LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf janvier deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
REJET du pourvoi formé par la société Aubins Saint-Prix, partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 26 avril 2006, qui a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction dans l'information suivie sur sa plainte contre personne non dénommée des chefs de destruction d'un bien appartenant à autrui, vol et abus de confiance ;
Vu l'article 575, alinéa 2,6° du code de procédure pénale ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er, 2, 115, 186, 502, 591 et 593 du code de procédure pénale,4,5 et 76 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques,6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation de la loi, défaut de base légale : " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel interjeté par Me X..., avocat se substituant à Me Y... ;
" aux motifs que l'ordonnance de non-lieu rendue, le 10 novembre 2005, par Armelle Z... a été notifiée le même jour à la partie civile et à son avocat, Me Cathy A... ; qu'appel a été interjeté, le 16 novembre, par Me X... substituant Me Y..., avocat au barreau, mentionné comme conseil de la partie civile ; que, le 23 décembre 2005, le président de la société Aubins Saint-Prix adressait au juge d'instruction une lettre de laquelle il résultait que la société entendait désigner dorénavant pour avocat Me Y... ; qu'au moment de l'appel du 16 novembre 2005, Me Y... n'était pas l'avocat de la société partie civile dans l'information ouverte sur plainte avec constitution de partie civile de celle-ci et clôturée par un non-lieu le 10 novembre 2005 ; que, si, aux termes de l'article 502 du code de procédure pénale, un avocat peut interjeter appel sans pouvoir spécial, c'est du fait qu'il est présumé mandaté au moment de l'acte d'appel par la partie ; qu'en l'espèce, cette présomption ne peut être retenue ; qu'en effet, il est établi par la lettre précitée du 23 décembre 2005 que tel n'était pas le cas pour Me X..., qui ne pouvait interjeter appel en substituant un avocat lui-même non encore désigné par la partie civile ;
" alors, d'une part, que les juges ne peuvent fonder leur décision sur un moyen de droit relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, le ministère public, dans ses réquisitions devant la chambre de l'instruction, se bornait à solliciter la confirmation de l'ordonnance de non-lieu faute de charges suffisantes à l'encontre de Sarah B..., épouse C... ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel formé par la partie civile, sans qu'il résulte ni des énonciations de l'arrêt attaqué ni des pièces de la procédure, que le juge ait invité les parties à s'expliquer sur ce point, la chambre de l'instruction a violé le principe du contradictoire en violation des dispositions susvisées ;
" alors, d'autre part et en tout état de cause, qu'il résulte des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques que l'avocat est investi, hormis le cas de désaveu et sous réserve des dérogations et restrictions spécialement prévues par la loi, d'un droit général d'assistance et de représentation devant les juridictions du premier degré sans avoir à justifier d'un pouvoir spécial ; qu'il est, dès lors, et sous les mêmes réserves, habilité à formuler au nom de son mandant, conformément aux termes de l'article 502, alinéa 2, du code de procédure pénale, une déclaration d'appel ; qu'il s'ensuit que l'avocat, investi d'un droit général d'assistance et de représentation, peut interjeter appel au nom de son client d'une ordonnance rendue par le juge d'instruction, et ce, que le magistrat instructeur ait ou non été informé de sa désignation en tant que conseil par la partie intéressée ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable l'appel interjeté par Me X... substituant à Me Y..., sur le seul fait que ce dernier n'avait pas été mandaté par la partie civile pour relever appel de l'ordonnance du juge d'instruction, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Attendu que, saisie d'une plainte avec constitution de partie civile de la société Aubins Saint-Prix des chefs susvisés, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu dont il a été relevé appel par un avocat au nom de la partie civile ;
Attendu que, pour déclarer d'office cet appel irrecevable, l'arrêt énonce que, lorsque ce recours a été exercé par Me Y..., le 16 novembre 2005, ce dernier n'était pas l'avocat de la partie civile dans l'information en cours, le choix de celui-ci n'ayant été porté à la connaissance du juge d'instruction que le 23 décembre 2005 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Que, d'une part, les formes et les délais d'appel étant d'ordre public, les juges sont fondés à relever d'office leur inobservation sans avoir à provoquer préalablement les explications des parties sur ce point ;
Que, d'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles 115 et 502 du code de procédure pénale que, si l'avocat, qui fait une déclaration d'appel, n'est pas tenu de produire un pouvoir spécial, il ne peut exercer ce recours, au stade de l'instruction, que si la partie concernée a préalablement fait choix de cet avocat et en a informé la juridiction d'instruction ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, MM. Joly, Beyer, Mmes Palisse, Guirimand, M. Beauvais conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ; Avocat général : M. Davenas ; Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;