VU I) la requête, enregistrée le 26 janvier 2001 sous le n° 01PA00332 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, présentée pour la Société SANYO FRANCE dont le siège est ... 92160 Anthony, par Me Y..., avocat ; la Société SANYO FRANCE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9617049 en date du 15 novembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris, à la demande de M. X... a annulé la décision du 26 août 1996 par laquelle le ministre du travail a autorisé le licenciement de M. Abdelkader X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
........................................................................................................
VU II) la requête, enregistrée le 22 février 2001 sous le n° 01PA00724 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, présentée pour la société SANYO FRANCE, par Me Y..., avocat ; la société SANYO FRANCE demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 15 novembre 2000 dont elle demande l'annulation par la requête susvisée ;
........................................................................................................
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code du travail ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2003 :
- le rapport de M. DIDIERJEAN, premier conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat, pour la société SANYO France,
- et les conclusions de M. LAURENT, commissaire du Gouvernement ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que le tribunal administratif de Paris par son jugement en date du 3 mai 1995, confirmé le 29 octobre 1997 par le Conseil d'Etat a annulé la décision du 6 octobre 1992 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. X... par la société SANYO FRANCE ainsi que la décision implicite du ministre du travail la confirmant ; que réintégré le 18 septembre 1995 en conséquence dans l'entreprise, M. X... a fait l'objet le 16 novembre 1995 d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision en date du 26 août 1996 du ministre du travail annulant la décision de refus opposée par l'inspecteur du travail et autorisant le licenciement de l'intéressé ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les délégués syndicaux et les membres du comité d'entreprise bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ; que le salarié investi du mandat de conseiller du salarié bénéficie de la même protection ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans les cas où la demande d'autorisation est motivée par un motif économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une attente excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant, en premier lieu, que si l'annulation par une décision définitive de l'autorisation de licenciement d'un salarié détenteur d'un mandat syndical confère au salarié le droit d'être réintégré dans l'entreprise, la réintégration dans son emploi n'entraîne pas la réintégration de plein droit de ce salarié dans son mandat de représentant syndical, de sorte qu'il doit, pour être rétabli dans ses fonctions représentatives, faire l'objet d'une nouvelle désignation par son organisation syndicale ; qu'en application de l'article D. 412-1 du code du travail la désignation d'un délégué syndical ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise n'est opposable au chef d'entreprise qu'à compter de la date où elle est portée à sa connaissance, soit par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, soit par lettre remise contre récépissé ;
Considérant que M. X... a quitté l'entreprise SANYO à la suite de son licenciement autorisé le 6 octobre 1992 par l'inspecteur du travail ; que sa réintégration dans la société le 18 septembre 1995 n'a pas eu pour effet de le rétablir dans son mandat de représentant syndical du syndicat CGT ; que si la lettre en date du 20 septembre 1995 de l'union locale CGT d'Antony désigne M. X... comme délégué syndical dudit syndicat au sein de l'entreprise, elle n'a été reçue par la société SANYO que le 22 septembre ; qu'en conséquence M. X..., en application de l'article D. 412-1 précité du code du travail doit être regardé comme ayant été désigné comme délégué syndical, et par voie de conséquence comme représentant syndical au sein du comité d'entreprise, à compter du 22 septembre 1995 seulement ; qu'il en résulte, d'une part, que la circonstance que le licenciement de l'intéressé ait été envisagé par la direction de la société avant même sa réintégration intervenue le 18 septembre 1995, d'autre part, que les observations qui lui ont été faites avant le 22 septembre 1995 d'avoir à restreindre ses déplacements dans l'entreprise et ses contacts avec le personnel ne pouvaient être qualifiés d'attitude discriminatoire en relation à des mandats de salarié protégé qui ne lui avaient pas été confiés à l'époque de ces faits ;
Considérant que si M. X... soutient, par ailleurs, en se référant à l'article L. 122-4 du code du travail, qu'à la date de sa réintégration, il était inscrit sur la liste des conseillers du salarié établie par le préfet du département sur propositions des organisations syndicales représentatives, un tel mandat s'il lui assurait une protection exceptionnelle au regard de la législation relative aux autorisations de licenciements, ne s'exerçait pas en l'espèce au profit de salariés de l'entreprise SANYO, celle-ci disposant d'institutions représentatives du personnel ; qu'ainsi, conformément aux dispositions de l'article L. 122-4 susmentionné, la fonction de conseiller du salarié exercée par M. X... ne s'exerçant qu'au profit de salariés extérieurs à l'entreprise, il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement économique demandé ait pu être en relation avec ce mandat ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué qui se fonde sur les circonstances susmentionnées pour considérer que la demande d'autorisation de licenciement demandée par l'entreprise SANYO FRANCE et accordée par le ministre du travail n'était pas sans liens avec les mandats détenus par l'intéressé, est entaché d'inexactitude matérielle et d'erreur de droit et doit, pour ces motifs, être annulé ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel de statuer sur les autres moyens présentés par M. X... devant le tribunal administratif ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la situation économique de l'entreprise SANYO FRANCE qui périclitait depuis plusieurs années justifiait à la date de la demande de licenciement de M. X... la réduction envisagée des effectifs ; que la circonstance que l'entreprise ait envisagé d'inclure M. X..., avant même sa réintégration, dans la réduction d'effectifs envisagée, n'était pas par elle-même de nature à la priver de la faculté de présenter à l'administration du travail, une demande de licenciement pour motif économique de l'intéressé, assortie des justifications nécessaires ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des pièces du dossier que le poste occupé par M. X..., était nettement déficitaire, même dans l'hypothèse d'un emploi à temps partiel, et qu'à la date à laquelle son licenciement a été demandé, aucun autre poste n'était disponible à l'intérieur de la société pour le reclasser ; que compte tenu des critères de choix retenus par la direction de l'entreprise conformément à la convention collective pour la détermination des employés à licencier, soit, dans l'ordre, la valeur professionnelle, les charges et la situation de famille, l'ancienneté dans l'établissement, il ne ressort pas des pièces du dossier que le choix de M. X... comme un des employés devant être licencié en priorité n'était pas justifié ;
Considérant par ailleurs qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de M. X... ait été en relation avec l'exercice des mandats syndicaux qui lui ont été confiés à compter du 22 septembre 1995 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du travail a pu légalement autoriser le licenciement de M. X... pour motif économique par sa décision en date du 26 août 1996 ; qu'ainsi la société SANYO FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du ministre ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué :
Considérant que la cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions en annulation du jugement attaqué, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce que soit ordonné son sursis à exécution ;
En ce qui concerne les frais irrépétibles :
Considérant que la société SANYO FRANCE n'étant pas la partie perdante, les conclusions de M. X... tendant à ce qu'elle soit condamnée à lui verser une somme en application de l'article L. 761-1 du code des tribunaux administratifs doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 15 novembre 2000 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société SANYO FRANCE tendant à ce qu 'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué.
Article 3 : Les conclusions de M. X... sont rejetées.
2
N°s 01PA00332 et 01PA00724