Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2005, présentée pour Mme Anne-Marie X, demeurant ..., par Me Desmoineaux ; Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0100029 du 12 juillet 2005 du Tribunal administratif de Nice en ce qu'il rejette l'imposition séparée des consorts X-Y au titre des années 1993, 1994 et 1995 et en conséquence la demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises en recouvrement au titre des mêmes années le 31 décembre 1999 ;
2°) de prononcer l'annulation des rôles afférents établis à tort au nom de M. et Mme Y ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros hors taxe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2008 :
- le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;
- les observations de Me Desmoineaux pour Mme X ;
- et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme Anne-Marie X et M. Gérard Y se sont mariés le 15 novembre 1993 et ont adopté par acte notarié du 15 octobre 1993 le régime matrimonial de la séparation de biens ; qu'ils ont déposé des déclarations communes de revenus au titre de la période comprise entre le 15 novembre et le 31 décembre 1993, et au titre des années 1994 et 1995 ; que suite à la vérification de comptabilité de la SNC X, dont Mme X est associée à concurrence de 50 % et de la vérification de comptabilité de l'EURL MCP Organisation dont M. Y est l'unique associé et qui s'était placée sous le régime d'exonération prévue par l'article 44 sexies du code général des impôts alors applicable, les époux se sont vu notifier, d'une part, une cotisation d'impôt sur le revenu au titre de la période comprise entre le 15 novembre et le 31 décembre 1993 alors qu'aucune imposition commune n'avait initialement été mise en recouvrement au titre de cette période, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 1994 et 1995 ; que par la présente requête, Mme X conclut à l'annulation du jugement en tant qu'il rejette l'imposition séparée des époux au titre des années 1993, 1994 et 1995 et demande à la Cour de prononcer l'annulation des rôles y afférents établis à tort au nom de M. et Mme Y ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge des impositions primitives mises à la charge de M. et Mme Y au titre des années 1994 et 1995 :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexées à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a. de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement. b. du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement. c. de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ; qu'aux termes de l'article R. 196-3 du même livre : Dans les cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour déposer ses propres réclamations ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 169 du même livre : Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; qu'il est constant que ni Mme X ni M. Y n'ont présenté de réclamation tendant à obtenir, sur le fondement des dispositions de l'article 6-4 du code général des impôts, la décharge ou la réduction des impositions primitives mises à leur charge au titre des années 1994 et 1995 dans le délai imparti par les dispositions précitées de l'article R. 196-1 ; que si dans l'hypothèse où le contribuable fait l'objet d'un redressement au titre d'une année déterminée, les dispositions de l'article R. 196-3 lui ouvrent un nouveau délai pour contester dans le délai qu'il prévoit l'imposition primitive à laquelle il a été assujetti au titre de ladite année, ni Mme X, ni M. Y n'ont présenté de réclamation concernant les impositions primitives avant l'expiration du délai le 31 décembre 2002 ; que dans la réclamation préalable adressée conjointement le 20 janvier 2000 au directeur des services fiscaux, la requérante et son ex-époux n'ont contesté que les impositions supplémentaires mises à la charge du couple au titre des années 1994 et 1995 et résultant de la vérification de comptabilité de l'EURL MCP Organisation ; que contrairement à ce que soutient Mme X, la demande présentée au tribunal administratif conjointement par elle et M. Y le 22 novembre 2000 ne tendait également qu'à la décharge de ces cotisations supplémentaires, même si dans un mémoire complémentaire enregistré le 15 avril 2004, Mme X s'est fondée, en persistant à demander la décharge des seules cotisations supplémentaires, sur les dispositions de l'article 6-4 du code général des impôts pour soutenir qu'elle devait faire l'objet d'une imposition séparée de celle de son époux ; que devant la Cour, Mme X conclut désormais à l'annulation des rôles établis à tort au nom de M. et Mme Y au titre des deux années susmentionnées ; que si elle doit être ainsi regardée comme contestant les impositions primitives mises à la charge du couple qu'elle formait avec M. Y, ces conclusions ne sont pas recevables, dès lors, d'une part qu'elles sont nouvelles en appel et que, d'autre part, lesdites cotisations sont en tout état de cause définitives à défaut d'avoir fait l'objet d'une réclamation préalable ;
Sur le bien fondé des conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à la charge de M. et Mme Y au titre des années 1993, 1994 et 1995 :
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires afférentes aux années 1994 et 1995 :
Considérant que lorsque l'imposition primitive établie au nom du foyer fiscal constitué par un couple est devenue définitive à défaut d'avoir fait l'objet d'une contestation dans les délais impartis par les dispositions des articles R. 196-1 ou R. 196-3 du livre des procédures fiscales, un contribuable ne peut utilement demander la décharge ou la réduction des cotisations supplémentaires mises à la charge du couple et remettre ainsi en cause la forclusion établie par le moyen qu'il doit faire l'objet d'une imposition distincte de celle de son époux dès lors, que s'agissant de la détermination de la personne du redevable, les cotisations supplémentaires sont indivisibles des cotisations primitives ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dès lors que les cotisations primitives mises à la charge du couple X-Y au titre des années 1994 et 1995 sont devenues définitives à défaut d'avoir fait l'objet d'une réclamation dans le délai utile, Mme X ne peut utilement soutenir pour contester les impositions supplémentaires mises à la charge du couple pour les mêmes années, qu'en application des dispositions de l'article 6-4 du code général des impôts, elle devait faire l'objet d'une imposition séparée de celle de son époux ;
En ce qui concerne la cotisation mise à la charge du couple X-Y au titre de l'année 1993 :
Considérant qu'aucune imposition primitive n'ayant été établie pour la période comprise entre le 15 novembre et le 31 décembre 1993 postérieurement au mariage de M. Y et Mme X, la requérante peut utilement soutenir qu'elle doit faire l'objet d'une imposition distincte ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6-4 du code général des impôts : Les époux font l'objet d'impositions distinctes : a) lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ;
Considérant que bien que les époux aient souscrit une déclaration commune de leurs revenus au titre de l'année en litige, Mme X est en droit de soutenir devant le juge de l'impôt qu'étant séparés de biens et ne vivant pas sous le même toit, ils ne pouvaient faire l'objet d'une imposition commune en ce qui concerne leurs revenus respectifs acquis au cours de la période d'imposition en litige ; que dans la mesure où l'imposition a été mise en recouvrement conformément aux déclarations du contribuable, Mme X supporte, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de prouver que les époux, dont il est constant qu'ils étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, ne vivaient pas sous le même toit ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte des nombreuses pièces produites par Mme X, et notamment des quittances de loyer, des factures d'électricité et de téléphone faisant apparaître d'importantes consommations, que pendant toute la période en litige, elle était domiciliée à Paris 6 rue d'Aubigny dans le 17ème arrondissement avec les deux enfants mineurs dont elle avait la garde, issus d'une précédente union et qui étaient scolarisés à Paris, ainsi qu'en attestent des certificats de scolarité joints au dossier, confirmés par les attestations de la gardienne de l'immeuble, du médecin traitant et du pharmacien du quartier ; que la réalité de sa résidence parisienne est également attestée par la production de l'ensemble de ses bulletins de salaires émis par la société X-Soullier pendant la période en cause, mentionnant cette adresse et par les attestations de ses collaborateurs indiquant qu'elle travaillait à Paris ; que Mme X établit d'autre part par la production de la totalité des factures d'électricité et de téléphone qu'au cours de cette période M. Y résidait dans sa villa à Toulon et que ce lieu de résidence correspondait à son activité professionnelle, dès lors qu'il était chargé de l'organisation de spectacles dans le quart Sud-Est de la France ; qu'en subordonnant l'application des dispositions de l'article 6-4 a) du code général des impôts à une absence de communauté de vie et d'intérêts, le Tribunal administratif de Nice a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que la seule constatation de l'existence de la résidence séparée d'époux mariés sous le régime de la séparation de biens implique leur imposition séparée, même s'ils avaient pour habitude, lorsque leurs occupations professionnelles respectives le leur permettaient de passer les fins de semaine ou les vacances ensemble ; que Mme X est donc fondée à demander la réduction de ses bases d'imposition afférentes à la période comprise entre le 15 novembre et le 31 décembre 1993 dans la mesure où celles-ci ont compris à tort les revenus perçus par M. Y au cours de ladite période ;
Sur les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce d'accorder à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu afférentes à la période comprise entre le 15 novembre et le 31 décembre 1993 sont réduites dans la mesure des revenus perçus par M. Y au cours de ladite période.
Article 2 : Il est accordé à Mme X la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de la période comprise entre le 15 novembre et le 31 décembre 1993 et résultant de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 12 juillet 2005 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Anne-Marie X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N° 05MA02750