AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, dans son numéro daté du 24 au 30 mars 2000, l'hebdomadaire France Dimanche, édité par la société Hachette Filipacchi et associés (la société) a publié un article, annoncé en page de couverture, sous le titre "Claire X..., son voyage de noces", consacré au mariage de Mme X... avec M. Y..., illustré par deux photos du couple prises le jour du mariage, à la sortie de la mairie ; qu'estimant que cet article portait atteinte au respect de sa vie privée et de son droit au respect de son image, Mme X... a assigné la société en réparation du préjudice subi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une certaine somme en réparation du préjudice subi, alors, selon le moyen, que ni le droit à la protection de la vie privée, ni le droit à l'image n'ont de caractère absolu, et qu'il peut être porté atteinte à ces droits par l'exercice de la liberté d'expression, dans les limites d'une juste proportion entre cette liberté et la protection légitime des droits de la personne ; qu'une telle atteinte peut, notamment, se justifier par le devoir d'information, lorsque la protection s'applique au profit d'un personnage public d'une exceptionnelle notoriété comme Claire X... ; qu'en refusant à la société HFA d'invoquer la notoriété de Claire X... et l'exposition médiatique à laquelle elle est soumise, pour justifier la publication incriminée, c'est-à-dire en considérant que la protection des droits de la personne prime nécessairement, et dans tous les cas, l'intérêt public s'attachant à la liberté d'expression, au lieu d'appliquer la règle de proportionnalité, la cour d'appel a violé les articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 1er et suivants de la loi du 29 juillet 1881 ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces produites que la société ait soutenu en appel le moyen tiré de l'absence de proportionnalité entre la protection des droits de la personne et l'intérêt public s'attachant à la liberté d'expression ; que la première branche du moyen est nouvelle et, mélangée de fait et de droit, irrecevable ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième et troisième branche :
Vu l'article 9 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société au paiement d'une certaine somme en réparation du préjudice subi par Mme X..., l'arrêt retient que le mariage de Mme X... pouvait constituer un événement d'actualité dont la société pouvait faire la relation, que France Dimanche avait déjà, dans les deux numéros précédents, annoncé et commenté cet événement qui était donc dépourvu de tout caractère d'actualité dans le numéro incriminé, que pour autant, l'article incriminé, paru près de trois semaines après l'événement dont plusieurs publications s'était fait l'écho ne satisfaisait plus à un impératif d'actualité, que l'article est le prétexte à la relation avec force détails de la cérémonie du mariage, évoquant la toilette des époux, le cadeau de fiançailles, la présence des enfants du couple, le lieu du voyage de noces, et de nombreuses digressions sur les sentiments vrais ou supposés des intéressés ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que l'article avait été publié peu de temps après le mariage de Mme X... et alors que ces commentaires étaient anodins, de sorte qu'ils ne caractérisaient pas une atteinte au respect de la vie privée de Mme X..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches :
Vu l'article 9 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société au paiement d'une certaine somme en réparation du préjudice subi par Mme X..., l'arrêt retient que la publication des clichés représentant les époux à l'issue de la cérémonie, est fautive en ce qu'ils illustrent un article attentatoire à la vie privée, que le fait que Mme X... ait consenti à leur prise n'emportait pas autorisation de leur reproduction sans son consentement et au renfort d'un article lui-même fautif ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que ces photographies avaient été prises avec le consentement de Mme X..., sur le perron de la mairie lors de la cérémonie du mariage civil, et qu'elles illustraient un article, qui, sans porter atteinte au respect de la vie privée de Mme X..., était consacré à son mariage, ce dont il résultait l'existence d'un lien direct entre les clichés et l'article, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la septième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de la société Hachette Filipacchi associés et de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatre.