LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Angers, 10 janvier 2006), qu'en application des dispositions des articles L. 632-1 et suivants du code rural sur les organisations professionnelles agricoles, l'Association de l'interprofession des vins du Val de Loire (l'association Interloire) a fait assigner, le 19 août 2003, l'EURL Robin Pichery, exploitant viticole, (l'EURL) en paiement d'une somme de 3 989,39 euros au titre des cotisations assises sur les hectolitres de vins sortis de propriété sur la période de juillet 2001 et d'avril 2002 à mars 2003, ayant donné lieu à sept factures qu'elle avait émises entre le 25 juillet 2002 et le 30 avril 2003 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'EURL fait grief à l'arrêt d'avoir dit recevable l'action de l'association Interloire, alors, selon le moyen, que le droit de créance propre invoqué par l'association Interloire et son droit d'émettre des cotisations ne pouvait résulter que du traité de fusion par lequel elle venait désormais aux droits du CIVAS ; que dès lors ces droits propres ne pouvaient prendre naissance qu'à la date de la dissolution du CIVAS prononcée par l'ordonnance du 26 mai 2005 ; qu'en effet, la transmission universelle à la personne morale absorbante du patrimoine de la personne morale absorbée, comportant l'ensemble de ses droits et actions, nés et à naître, est indissociable de la dissolution de cette dernière et ne peut se réaliser tant que cette personne morale n'est pas dissoute ; qu'en considérant que l'existence ou non du CIVAS, personne morale absorbée, n'a aucune incidence sur le droit de créance propre d'Interloire, personne morale absorbante, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le patrimoine est indissociablement lié à la personne ainsi que les dispositions de l'article 1844-4 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'association Interloire est une organisation professionnelle agricole au sens de l'article L. 632-1 du code rural qui a été reconnue par un arrêté ministériel du 31 décembre 1999 et qui bénéficie du droit de recouvrement des cotisations sur tous les professionnels situés dans l'aire de production des vins AOC en vertu de l'accord interprofessionnel des vins d'Anjou, de Saumur et de Touraine du 27 juin 2000, passé entre ses membres, pour les campagnes 2000-2001/ 2001-2002/2002-2003, dont les dispositions ont été étendues par arrêté ministériel du 10 octobre 2000 aux viticulteurs et groupements de producteurs produisant des vins bénéficiant des appellations d'origine contrôlée concernées ; qu'en l'état de ces constatations et conformément à l'article L. 632-6 du code rural qui dispose que "les organisations professionnelles reconnues mentionnées aux articles L. 632-1 et L. 632-2 sont habilitées à prélever, sur tous les membres des professions les constituants des cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixée aux articles L. 632-3 et L. 632-4 et qui, nonobstant leur caractère obligatoire, demeurent des créances de droit privé", au titre d'accords régulièrement étendus, la cour d'appel a, à juste titre, considéré que l'association Interloire, constituée par des organisations représentatives et investie d'une mission de service public pour le contrôle de l'appellation d'origine contrôlée, avait qualité, en vertu de cette habilitation reconnue par l'arrêté ministériel du 31 décembre 1999, pour rechercher le recouvrement des cotisations qui lui sont ouvertes par l'article L. 632-6 du code rural, peu important la fusion le 16 juin 2000 du comité interprofessionnel des vins d'Anjou et de Saumur, dit CIVAS, et du comité interprofessionnel des vins de Touraine et Loire ainsi que la dissolution de CIVAS par l'ordonnance du 26 mai 2005 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que L'EURL fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à l'association Interloire la somme de 3 989,39 euros avec intérêts au taux légal à compter de chaque facture, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une obligation de paiement direct d'une cotisation professionnelle à une personne morale de droit privé ayant la forme juridique d'une association, faite à des viticulteurs qui ne sont pas nécessairement membres des organisations syndicales représentatives constitutives de cette association, constitue une atteinte à la liberté d'association dont la licéité doit être contrôlée au regard des dispositions de l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme, quand bien même cette association se serait-elle vu confier par la loi une mission de service public exercée sous le contrôle des autorités administratives ; qu'en écartant toute nécessité d'un tel contrôle, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 11 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que lorsqu'une obligation de verser une cotisation à une personne morale de droit privé, imposée comme condition d'exercice d'une activité professionnelle, est prétendument justifiée par des motifs d'intérêt général, il importe de s'assurer que la contrainte ainsi imposée aux professionnels est bien proportionnée au but recherché ; qu'en s'abstenant de tout contrôle des motifs d'intérêt général invoqués et de la proportionnalité de l'atteinte à leur liberté qui en résulte pour les viticulteurs, la cour d'appel a encore méconnu le sens et la portée de l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient que l'association Interloire, personne morale de droit privé, dotée du statut d'association, constituée à l'initiative des organisations professionnelles viti-vinicoles représentatives de la viticulture et du négoce des régions concernées, composée de membres désignés par ces organisations, est investie d'une mission de service public en ce qu'elle est chargée d'appliquer les objectifs conformes à l'intérêt général visés par l'article L. 632-3 du code rural relativement à la connaissance du marché et à la qualité des produits, que l'assujettissement obligatoire de tous les viticulteurs des aires d'appellation d'origine contrôlée du vignoble angevin, par application de la loi sur les organisations professionnelles agricoles reconnues, au paiement d'une cotisation professionnelle n'emporte pas de ce seul fait obligation d'adhésion, que cette association Interloire ne dispose pas, suivant ses statuts, quant à sa mission, sa composition et son fonctionnement, de la latitude permettant de la tenir pour une association au sens de l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que, notamment, outre les représentants des ministères de tutelle, de nombreuses autorités administratives sont invitées à assister aux assemblées générales à titre consultatif article 4 , que la gestion de l'association Interloire est soumise au contrôle économique et financier de l'Etat en tant qu'organisation professionnelle agricole et que son budget est soumis à la ratification des ministères de tutelle article 12 et qu'en outre, en application de l'article L. 632-8 du code rural, l'association Interloire doit rendre compte chaque année de son activité aux autorités administratives compétentes et leur fournit le bilan d'application de chaque accord étendu ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement décidé que, selon la législation en vigueur, les membres de la profession produisant des vins AOC étaient légalement assujettis au paiement d'une cotisation professionnelle et que l'action de l'association Interloire ne méconnaissait pas le principe de la liberté d'association de l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors que les membres de la profession n'avaient pas l'obligation d'adhérer à l'association et que cette liberté ne pouvant être utilement invoquée pour échapper au prélèvement des cotisations qui s'imposent légalement à tous les membres des professions représentées au sein de l'organisation professionnelle reconnue pour les vins du Val-de-Loire même si cette organisation est organisée sous une forme associative ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Robin-Pichery aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Robin-Pichery à payer à l'association Interloire la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille huit.