Vu, I, sous le n° 11PA00690, la requête enregistrée le 9 février 2011, présentée pour la CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE (CNMSS), dont le siège est 247 avenue Jacques Cartier à Toulon cedex 09 (83090), par Me Vergeloni ; la CNMSS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0811588/6-1 en date du 26 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à lui rembourser ses débours exposés dans l'intérêt de M. Alan ;
2°) de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 32 881, 70 euros au titre des prestations servies à M. , somme assortie des intérêts capitalisés au taux légal à compter de sa demande, ainsi qu'à lui verser la somme de 980 euros au titre de l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
3°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu, II, sous le n° 11PA00730, le recours enregistré le 11 février 2011, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS ; le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0811588/6-1 en date du 26 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. et Mme , venant aux droits de leur fils Alan, la somme de 106 200 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention que celui-ci a subie le 18 mai 1999 à l'hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâce en vue de l'exérèse d'une tumeur cérébrale, et, à titre subsidiaire de réduire les prétentions indemnitaires des requérants ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 2012 :
- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,
- et les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public ;
Considérant que la requête et le recours susvisés, présentés pour la CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE (CNMSS) et le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS sont dirigés contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que M. a subi le 18 mai 1999, à l'âge de 19 ans, l'exérèse d'une tumeur cérébrale à l'hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâce ; que cette intervention a été pratiquée en position assise et a nécessité la pose d'un pantalon anti-gravité afin de prévenir les risques d'embolie gazeuse existants ; que, le lendemain, soit le 19 mai, le patient présentait un syndrome des loges du coté droit et une paralysie bilatérale du sciatique poplité externe et a dû subir une aponévrotomie des loges ; qu'après une rééducation de ses membres inférieurs, il a regagné son domicile en août 1999 ; que les troubles fonctionnels de la marche et les douleurs ont cependant persisté ; qu'il a été mis en avril 2000 en position de réforme définitive ; qu'il a introduit le 1er juillet 2008 une requête tendant à l'indemnisation des préjudices résultant des fautes dans sa prise en charge lors de l'opération du 18 mai 1999 devant le Tribunal administratif de Paris ; que par jugement du 26 novembre 2010, dont le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS relève régulièrement appel, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. et Mme , venant aux droits de leur fils Alan, décédé le 29 mai 2010, la somme de 106 200 euros ; que par la voie de l'appel incident, les époux relèvent appel du même jugement en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à leurs demandes ; que, par requête distincte, la CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE, qui avait demandé en première instance la condamnation de l'Etat à la rembourser des débours engagés dans l'intérêt de M. consécutifs à l'intervention chirurgicale litigieuse jusqu'à la date du 29 octobre 2008, relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté sa demande ;
Sur la responsabilité :
Considérant que le Tribunal administratif de Paris a retenu que la responsabilité de l'Etat était engagée dans les dommages résultant de l'intervention du 18 mai 1999, au motif que si le professeur , expert désigné par ordonnance du juge des référés de ce tribunal, estimait que le recours au pantalon anti-gravité est un moyen de prévention efficace des embolies gazeuses susceptibles de survenir lors d'interventions neurochirurgicales en position assise, il mentionnait néanmoins qu'une pression excessive de son gonflement pouvait être à l'origine du syndrome des loges dont avait été victime M. , tandis que le ministre ne produisait en défense ni l'analyse du consultant national pour l'anesthésie et la réanimation dans les armées ni le rapport d'anesthésie de l'intervention sur lesquels il s'appuyait pour affirmer que les pressions de gonflage effectuées se situaient dans les limites recommandées par la littérature médicale ; qu'en appel, le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS produit ces deux documents ; que, contrairement à ce que font valoir M. et Mme , rien ne fait obstacle à ce qu'il soit tenu compte de ces documents dont la teneur a pu être discutée dans le cadre de la présente instance ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des avis concordants des praticiens qui ont suivi M. à compter de l'intervention en cause, que le syndrome des loges présenté par celui-ci est consécutif à la fois à la position assise pendant l'intervention et à l'utilisation du pantalon anti-gravité, lesquelles comportent intrinsèquement ce type de risque ; que notamment l'expert mentionne un courrier en date du 18 juin 1999 de l'un des chirurgiens ayant opéré M. , qui indique ainsi, au sujet du déficit bilatéral apparu dans les suites opératoires, que : " nous avons attribué cette complication posturale à la position assise, jambes en extension ainsi qu'au port du pantalon anti-G gonflé, qui permet de minimiser les risques d'embolie gazeuse liés à la position. " ; que de même dans une lettre en date du 20 septembre 2007 accompagnant le rapport d'anesthésie de l'intervention produit au dossier par le ministre, le chef du service d'anesthésie de l'hôpital d'instruction des armées, le docteur Lenoir, conclut, après avoir précisé que le risque de compression et d'atteinte neurologique dans l'utilisation du pantalon anti-gravité mentionné dans la littérature médicale est également décrit dans la chirurgie en position assise indépendamment de l'utilisation d'un pantalon anti choc, que : " Le lien de cause à effet entre la position opératoire associée à l'utilisation du pantalon anti-G et les complications post-opératoires observées semble évident. " ; qu'il résulte en outre du rapport précité en date du 20 septembre 2007 du docteur Lenoir que les pressions de gonflage relevées au début de l'intervention chirurgicale étaient de 32 mm Hg au niveau du membre inférieur droit, de 24 mm Hg au niveau du membre inférieur gauche et de 10 mm Hg au niveau du compartiment abdominal ; que le docteur Lenoir estime que ces pressions se situaient dans les limites recommandées par la littérature médicale qui varient entre 60 mm Hg et 30 mm Hg, valeur la plus fréquemment retrouvée, pour des interventions aussi longues que celle qui a été pratiquée pour M. ; qu'il ne résulte donc pas de l'instruction, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, que la pression du gonflement du pantalon anti-gravité ait été excessive et constituerait une faute dans la prise en charge anesthésique du patient susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat, sur le fondement de cette faute, à verser à M. et Mme la somme de 106 200 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale en cause ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant devant elle que devant le Tribunal administratif de Paris ;
Considérant, s'agissant de la surveillance dans la nuit qui a suivi l'intervention, que le professeur a estimé dans son rapport d'expertise que celle-ci avait été conforme aux bonnes pratiques et à la réglementation et que notamment le document rempli en salle post-interventionnelle comportait une surveillance attentive de la motricité et de la sensibilité des membres inférieurs ; que si l'expert a, toutefois, ajouté qu'en l'absence de document mentionnant la conduite médicale durant cette période, il était possible d'envisager un retard du diagnostic du syndrome des loges, il n'a ainsi incriminé qu'un éventuel manque de réaction du corps médical face aux résultats de la surveillance, sans remettre en cause la bonne réalisation de cette dernière ; que cependant le docteur , sapiteur, a indiqué, dans son rapport joint à l'expertise, que la complication du syndrome des loges " a été dépistée rapidement, grâce à la surveillance des membres inférieurs qui était réalisée toutes les heures comme le montre la feuille de surveillance post-opératoire. " et M. ayant été opéré le lendemain matin à 10 heures pour une aponévrotomie des loges ; qu'aucun compte-rendu médical, contemporain de la survenance des complications, produit au dossier, ne met en doute la prise en charge adéquate de ces dernières ; que dans ces circonstances, le doute émis par le professeur n'est pas suffisant pour établir l'existence d'une faute de l'établissement hospitalier consistant en un retard dans le diagnostic du syndrome des loges ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. et Mme devant le Tribunal administratif de Paris et, par voie de conséquence, leurs conclusions d'appel incident tendant à la réformation du jugement en ce que celui-ci n'a fait que partiellement droit à leurs demandes doivent être rejetées ; que de même les conclusions présentées par la CNMSS devant le Tribunal administratif de Paris tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat le remboursement des prestations servies à M. , et ses conclusions d'appel, doivent être rejetées ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de laisser les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 700 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris en date du 10 octobre 2007, à la charge de l'Etat, ainsi qu'en ont jugé les premiers juges ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la CNMSS et par M. et Mme doivent dès lors être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 26 novembre 2010 est annulé en tant que par son article 1er il a condamné l'Etat à verser à M. et Mme , venant aux droits de leur fils M. Alan , la somme de 106 200 euros.
Article 2 : Le surplus du recours du MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS est rejeté.
Article 3 : La requête de la CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE est rejetée.
Article 4 : L'appel incident présenté par M. et Mme devant la Cour est rejeté.
''
''
''
''
5
N° 10PA03855
2
Nos 11PA00690, 11PA00730