AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 octobre 2001), que l'hebdomadaire Télé 7 jours, édité par la société EDI 7, devenue Hachette Filipacchi associés, a publié dans son numéro 1868 du 16 au 22 mars 1996, sous le titre "Maman dans cinq mois Véronique X.... C'est un garçon", un article illustré de plusieurs photographies dont l'une, représentant cette actrice avec un bébé dans les bras, qui avait été prise à l'occasion du tournage d'un épisode du téléfilm "Julie Lescaut" auquel l'enfant mineur, Emma Y..., avait participé ; qu'estimant que la publication de cette photographie était constitutive d'une atteinte à la vie privée et au droit au respect de l'image de l'enfant, M. Jacques Y... et Mme Nicole Z..., parents de la mineure, ont assigné la société éditrice en réparation du préjudice de l'enfant et de leur propre préjudice moral résultant des circonstances dans lesquelles l'image de leur enfant avait été publiée ;
Attendu que la société Hachette Filipacchi associés fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par l'enfant alors, selon le moyen :
1 ) que la publication d'une photographie d'une personne, dès lors qu'il est reconnu qu'elle n'est pas constitutive d'une atteinte à la vie privée et qu'elle a été prise dans le cadre d'une activité relevant de la vie publique, ne peut donner lieu à réparation que si cette publication est fautive et si elle a causé un préjudice ; que la faute n'est pas caractérisée par la seule constatation de la publication sans autorisation de l'image d'une personne dans le cadre d'une activité relevant de sa vie publique, ni le préjudice par le seul fait pour la personne de voir une photographie la représentant, publiée sans son consentement ; et qu'en se déterminant par ses seuls motifs la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2 ) que la publication d'une photographie pour la prise de laquelle l'autorisation avait été donnée ne peut être fautive que si elle excède les limites de l'autorisation donnée ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que la photographie de ce jeune enfant Emma Y... publiée par Telé 7 jours avait été prise, avec l'accord des parents, à l'occasion du tournage du 6ème épisode du téléfilm "Julie Lescaut" auquel l'enfant a participé en qualité d'interprète et qu'il s'agissait d'une photo prise en vue de la constitution du dossier de presse ce qui implique que les parents avaient donné, par avance, leur accord pour l'utilisation de la photographie dans le cadre de ce dossier de presse ; qu'il résulte de l'article accompagnant la photographie que si cette dernière avait été publiée à l'occasion de la grossesse de Véronique X..., la publication était intervenue dans le cadre de la prochaine reprise du téléfilm "Julie Lescaut" dont Véronique X... est l'héroïne de sorte que le recours au dossier de presse était justifié ; qu'en estimant néanmoins que la publication de la photographie avait un objet autre que celui pour lequel l'autorisation avait été donnée et était dès lors constitutive d'une faute, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3 ) que lorsque la photographie publiée relève de la vie publique de la personne, le seul fait de la publication ne constitue pas contrairement à ce qu'affirme l'arrêt attaqué - un préjudice, et que le préjudice doit être prouvé dans les termes de droit commun, le préjudice ne pouvant au demeurant résulter que d'une utilisation anormale et dévalorisante de l'image de la personne, laquelle doit de surcroît être identifiable ; qu'en l'espèce, la publication sous forme d'une vignette de quelques centimètres, sans précision du nom de l'enfant, de la photographie de celui-ci prise dans un cadre exclusif à toute vie privée, et à l'occasion d'un article relatif à une tout autre personne, ne permettait pas d'identifier le bébé lequel était représenté dans les bras de la comédienne, dans une attitude normale, nullement dévalorisante ce qui est expressément retenu par les juges du fond ; qu'en concluant néanmoins à l'existence d'un préjudice de l'enfant représenté, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
4 ) que la restriction de la liberté de communication des informations d'un journal de télévision publiant, à l'occasion de la grossesse de l'héroïne principale d'un feuilleton ayant la faveur du public, et de la prochaine reprise de ce feuilleton, la photographie d'un bébé, sans précision de son identité, dans les bras de la comédienne, en reprenant un cliché qui avait été réalisé avec l'accord des parents, pour le dossier de presse du feuilleton dans lequel l'enfant avait eu un rôle, n'est pas, compte tenu de la curiosité légitime du public, et de ce que la publication n'excédait pas les limites du droit à l'information, nécessaire dans une société démocratique, ni proportionnée au but poursuivi pour garantir la protection du droit de l'enfant à son image publique, cette protection ne correspondant pas à un besoin social assez impérieux pour primer l'intérêt public s'attachant à la liberté d'expression et de communication des informations ; que, dès lors, la cour d'appel a violé l'article 10.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la publication du cliché, tiré du dossier de presse constitué lors du tournage d'un téléfilm diffusé plus de deux années auparavant, en illustration d'un article consacré à une actrice, avait un objet autre que celui pour lequel l'autorisation avait été donnée ;
Que par ces constatations et énonciations, caractérisant une utilisation détournée de l'image, et alors qu'il ne résulte ni de la décision ni des écritures que l'article 10.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ait été invoqué devant les juges du fond, la cour d'appel, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Hachette Filipacchi associés aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quatre.