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03/03/1988 | FRANCE | N°84-17573

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 mars 1988, 84-17573


Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Hans Y..., ressortissant allemand qui travaillait en France, ayant été mortellement blessé par Jacky X..., M. Joseph Y..., son père, et sa fille mineure Catrin, représentée par Mme Martens, administrateur de ses biens, qui s'étaient constituées parties civiles devant la cour d'assises, ont obtenu des dommages-intérêts ; qu'en raison de l'insolvabilité de M. X... ils ont alors saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions qui, motif pris de leur extranéité, a déclaré leur demande irrecevable ;



Attendu qu'il est fait grief à la décision attaquée (commission d...

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Hans Y..., ressortissant allemand qui travaillait en France, ayant été mortellement blessé par Jacky X..., M. Joseph Y..., son père, et sa fille mineure Catrin, représentée par Mme Martens, administrateur de ses biens, qui s'étaient constituées parties civiles devant la cour d'assises, ont obtenu des dommages-intérêts ; qu'en raison de l'insolvabilité de M. X... ils ont alors saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions qui, motif pris de leur extranéité, a déclaré leur demande irrecevable ;

Attendu qu'il est fait grief à la décision attaquée (commission d'indemnisation des victimes d'infractions de Versailles, 20 septembre 1984) d'avoir ainsi statué alors que, d'une part, la réciprocité prévue par l'article 706-15 du Code de procédure pénale peut être une réciprocité de fait, de telle sorte qu'en se bornant à constater l'absence d'accord exprès sans rechercher si, de fait, la République fédérale d'allemagne n'assure pas l'indemnisation, la commission aurait violé l'article précité, et alors que, d'autre part, en subordonnant l'indemnisation à la ratification d'un accord dont elle constatait l'existence, la commission aurait, de nouveau, violé le même article ;

Mais attendu que la réciprocité visée par l'article 706-15 du Code de procédure pénale étant celle qui résulte d'un accord, la commission n'avait pas à rechercher l'existence d'une réciprocité de fait ;

Et attendu qu'ayant relevé qu'une convention sur le dédommagement des victimes d'infractions violentes avait été signée par la France mais n'avait pas, au jour où elle statuait, été ratifiée, c'est à bon droit que la commission a estimé qu'il n'existait pas d'accord de réciprocité entre la France et l'Allemagne fédérale tel que prévu par l'article 706-15 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est reproché à la décision d'avoir statué comme elle l'a fait, alors que, d'une part, en exigeant la possession d'une carte de résident privilégié, la commission aurait violé à la fois la directive du conseil du 15 octobre 1968 prévoyant que le droit de séjour d'un ressortissant de la Communauté européenne est constaté par la délivrance d'une carte de séjour de ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne, et le décret du 28 avril 1981 réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des ressortissants des Etats de la Communauté et précisant les conditions d'octroi de leur carte de séjour, alors que, d'autre part, cette carte de séjour n'étant pas constitutive de droit mais recognitive, en déclarant les demandeurs irrecevables du seul fait qu'ils n'aient pas été en possession d'une carte de séjour, la commission aurait violé l'article 4 de la directive précitée ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de la décision attaquée que les demandeurs à l'indemnité aient, devant les juges du fond, invoqué les textes dont ils font état pour la première fois devant la Cour de Cassation et dont l'application requiert l'examen de faits qui n'ont pas été soumis à l'appréciation du premier juge ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à la décision d'avoir, Hans Y... travaillant en France lors de son décès, violé les dispositions des articles 7, 48 et 51 du traité de Rome qui prévoient expressément la non-discrimination entre les travailleurs de telle sorte que les ressortissants de la Communauté européenne devraient être assimilés aux nationaux pour toutes les mesures relatives à la protection et à la sécurité des personnes, que ces mesures soient préventives ou réparatrices ;

Mais attendu qu'après avoir analysé les textes communautaires dont il lui était demandé de faire application, textes clairs ne nécessitant pas leur interprétation par la Cour de Justice, et à bon droit énoncé que l'interdiction qu'ils édictent de toute discrimination à l'égard des travailleurs ne concernait que leurs conditions de travail, c'est sans les violer que la commission a décidé qu'en l'absence de toute contradiction entre ces textes et l'article 706-15 du Code de procédure pénale, les demandeurs, faute de remplir les conditions exigées par cet article qui est d'ordre public, ne pouvaient être admis à solliciter l'indemnité prévue par l'article 706-3 dudit code ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 84-17573
Date de la décision : 03/03/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Bénéficiaires - Victimes de nationalité étrangère - Conditions - Article du Code de procédure pénale - Réciprocité - Accord de réciprocité - Nécessité.

1° INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Bénéficiaires - Victimes de nationalité étrangère - Conditions - Article du Code de procédure pénale - Réciprocité - Réciprocité de fait (non) 1° INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Bénéficiaires - Victimes de nationalité étrangère - Etranger ressortissant d'un pays n'ayant pas conclu d'accord de réciprocité avec la France (non).

1° La réciprocité visée par l'article 706-15 du code de procédure pénale étant celle qui résulte d'un accord, une commission d'indemnisation des victimes d'infractions n'a pas à rechercher l'existence d'une réciprocité de fait .

2° INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Bénéficiaires - Victimes de nationalité étrangère - Etranger ne remplissant pas les conditions prévues à l'article du Code de procédure pénale (non).

2° INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Bénéficiaires - Victimes de nationalité étrangère - Articles 7 - 48 et 51 du traité de Rome - Portée 2° INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Bénéficiaires - Victimes de nationalité étrangère - Conditions - Article du Code de procédure pénale - Disposition d'ordre public 2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne - Domaine d'application - Indemnisation des victimes d'infraction - Victimes de nationalité étrangère (non).

2° Après avoir énoncé à bon droit que l'interdiction qu'édictent les articles 7, 48 et 51 du traité de Rome de toute discrimination à l'égard des travailleurs ne concernait que leurs conditions de travail, c'est sans violer les textes précités qu'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions a décidé qu'en l'absence de toute contradiction entre ces textes et l'article 706-15 du Code de procédure pénale les héritiers d'un ressortissant allemand travaillant en France et victime d'une infraction ne pouvaient, faute de remplir les conditions exigées par cet article qui est d'ordre public, être admis à solliciter l'indemnité prévue par l'article 706-3 dudit code


Références :

Code de procédure pénale 706-15
Code de procédure pénale 706-3
Traité de Rome du 25 mars 1957 art. 7, art. 48, art. 51

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Versailles, 20 septembre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 mar. 1988, pourvoi n°84-17573, Bull. civ. 1988 II N° 55 p. 29
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1988 II N° 55 p. 29

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Aubouin
Avocat général : Avocat général :M. Ortolland
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Devouassoud
Avocat(s) : Avocats :la SCP Waquet, M. Ancel .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:84.17573
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