AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. Christophe X... de sa qualité d'exécuteur testamentaire de la succession de Wanda Y..., veuve Paul Z..., décédée le 27 novembre 2002, et de sa reprise d'instance au nom de la défunte ;
Sur les trois premiers moyens, pris en leurs diverses branches, tels qu'exposés au mémoire en demande et reproduits en annexe :
Attendu que Paul Z..., décédé en 1980, avait en 1951 fait apport à la Société du nouveau Littré, devenue Société du nouveau Littré-dictionnaires le Z..., puis société Dictionnaires le Z..., ci-après la société, du dictionnaire qu'il élaborait, et couramment désigné depuis sous l'appellation "Grand Z..." ; qu'en 1967 et sur son initiative, la société, qu'il présidait, après avoir fixé une redevance à lui verser, a publié un ouvrage abrégé du précédent, dit "Le Petit Z..." ; que par transaction conclue le 8 décembre 1994 avec les héritiers de Paul Z..., la société a convenu que celui-ci avait toujours eu "la propriété des droits de l'auteur du Petit Z...", que ceux-là la tenaient de lui et qu'elle ne leur serait jamais contestée pendant toute leur durée, indépendamment des mises à jour, révisions ou refontes passées ou futures de l'ouvrage, faites aux seuls frais de la société, les consorts Z... y participant par la réduction de 3 % de leurs droits ; que la société en ayant édité des versions déclinées, notamment "Z... d'aujourd'hui", "Z... quotidien" et "Z... junior", Mme Wanda Z..., veuve de Paul Z..., l'a assignée en exploitations contrefaisantes ; qu'elle a été déboutée ;
Attendu que l'exécuteur testamentaire de Wanda Z... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 21 mai 2002) d'avoir rejeté l'action en contrefaçon du "Petit Z..." par les trois ouvrages précités ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a relevé que "Le Petit Z..." a été voulu comme un abrégé du "Grand Z...", dont il a adopté les méthodes et structures particulières de recherche, d'étude et de présentation des mots, et dans lequel sa substance avait puisée ;
qu'en outre il a été, selon les mots de Paul Z... dans la préface à la première édition, et comme le "Grand Z..." lui-même, le travail d'une équipe, mettant en évidence qu'aucun de ces deux dictionnaires n'aurait pu voir le jour autrement; que de ces constatations, elle a déduit que la contribution personnelle des divers auteurs s'était fondue dans l'ensemble en vue duquel il avait été conçu, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun un droit distinct sur l'ensemble réalisé ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision de qualifier "Le Petit Z..." d'oeuvre collective, et de retenir que les droits de l'auteur étaient nés à titre originaire en la personne de la société qui a réalisé et divulgué l'ouvrage, le nom de Paul Z... sous lequel s'était faite la diffusion n'ayant créé qu'une présomption réfragable, renversée par les éléments susmentionnés, et peu important que Paul Z... en ait été l'initiateur ou concepteur, la propriété littéraire ne protégeant pas les idées ou concepts, mais la forme originale sous laquelle ils sont exprimés ;
Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel, après avoir exactement observé que la détermination de l'auteur d'une oeuvre protégée relève exclusivement de la loi et que la transaction de 1994 n'avait pu investir Paul Z... de cette qualité, et souligné d'ailleurs que ses termes n'énonçaient pas expressément qu'il en serait l'auteur, a estimé, renfermant la convention dans son objet et les différends abordés, qu'elle n'avait pu porter que sur les droits patrimoniaux issus des ventes du "Petit Z...", laissant hors du champ contractuel l'édition par la société d'ouvrages non visés ;
D'où il suit que sont infondés les griefs tirés d'une méconnaissance des articles L. 111-1, L. 113-2, alinéa 3, L. 121-1, L. 121-2, L. 122-1, L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle, 1134, 2044, 2049 et 2052 du Code civil ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu qu'il est aussi reproché à la cour d'appel de n'avoir pas recherché, malgré les conclusions en ce sens de Mme Wanda Z..., si la société, en éditant et publiant les trois ouvrages litigieux, n'avait pas manqué à son obligation portée à la transaction de ne pas remettre en cause "l'originalité et les caractéristiques de l'oeuvre d'origine", privant alors sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la stipulation dont s'agit se limitait expressément à l'hypothèse"des mises à jour, révisions et refontes de l'ouvrage" ; que, par ailleurs, la protection de l'originalité de l'oeuvre ressortissant au droit moral, seul l'auteur ou la personne qui en tient les droits a qualité pour dénoncer les atteintes qui seraient dirigées contre elle ; que le moyen est sans portée ;
Et sur le cinquième moyen, tel qu'exposé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable comme nouvelle la demande de Wanda Z... en paiement de droits d'auteur sur les ouvrages "Le Z... micro", "Le Z... micro poche", et sur le CD-Rom du Z... junior, substituée en appel à une demande d'indemnité pour contrefaçon ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant retenu que Mme Wanda Z... ne pouvait prétendre qu'aux droits patrimoniaux issus du seul "Petit Z...", le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Dictionnaires Le Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille quatre.