Vu le recours, enregistré le 10 juillet 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;
Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 070883 du 9 avril 2008 en tant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. et Mme A des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002 et 2003 à raison des revenus perçus par Mme A en sa qualité d'enseignante ;
2°) de les rétablir aux rôles desdites cotisations dans la limite de la prise en compte de déductions forfaitaires des professions artistiques limitées aux revenus tirés par Mme A au titre de ses activités d'artiste, soit des déductions de 185 euros pour l'année 2002 et 322 euros pour l'année 2003 ;
Le ministre soutient que le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de droit en jugeant que les dispositions de l'instruction 5 F-1-99 du 30 décembre 1998 permettaient de prendre en compte comme revenus auxquels s'appliquent les déductions de 14% et de 5% aussi bien les cachets d'artiste que les rémunérations provenant de l'enseignement musical ; que l'interprétation du tribunal est en outre contraire à la réponse ministérielle Dolez du 11 novembre 2002, laquelle est opposable aux contribuables dès lors qu'elle a fait l'objet d'une publication au Journal Officiel avant le fait générateur des impositions en litige ; que, dès lors, Mme A n'était en droit de bénéficier des déductions de 14% et 5% qu'à raison du montant des rémunérations accessoires qu'elle avait perçues au titre des six concerts pour lesquels elle avait été rémunérée pendant les années 2002 et 2003, soit 971 euros au titre de l'année 2002 et 1 695 euros au titre de l'année 2003 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2009 pour M. et Mme A, qui concluent au rejet du recours du ministre et à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. et Mme A soutiennent qu'il ressort des termes mêmes de l'instruction 5 F-1-99 du 30 décembre 1998 qu'il convient de pratiquer l'abattement sur la totalité de la rémunération perçue par l'artiste musicien, y compris les rémunérations que Mme A a perçues ès qualité de son activité d'enseignement artistique quel que soit le montant desdites rémunérations ; que la réponse ministérielle Dolez, qui a été reprise par une instruction annulée pour excès de pouvoir par le Conseil d'Etat, ne saurait modifier une instruction administrative ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 1er octobre 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 2 décembre 2009 fixant la clôture de l'instruction au 31 décembre 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire enregistré le 29 décembre 2009 pour M. et Mme A, qui concluent aux mêmes fins que leur mémoire précédent par les mêmes moyens ;
Vu la note en délibéré enregistrée le 3 février 2010 pour M. et Mme A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2010 :
- le rapport de M. Monnier, premier conseiller ;
- les observations de Me Cheneau, avocat de M. et Mme A ;
- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;
- la parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que Mme A, assistante territoriale spécialisée, dispense un enseignement artistique de flûte traversière au conservatoire national de région Emmanuel Chabrier à Clermont-Ferrand à raison duquel elle a perçu au titre des années 2002 et 2003 des revenus s'élevant, respectivement, à 22 559 et 21 932 euros ; qu'elle a par ailleurs effectué au cours de chacune des années 2002 et 2003 des concerts pour lesquels elle a déclaré des rémunérations, respectivement, de 971 et 1695 euros ; que, dans leurs déclarations sur le revenu de ces deux années, M. et Mme A ont pratiqué sur la totalité des revenus de Mme A les abattements forfaitaires prévus pour les artistes ayant opté pour les frais réels par l'instruction 5 F-1-99 du 30 décembre 1998, de 14% au titre des frais d'instruments et frais accessoires pour les artistes musiciens et de 5% au titre des frais divers pour l'ensemble des professions artistiques ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a, au titre des années 2002 et 2003, remis en cause dans leur totalité lesdites déductions ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT doit être regardé comme relevant appel du jugement en tant que le Tribunal administratif a fait droit à la demande de M et Mme A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002 et 2003 à raison de la remise en cause des déductions forfaitaires pour frais professionnels de 14 % et de 5 % appliquées aux rémunérations de professeur de Mme A ;
Sur l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts : Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut (...) ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels (...). ;
Considérant que M. et Mme A, dès lors qu'ils ont opté pour la déduction des frais réels de Mme A, ne sauraient, sur le fondement des dispositions législatives précitées, bénéficier des déductions forfaitaires cumulées de 14% et 5% sur ses rémunérations sans justifier, ce qu'ils ne font pas, que de tels pourcentages correspondent au montant des frais inhérents à ses activités de musicienne et de professeur au conservatoire de Clermont-Ferrand ;
Sur le bénéfice de la doctrine administrative :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ;
Considérant que M. et Mme A se prévalent d'un passage de l'instruction du 30 décembre 1998, n° 5 F-1-99 inclus dans la section 4 intitulée Frais spécifiques aux professions artistiques aux termes de laquelle : A. Artistes musiciens : 90. Il s'agit des frais liés à l'acquisition des instruments de musique et des frais accessoires à cet instrument. Conformément au septième alinéa du 3° de l'article 83 du CGI, le montant de la dépense déductible au titre de l'acquisition de biens, comme les instruments de musique, dont la durée d'utilisation est supérieure à un an s'entend de la dépréciation effectivement subie par le bien concerné au cours de l'année d'imposition considérée. À titre de simplification, il est admis de déterminer cette dépréciation par référence à une annuité d'amortissement calculée selon le mode linéaire(...). Pour tenir compte de la difficulté de définir un système d'amortissement opérationnel et de la spécificité que constitue la dépense professionnelle correspondante, il sera admis, à titre exceptionnel et par mesure de simplification, de fixer à un pourcentage de la rémunération annuelle la partie des frais correspondant à l'acquisition des instruments de musique et aux frais accessoires, c'est-à-dire aux frais liés à l'entretien, l'utilisation et la protection des instruments, notamment les primes d'assurance. Cette déduction couvrira également les matériels techniques, affectés totalement ou partiellement à un usage professionnel, que les artistes musiciens peuvent détenir à leur domicile ( matériel hi-fi tels que platines, disques, casques, micros...ou second instrument, tel qu'un piano ). La déduction accordée au titre de l'amortissement des instruments de musique et des frais accessoires, ainsi que des matériels techniques à usage professionnel, est fixée à 14% du montant total de la rémunération nette annuelle déclarée ès qualités à l'impôt sur le revenu, y compris, le cas échéant, les rémunérations perçues au titre d'une activité d'enseignement artistique, exercée notamment dans les conservatoires ou écoles de musique, ainsi que les allocations et remboursements pour frais professionnels perçus qui doivent, sous réserve des indemnités mentionnées au § D ci-dessous, être rapportés aux rémunérations imposables ... C. Ensemble des professions artistiques : 92. A titre de simplification, il sera admis que les dépenses suivantes : frais vestimentaires et de coiffure, de représentation, de communications téléphoniques à caractère professionnel, de fournitures diverses (partitions, métronome, pupitre...), ainsi que les frais de formation et les frais médicaux spécifiques autres que ceux engagés par les artistes chorégraphiques et les artistes lyriques, solistes ou choristes, soient prises en compte dans le cadre d'une déduction égale à 5% de la même rémunération nette annuelle que celle définie, et éventuellement plafonnée, aux paragraphes A et B ci-dessus... La déduction de 5% bénéficie aux artistes dramatiques, lyriques, cinématographiques ou chorégraphiques, aux artistes musiciens, aux choristes, aux chefs d'orchestre ainsi qu'aux régisseurs de théâtre ;
Considérant qu'il résulte des termes mêmes de cette instruction que le bénéfice des déductions en cause est réservé aux contribuables exerçant la profession d'artiste musicien, lesquels peuvent en outre bénéficier de ces déductions sur les rémunérations qu'ils auraient perçues au titre d'une activité d'enseignement artistique ; qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années en litige, Mme A n'a donné que six concerts par an dont seulement la moitié a fait l'objet de rémunérations pour un montant total de 971 euros au titre de l'année 2002 et de 1695 euros au titre de l'année 2003 ; que, dans ces conditions, Mme A ne saurait être regardée comme ayant exercé ses fonctions dans des conditions analogues à celles d'un musicien professionnel ; que, dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif a considéré que les revenus de professeur de musique de Mme A, au titre des années 2002 et 2003, entraient dans les prévisions de l'instruction précitée du 30 décembre 1998 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du recours, que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. et Mme A des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis à raison de la remise en cause des déductions forfaitaires pour frais professionnels de 14 % et de 5 % appliquées aux rémunérations de 22 559 et 21 932 euros que Mme A a perçues en sa qualité de professeur de musique, respectivement, au cours des années 2002 et 2003 ; que M. et Mme A n'ayant soulevé aucun autre moyen, il y a lieu dans cette mesure d'annuler le jugement attaqué et de les rétablir dans le rôle de l'impôt sur le revenu des années 2002 et 2003 à concurrence des déductions dont ils ont ainsi bénéficié à tort ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme A la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 avril 2008 est annulé en tant qu'il a accordé la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels ont été assujettis M. et Mme A au titre des années 2002 et 2003, à raison de la remise en cause des déductions forfaitaires pour frais professionnels de 14 % et de 5 % appliquées aux rémunérations de 22 559 et 21 932 euros que Mme A a perçues, respectivement, au titre desdites années en sa qualité de professeur de musique.
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Article 2 : M. et Mme A sont rétablis, en droits et pénalités, dans les rôles supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2002 et 2003 à raison de la remise en cause des déductions forfaitaires pour frais professionnels de 14 % et de 5 % sur des montants de 22 559 et 21 932 euros respectivement.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A et au ministre du budget, des comptes publics de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 2 février 2010, où siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
MM. Monnier, Pourny et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 9 mars 2010.
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N° 08LY01604