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19/01/2016 | FRANCE | N°13MA03445

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 19 janvier 2016, 13MA03445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public régional Port Sud de France a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des exercices clos les 31 décembre 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1200044 du 13 juin 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 août

2013 et 2 mars 2015, l'Etablissement public régional Port Sud de France, représenté par MeA..., d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public régional Port Sud de France a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des exercices clos les 31 décembre 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1200044 du 13 juin 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 août 2013 et 2 mars 2015, l'Etablissement public régional Port Sud de France, représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 juin 2013 ;

2°) de prononcer la décharge de l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des années 2009 et 2010 pour des montants de 179 449 euros et 735 153 euros ;

3°) d'ordonner le versement des intérêts moratoires sur ces sommes ;

4°) de condamner l'Etat au remboursement des frais irrépétibles conformément aux dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas caractérisé le caractère lucratif des activités de commerce et de pêche de l'établissement eu égard notamment à la nature des activités exercées et aux contrôles opérés par la région Languedoc-Roussillon ;

- il est en droit d'invoquer la doctrine référencée 4 H 1352 du 30 avril 1988 dès lors qu'il exploite des installations portuaires au même titre que les exploitants qu'elle vise ; la doctrine ne lie pas l'exonération à l'engagement des dépenses de reconstruction pour faits de guerre ;

- du fait de l'application restrictive de la doctrine, il subit une discrimination au sens des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 mars 2014 et 24 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'établissement public régional Port Sud de France ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que l'établissement public régional Port Sud de France, qui gère et exploite depuis le 1er janvier 2008 les activités de commerce et de pêche du port de Sète, a demandé au tribunal administratif de Montpellier la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des exercices clos les 31 décembre 2009 et 2010 ; que cet établissement relève appel du jugement du 13 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur le bien-fondé des impositions à l'impôt sur les sociétés :

En ce qui concerne le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1 - (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) sous réserve des dispositions du 6° (...) du 1 de l'article 207, les établissements publics (...) se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif " ; que selon l'article 1654 du même code : " Les établissements publics, les exploitations industrielles ou commerciales de l'Etat ou des collectivités locales (...) doivent (...) acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations (...) " ; que l'article 207 du même code dispose que : " 1 - Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (..). 6° Les régions et les ententes interrégionales, les départements et les ententes interdépartementales, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, syndicats de communes et syndicats mixtes constitués exclusivement de collectivités territoriales ou de groupements de ces collectivités, ainsi que leurs régies de services publics " ;

3. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions du 1 de l'article 206 du code général des impôts et de l'article 1654 du même code qu'une régie d'une collectivité territoriale, dotée ou non de la personnalité morale, n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés si le service qu'elle gère ne relève pas, eu égard à son objet ou aux conditions particulières dans lesquelles il est géré, d'une exploitation à caractère lucratif ; qu'il résulte des dispositions du 6° du 1 de l'article 207 du code général des impôts que si le service qu'elle gère relève d'une exploitation à caractère lucratif, elle ne bénéficie de l'exonération d'impôt sur les sociétés que si la collectivité territoriale a le devoir d'assurer ce service, c'est-à-dire si ce service est indispensable à la satisfaction de besoins collectifs intéressant l'ensemble des habitants de la collectivité territoriale ;

4. Considérant, en premier lieu, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal dans le jugement attaqué par des motifs qu'il convient, pour la Cour, d'adopter, que l'établissement requérant est un établissement public industriel et commercial disposant de l'autonomie financière, créé par la région Languedoc-Roussillon, laquelle, par une convention signée le 26 décembre 2007, lui a confié jusqu'au 31 décembre 2010, pour une durée de deux ans renouvelable, la gestion, l'exploitation et le développement des activités de commerce et de pêche du port de Sète ; que, d'une part, si, en application de ladite convention, il lui appartient notamment d'assurer la continuité du service public portuaire et la garde de biens publics, d'accueillir les navires tout en garantissant un accès non discriminatoire pour les usagers, et de se soumettre aux règlements de police et d'exploitation du port, il est constant que l'établissement public régional n'exerce pas une activité de police ou de réglementation administratives ; que, d'autre part, il ne ressort pas de la convention précitée que, pour l'exercice de son activité commerciale, l'établissement public régional reçoive des subventions de la région ou qu'il soit tenu d'appliquer des tarifs différenciés selon les ressources des bénéficiaires de ses services ;

5. Considérant que, dans ces conditions et alors même, circonstances non déterminantes en l'espèce, que la région Languedoc-Roussillon exerce sur lui un contrôle et qu'il perçoit des droits de port, l'administration fiscale a pu, en application des dispositions précitées des articles 1654 et 206 du code général des impôts, regarder l'établissement public régional Port Sud de France comme se livrant à l'exploitation d'un service public industriel et commercial présentant un caractère lucratif ;

6. Considérant, en second lieu, que le service assuré par l'établissement public requérant ne pouvant être regardé comme indispensable à la satisfaction de besoins collectifs intéressant l'ensemble de la population de la région, l'administration fiscale a pu, à bon droit estimer que l'établissement public régional Port Sud France ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions précitées du 6° de l'article 207 du code général des impôts ; qu'ainsi elle a pu à bon droit l'assujettir à des cotisations d'impôt sur les sociétés pour les exercices 2009 et 2010 ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

7. Considérant que l'établissement public requérant conteste ces mêmes cotisations en soutenant qu'en application de la documentation administrative n° 4 H-1352 dont il invoque le bénéfice, il était en droit d'être exonéré de l'impôt en cause à raison de son activité ;

8. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ; que si ces dispositions instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration, qui permet aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou les instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations ;

9. Considérant qu'aux termes du deuxième paragraphe de la documentation administrative n° 4 H-1352 intitulée " chambres de commerce maritimes, ports autonomes, municipalités concessionnaires d'outillage public dans les ports maritimes ", dans sa version mise à jour au 1er mars 1995 : " En vue de faciliter la reconstruction des installations portuaires détruites par fait de guerre, des décisions ministérielles successives ont exonéré d'impôts directs les ports autonomes, les chambres de commerce maritimes, les chambres de commerce de l'intérieur gérant des installations portuaires, les municipalités concessionnaires d'outillage public propriété de l'Etat dans les ports maritimes ainsi que les entreprises qu'elles ont pu se substituer pour l'exploitation de cet outillage. " ; que si cette documentation constitue une interprétation formelle des dispositions du 1 de l'article 206 du code général des impôts en ce qui concerne les entités que celles-ci désignent, il résulte de ses termes mêmes que les établissements publics régionaux gérant et exploitant les activités d'un port de commerce et de pêche n'entrent pas dans ses prévisions ; que, dès lors, l'établissement requérant ne peut utilement invoquer le bénéfice de la documentation administrative n° 4 H-1352, qui ne lui est pas applicable, pour contester les impositions litigieuses ;

En ce qui concerne la rupture d'égalité invoquée :

10. Considérant que l'établissement public régional Port Sud de France soutient que du fait de l'application de la doctrine telle qu'elle est littéralement appliquée au point précédent, il subirait une discrimination au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que toutefois ces textes ne peuvent être utilement invoqués pour contester des différences de traitement entre contribuables placés dans des situations comparables, susceptibles de résulter d'une interprétation de la loi fiscale ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'établissement public régional Port Sud de France n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'établissement public régional Port Sud de France demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'établissement public régional Port Sud de France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public régional Port Sud de France et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2016, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- M. Martin, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 janvier 2016.

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N° 13MA03445 3

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA03445
Date de la décision : 19/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Personnes morales et bénéfices imposables.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LEXIANE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-01-19;13ma03445 ?
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