relaxé par le tribunal correctionnel, lequel, après avoir constaté que les circonstances de l'accident de la circulation restaient indéterminées et qu'il n'y avait pas lieu à partage de responsabilité, a statué sur l'action civile en allouant une provision à la victime et en ordonnant une expertise médicale ; que, statuant sur les seuls appels d'Antoine X... et d'Hervé Y..., la cour d'appel a été saisie des conclusions du premier soulevant l'irrecevabilité de la constitution de partie civile du second, faute d'avoir demandé devant le tribunal correctionnel, conformément à l'article 470-1 du code de procédure pénale, l'application des règles du droit civil ;
Attendu que, pour confirmer le jugement en toutes ses dispositions civiles, l'arrêt retient que le tribunal a statué en faisant application de la loi du 5 juillet 1985, "de sorte qu'il a nécessairement accordé à la partie civile le bénéfice de l'article 470-1 du code de procédure pénale" ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, devant le tribunal correctionnel, la partie civile s'était bornée à demander une provision et une mesure d'expertise, sans invoquer les dispositions de l'article 470-1 précité, ni aucune règle de droit civil, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le prévoit l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 2 juin 2006 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Delbano conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;