AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 juin 2001), que l'Association de sauvegarde église de Castels et château de Fages (l'association) ayant pour objet social de "conserver et protéger l'église du vieux Castels et le château de Fages, en même temps que le site qui leur sert d'écrin" qui avait fait assigner M. et Mme X... pour les voir condamner sous astreinte à démolir une maison qu'ils avaient construite dans les environs du château, a interjeté appel du jugement qui avait déclaré son action irrecevable faute d'intérêt ;
Sur le second moyen, qui est préalable :
Attendu que l'association reproche à l'arrêt de l'avoir déclarée irrecevable en son action, faute d'intérêt, alors, selon le moyen :
1 / que si l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, l'existence du droit invoqué par le demandeur n'étant pas une condition de recevabilité de celle-ci mais de son succès ; qu'en énonçant cependant que "l'immeuble litigieux est situé à plus de 900 mètres à vol d'oiseau de ces sites", qu'il "n'est pas contesté qu'il n'est visible ni du château ni de l'église" et qu'il ne pouvait être retenu "que la propriété de M. et Mme X..., même si elle est située sur la voie d'accès à l'église et au château, se trouve dans leur "écrin " qui ne peut être constitué que de leur abord immédiat", pour en déduire l'irrecevabilité de l'action intentée par l'association, faute pour celle-ci d'intérêt à agir, la cour d'appel a manifestement statué sur le bien-fondé de cette action et non sur sa recevabilité, en violation de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que l'association ayant pour seul objet statutaire de "conserver et protéger l'église du vieux Castels et le château de Fages, en même temps que le site qui leur sert d'écrin" elle a nécessairement intérêt à obtenir en justice la démolition d'une construction dénaturant le site qu'elle s'est donné pour objet de protéger, construction de surcroît édifiée en vertu de permis de construire dont elle a obtenu l'annulation pour illégalité ; qu'en déclarant cependant l'action de cette association irrecevable, faute d'intérêt à agir, la cour d'appel a derechef violé l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des articles 31 du nouveau Code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901 que, hors habilitation législative, une association ne peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs qu'autant que ceux-ci entrent dans son objet social ;
Et attendu qu'après avoir précisé l'objet de l'association et constaté que la maison dont la démolition était demandée, était éloignée du site à protéger et n'était visible ni du château ni de l'église, la cour d'appel a apprécié souverainement le défaut d'intérêt à agir de l'association ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'association fait grief à l'arrêt d'avoir écarté des débats les pièces qu'elle avait communiquées, alors, selon le moyen, que le constat selon lequel des pièces ont été régulièrement communiquées à la partie adverse et versées aux débats implique qu'elles ont été soumises à la libre discussion des parties ; qu'en rejetant néanmoins les pièces régulièrement communiquées par l'association à M. et Mme X... au motif inopérant que le caractère confidentiel de ces pièces n'aurait pas permis à leur conseil d'en débattre utilement, la cour d'appel a violé l'article 132 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le rejet du second moyen rend sans intérêt l'examen du premier moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Association de sauvegarde église de Castels et château de Fages aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille quatre.