Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 7 novembre 2007 et le 18 mars 2008, présentés pour Mme Annick A, domiciliée ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Lyon n°S 0500700-0506464 du 28 septembre 2007 en tant qu'il a limité à la somme de 23 200 euros la condamnation de l'Etablissement français du sang destinée à réparer les préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;
2°) de porter la condamnation de l'Etablissement français du sang à la somme de 694 511 euros et de mettre à la charge de ce dernier les frais d'expertise tout en lui donnant acte de ce qu'elle se désiste de ses demandes à l'encontre du centre hospitalier de Vienne, du centre hospitalier d'Annonay et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles ;
3°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a engagé la responsabilité de l'Etablissement français du sang à raison de la contamination transfusionnelle dont elle a été victime ; que les premiers juges ne pouvaient procéder à une réparation globale de plusieurs préjudices ; qu'ils ont fait une insuffisante évaluation de ses droits à réparation ; que le tribunal administratif a entaché son jugement de contrariété de motifs en estimant, pour évaluer ses droits, que l'invalidité qui l'affecte n'était pas en lien avec l'hépatite C puis, pour apprécier les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais, que cette même invalidité était imputable à l'affection hépatique ; que son classement dans la première catégorie des invalides, le 31 mars 2003, puis dans la deuxième catégorie, à compter du 10 mai 2007, est entièrement imputable aux conséquences de son affection virale ; qu'il est établi qu'elle est donc dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle quelconque du fait de la contamination litigieuse ; qu'elle peut prétendre à 15 000 euros au titre de l'IPP, 283 986 euros au titre des pertes de salaire, 93 170 euros au titre de l'épargne salariale, 124 715 euros au titre des droits à la retraite du régime général, 99 640 euros au titre des droits à la retraite complémentaire, 18 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence pendant la période d'ITT, 40 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 20 000 euros au titre du pretium doloris ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 8 septembre 2008, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais qui conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité à la somme de 65 260,43 euros la condamnation de l'Etablissement français du sang au titre des débours résultant de la contamination de Mme A par le virus de l'hépatite C, à ce que cette condamnation soit portée à la somme de 166 571,11 euros, à ce que soient mises à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761- du code de justice administrative et une somme de 941 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; elle soutient que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires dès lors que les débours dont le remboursement est sollicité sont directement liés à la contamination virale de Mme A ;
Vu, enregistré le 15 décembre 2008, le mémoire présenté pour l'Etablissement français du sang qui conclut au rejet de la requête et à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à verser une somme de 65 260,43 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais ; il soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre la contamination de Mme A par le virus de l'hépatite C et l'invalidité présentée par cette dernière ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais ne justifie pas que les débours dont elle demande le remboursement sont imputables à l'affection hépatique de Mme A ;
Vu, enregistré le 20 janvier 2009, le mémoire présenté pour la Société hospitalière d'assurances mutuelles et le centre hospitalier d'Annonay qui concluent à ce que la Cour prenne acte de ce qu'ils acceptent le désistement des conclusions de Mme A dirigées à leur encontre ;
Vu, enregistré le 26 février 2009, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu, enregistré le 18 novembre 2009, le mémoire déposé pour Mme A qui revalorise sa demande et la porte à 400 030 euros en ce qui concerne les pertes de salaires, 143 205 euros en ce qui concerne l'épargne salariale, 176 351 euros en ce qui concerne les droits à la retraite du régime général, la ramène à 92 779 euros en ce qui concerne les droits à la retraite complémentaire et demande en outre 6 163,15 euros au titre des frais de transports et 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément avant consolidation ;
Vu, enregistré le 29 janvier 2010, le mémoire déposé pour le centre hospitalier d'Annonay et la Société hospitalière d'assurances mutuelles qui conclut comme le précédent à ce qu'il doit donné acte du désistement de Mme A à leur encontre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'arrêté du 1er décembre 2009 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2010 :
- le rapport de Mme Serre, présidente ;
- les observations de Me Ducret-Chiron, avocat de Mme A ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant de nouveau été donnée aux parties présentes ;
Vu, enregistrée le 12 février 2010, la note en délibéré déposée pour Mme A ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etablissement français du sang, substitué dans les droits et obligations des centres fournisseurs de produits sanguins du centre hospitalier de Vienne, à verser une indemnité de 23 200 euros à Mme A en réparation des préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C et à verser une somme de 65 260,43 euros au titre des débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais pour le compte de son assurée ; que Mme A fait appel de ce jugement et demande la majoration des indemnités accordées par les premiers juges, cependant que la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais demande également la majoration de ses droits à remboursement ; que, si l'Etablissement français du sang ne conteste pas l'origine transfusionnelle de la contamination de la victime, il fait valoir que le lien de causalité entre sa situation socioprofessionnelle et la contamination n'est pas établi et conclut au rejet de la requête et, incidemment, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à verser une somme de 65 260,43 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais ;
Sur les conclusions du centre hospitalier d'Annonay et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement de Mme A de ses conclusions à leur encontre :
Considérant que, par le jugement contesté, le Tribunal a rejeté les conclusions de Mme A dirigées contre le centre hospitalier d'Annonay et la Société hospitalière d'assurances mutuelles ; que Mme A ne formant en appel aucune conclusion à leur encontre, il n'y a pas lieu de donner acte d'un quelconque désistement ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant que Mme A, née en 1956, qui a subi des transfusions sanguines en 1982 et 1983, est atteinte d'une hépatite C peu évolutive qui a été diagnostiquée en janvier 2000 ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les symptômes non hépatiques dont elle souffre, notamment des douleurs articulaires et musculaires invalidantes et une asthénie pour lesquels aucune autre cause particulière n'a pu être détectée, sont en lien avec cette hépatite ; que le préjudice résultant de ces manifestations extra hépatiques doit donc être réparé par l'Etablissement français du sang ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
Quant aux dépenses de santé et aux frais liés à la maladie :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais fait valoir qu'elle a pris en charge quelques jours d'hospitalisation entre 2002 et 2007 pour un montant total de 4 944,71 euros, des frais pharmaceutiques pendant presque six ans pour un montant de 3 554,99 euros ainsi que des radiologies et des soins infirmiers pour un montant de 215,48 euros ; que, contrairement à ce que soutient l'Etablissement français du sang, ces dépenses d'un total de 8 715,18 euros sont en relation avec la contamination virale dont s'agit ; que, par ailleurs, en prévoyant que Mme A aura besoin de 4 consultations de généraliste et d'une consultation de spécialiste par an ainsi que d'une surveillance biologique par trimestre, la caisse primaire justifie suffisamment de ses frais futurs qu'elle évalue à 323 euros par an ; qu'en l'absence d'accord de l'Etablissement français du sang pour un remboursement du capital représentatif de ces frais futurs, il y a lieu de le condamner à rembourser, dans cette limite, ces frais à chaque échéance annuelle, sur justificatifs ;
Considérant que si Mme A soutient qu'elle a exposé depuis 2002 une dépense de 6 163,15 euros en se rendant en moyenne six fois par an aux Hospices civils de Lyon alors qu'elle habite Cavaillon, elle ne justifie pas suffisamment de cette dépense en se bornant à un calcul forfaitaire et théorique ;
Quant aux pertes de revenus et au préjudice professionnel :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, du fait des symptômes imputables à sa contamination, Mme A, a subi une incapacité temporaire totale du 1er mars au 22 juin 2000, du 3 juillet au 10 septembre 2000, du 25 septembre 2000 au 31 mars 2003 ; qu'elle a été classée en première catégorie des invalides, en avril 2003 et n'a pu retrouver un emploi à la suite de son licenciement, pour inaptitude du fait de sa maladie, intervenu en juin 2003 ; que si l'expert, dans son rapport rendu le 1er février 2007, fixe le taux de l'IPP à 10 %, il souligne que ce taux est susceptible d'évoluer et que Mme A ne peut reprendre une activité professionnelle, sauf à trouver un emploi adapté ; qu'il ressort des certificats médicaux produits que son état s'est ensuite aggravé, qu'elle a commencé un traitement par bithérapie en mai 2007 et a été reconnue invalide en deuxième catégorie en juin 2007 ; qu'elle doit donc être regardée comme désormais dans l'impossibilité de travailler ;
Considérant en premier lieu que la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais justifie avoir versé à Mme A du 15 au 24 janvier 2000 et pendant la période de son incapacité temporaire totale des indemnités journalières pour un montant de 42 434,68 euros ; que Mme A ne soutient pas avoir subi une perte de revenu supérieure ;
Considérant en second lieu que, compte tenu de l'âge de Mme A et des derniers revenus d'activité dont elle justifie qui sont d'environ 27 000 euros par an, il sera fait une juste évaluation du préjudice résultant de la perte de revenus subie de son licenciement jusqu'à la date qui aurait été celle de sa mise à la retraite en la chiffrant à 280 000 euros ; que par ailleurs, il sera fait une juste appréciation du préjudice financier durant la période de retraite en le fixant à 50 000 euros ; qu'en revanche le manque à gagner résultant de la perte de l'épargne salariale ne saurait présenter un caractère indemnisable faute de lien suffisamment direct et certain avec la contamination de Mme A ; qu'ainsi le préjudice total pour perte de revenu après le licenciement de Mme A se monte à 330 000 euros ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que la caisse verse à Mme A une pension d'invalidité réparant la perte de revenus ; qu'au 30 août 2008, le montant des arrérages échus était de 32 251,19 euros et le capital représentatif restant dû s'élevait à 78 969,12 euros, soit un total de 111 220,31 euros qui doit s'imputer sur les droits de Mme A dont l'indemnité sera ainsi limitée à 218 779,69 euros ;
Sur les préjudices à caractère personnel :
Considérant que, comme il l'a été dit ci-dessus, Mme A est atteinte d'une hépatite C chronique peu active ; que l'expert a retenu une incapacité temporaire totale de 3 ans, avait estimé que le taux d'incapacité permanente partielle affectant la victime était de 10 % et a par ailleurs évalué à 2.5 sur une échelle de 7 les souffrances endurées ; que l'affection de la victime a nécessité postérieurement au dépôt du rapport d'expertise la mise en oeuvre d'un traitement antiviral ; qu'elle est à l'origine de manifestations extra-hépatiques importantes à type de syndrome polyagique et qu'elle a engendré des troubles de toute nature dans les conditions d'existence de la requérante ; que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de l'ensemble des préjudices à caractère personnel de la victime en lui en allouant une somme de 23 200 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'irrecevabilité des majorations de préjudice auxquelles elle conclut dans son mémoire du 18 novembre 2009, Mme A est fondée à soutenir que, l'incidence professionnelle de son hépatite ayant été sous-évaluée, il y a lieu de fixer la somme totale que l'Etablissement français du sang doit lui verser à 241 979,69 euros ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais est également fondée à demander que la condamnation de l'Etablissement français du sang à son profit soit portée à 162 370,17 euros, outre 323 euros par an au titre des frais futurs ;
Sur l'indemnité forfaitaire due à la caisse de sécurité sociale :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale pour le montant de 966 euros auquel elle est fixée, à la date de la présente décision, par l'arrêté interministériel du 1er décembre 2009 ; qu'il y a lieu de porter à ce montant l'indemnité allouée à ce titre en première instance ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que le jugement attaqué ayant, à juste titre, mis les frais de l'expertise à la charge de l'Etablissement français du sang, la requérante n'est pas recevable à former en appel des conclusions à fin que ces frais soient mis à la charge de cet établissement ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang le versement à Mme A et à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais d'une somme de 1 500 euros chacune au titre des frais exposés par ces dernières et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La somme que l'Etablissement français du sang a été condamné à payer à Mme A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0500700 du 28 septembre 2007 est portée de 23 200 euros à 241 979,69 euros.
Article 2 : La somme de 65 260,43 euros que l'Etablissement français du sang a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais par l'article 2 du jugement susvisé est portée de 65 260,43 euros à 162 370,17 euros et l'Etablissement français du sang remboursera en outre annuellement, sur justificatifs, les fais médicaux exposés par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais dans la limite de 363 euros.
Article 3 : L'indemnité forfaitaire que l'Etablissement français du sang a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais par l'article 2 du jugement susvisé est portée de 926 euros à 966 euros.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0500700 du 28 septembre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etablissement français du sang versera à Mme A et à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais une somme de 1 500 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais et les conclusions de l'Etablissement français du sang sont rejetés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Annick A, à l'Etablissement français du sang, à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais, au centre hospitalier d'Annonay, au centre hospitalier de Vienne et à la Société hospitalière d'assurances mutuelles. Copie en sera expédiée à M. Christian Janot (expert).
Délibéré après l'audience du 11 février 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mars 2010.
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No 07LY02472