REJET des pourvois formés par :
- X... Bernard,
- la société anonyme X...,
contre un arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 20 mars 1986, qui, pour homicide involontaire, a condamné X... à 4 000 francs d'amende, a déclaré la société anonyme X... civilement responsable et qui s'est prononcé sur l'action civile.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 319 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X... coupable d'un délit d'homicide involontaire ;
" au motif que nonobstant les prévisions du " cahier des prescriptions générales " relatives à la sécurité du chantier, l'obligation de l'entrepreneur de maçonnerie (la société Socabat quant à ce), contractuellement fixée d'installer tous les dispositifs de protection nécessaires et de veiller à leur conservation, n'était pas exclusive du chef de l'entreprise de menuiserie, lequel était tenu de veiller personnellement à la mise en place des dispositifs de sécurité réglementaires avant l'exécution, par l'un ou l'autre de ses propres salariés, de tout travail de menuiserie ; qu'en conséquence Bernard X... a commis personnellement une faute en relation de cause à effet avec le décès de Y..., en négligeant de s'assurer de la mise en place efficace, autour de l'ouverture de la cage d'escalier, d'un système de sécurité dont il avait d'ailleurs précédemment constaté l'absence (à laquelle il avait, alors, remédié, par l'intervention de ses propres ouvriers) (cf. p. 4 et 5 de l'arrêt) ;
" alors qu'en face des dispositions claires et précises du cahier des prescriptions générales indiquant sous la rubrique " sécurité " :
" l'entrepreneur de maçonnerie devra l'exécution en cours de travaux de toutes les protections, garde-corps, etc., qui pourraient être nécessaires pour assurer une parfaite sécurité sur le chantier. Il sera tenu de fermer le chantier et de mettre les panneaux réglementaires " interdit au public ". " Pour l'ensemble du chantier, du premier coup de pioche à la finition, l'entrepreneur de maçonnerie assurera toutes les responsabilités de l'hygiène et de la sécurité du chantier, et devra veiller à ce que les dispositions de protection ne soient pas déplacées par les ouvriers d'aucun corps d'état ", la cour d'appel n'a pu sans dénaturer les dispositions de ce cahier des prescriptions générales, décider que X... devait veiller personnellement à la mise en place du dispositif de sécurité réglementaire avant l'exécution, par l'un ou l'autre de ses propres salariés, de tout travail de menuiserie ; qu'ainsi ont été méconnues les exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale et a été violé l'article 319 du Code pénal ;
" et alors que, d'autre part, et en tout état de cause, la sécurité générale du chantier devait être assumée par la société Socabat, ainsi que cela résulte des termes clairs et précis du cahier des prescriptions générales ; qu'en face d'une telle délégation, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 319 du Code pénal, décider que X..., en sa qualité de président-directeur général de la SA X..., devait encore veiller personnellement à la mise en place du dispositif de sécurité réglementaire avant l'exécution, par l'un ou l'autre de ses propres salariés, de tout travail de menuiserie, pour en déduire que Bernard X... a commis personnellement une faute en relation de cause à effet avec le décès du salarié ;
" et alors enfin qu'en ne s'expliquant pas sur la délégation dûment invoquée par X... dans ses conclusions d'appel, la Cour méconnaît les exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Y..., salarié de l'entreprise de menuiserie SA X..., dirigée par Bernard X..., a fait une chute mortelle dans la cage de l'escalier, non protégée, d'un immeuble en construction, alors qu'il était occupé à traiter le solivage de la charpente ; qu'à raison de ces faits, X... a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle pour homicide involontaire ainsi que pour infraction à l'article 7 du décret du 8 janvier 1965 concernant les mesures particulières de protection et de salubrité applicables aux établissements dont le personnel exécute des travaux du bâtiment, des travaux publics et tous autres travaux concernant les immeubles ; qu'il a été condamné de ces chefs par les premiers juges ;
Attendu que pour déclarer X... coupable du seul délit d'homicide involontaire, dire la société anonyme X... civilement responsable et écarter les conclusions du prévenu qui soutenait que sa responsabilité pénale ne pouvait nullement être recherchée puisqu'aux termes du cahier des prescriptions générales concernant le chantier en cause, il appartenait à l'entreprise de maçonnerie " Socabat ", chargée du gros oeuvre, d'assurer la sécurité du chantier, la cour d'appel énonce que l'obligation de la société Socabat, contractuellement fixée, d'installer tous les dispositifs de protection nécessaires et de veiller à leur conservation n'était pas exclusive de celle du chef de l'entreprise X..., lequel était tenu de veiller à la mise en place des dispositifs de sécurité réglementaires avant l'exécution, par l'un ou l'autre de ses propres salariés, de tout travail de menuiserie ; qu'elle ajoute que X... a commis une faute à l'origine du décès de Y..., en négligeant de s'assurer de la mise en place, autour de l'ouverture de la cage d'escalier, d'un système de sécurité dont il avait d'ailleurs constaté l'absence préalablement à l'accident ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, les juges du second degré, qui ont répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis, ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués au moyen ; qu'en effet, le chef d'entreprise ne peut être exonéré de toute responsabilité pénale que si les juges du fond constatent expressément au préalable, soit que celui-ci avait délégué la direction du chantier à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence et de l'autorité nécessaires pour veiller efficacement à l'observation de la loi, soit qu'en raison de la participation de plusieurs entreprises, le travail aurait été placé sous une direction unique, autre que la sienne ; que tel n'était pas le cas en l'espèce ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de prononcer sur le second moyen de cassation, par voie de conséquence, proposé par les demandeurs, et que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.