Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... F...-E... et Mme D... E...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté n° 2011325-009 du 21 novembre 2011 du préfet de la Drôme déclarant d'utilité publique les travaux d'électricité sur la commune de Saillans concernant le projet de raccordement électrique au réseau basse tension de la maison appartenant à M.B..., au niveau du poste dit " Le Collet ", et instituant les servitudes prévues au code de l'énergie conformément à un tracé y annexé, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1106639 du 7 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du préfet de la Drôme du 21 novembre 2011 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser aux requérantes en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 9 décembre 2014, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du préfet de la Drôme du 21 novembre 2011 sur le fondement de motifs qui sont erronés ; la circonstance que la propriété de M. B...ait été aménagée sans autorisation il y a plusieurs années est sans incidence sur la légalité de l'arrêté déclarant d'utilité publique les travaux d'électricité et instituant une servitude de passage sur les parcelles des requérantes ; la procédure de déclaration d'utilité publique est indépendante des procédures instituées dans le cadre d'autres législations et , par conséquent, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dernières sont en principe inopérants à l'appui d'un recours intenté contre une DUP sauf dans le cas particulier où un texte en dispose autrement ;
- si la propriété de M. B...figure bien en zone naturelle du plan local d'urbanisme (PLU) de Saillans, c'est à tort que les juges de première instance ont retenu qu'elle était située dans une zone " à risque d'incendie " ; d'une part, le PLU de la commune de Saillans ne mentionne pas de risque incendie dans sa zone naturelle ; la circonstance que le PLU de la commune de Saillans classe cette zone en zone naturelle ne saurait suffire à la qualifier comme étant à risque d'incendie, ni à considérer qu'elle soit soumise à des prescriptions particulières restrictives ; d'autre part, la propriété de M. B...n'est pas incluse dans un plan de prévention des risques d'incendies de forêts (PPRIF) ; qu'en effet, le département de la Drôme est concerné par un seul PPRIF, celui du massif d'Uchaux, pris par arrêté interdépartemental du 30 septembre 2011 et du 10 octobre 2011, et dont le périmètre couvre la commune de Rochegude (Drôme) ainsi que plusieurs communes du Vaucluse, mais ne concerne pas la commune de Saillans ;
- en considérant que le coût des travaux était de nature à écarter le caractère d'utilité publique, les juges de première instance ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation ; en effet, le coût des travaux en cause s'élève à 77 euros (HT) le mètre, prix qui se situe dans la fourchette basse du coût de construction d'un réseau souterrain en basse tension en zone rurale ;
- saisi par l'effet dévolutif de l'appel, la cour ne pourra, au vu des pièces du dossier, des présentes écritures et du mémoire produit en première instance par le préfet de la Drôme le 21 décembre 2012, qu'écarter les autres moyens présentés en première instance et confirmer ainsi l'arrêté préfectoral du 21novembre 2011 ;
- qu'ainsi, et contrairement à ce qui a été soutenu, le dossier d'enquête comprenait une notice explicative sur l'établissement des servitudes, une notice explicative présentant les différents aspects du projet, une notice d'impact, un plan parcellaire et un état parcellaire et était complet ;
- l'absence du permis de construire de M. B...est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux ;
- la circonstance qu'une ligne électrique ait vocation à ne desservir qu'une seule habitation n'est pas de nature à priver le projet d'intérêt public alors que les inconvénients supportés par la requérante sont très limités ;
- les atteintes à la propriété privée, le coût financier et les éventuels autres inconvénients que comporte ce projet ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'il présente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2015, Mme A... F...-E... et Mme D...E..., représentées par MeC..., concluent au rejet du recours et à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Grenoble et à ce que soit mise à charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la compétence de l'autorité signataire de l'arrêté n'est pas établie ;
- l'arrêté attaqué ne vise pas le décret n° 2004-835 de telle sorte qu'il est impossible de savoir sur quelle base l'enquête a été effectuée ;
- l'enquête publique ne fait pas mention du permis de construire qui aurait dû avoir été délivré à M.B..., ce en méconnaissance des exigences posées par l'article 5 du décret n° 2004-835 ;
- aucune notice d'impact n'est produite alors que la parcelle desservie est incluse dans un massif boisé protégé au titre de l'article L. 123-1-7 du code de l'urbanisme qui impose que tous travaux fassent l'objet d'une déclaration préalable ;
- l'instruction du dossier a été incomplète dans la mesure où le projet ne concerne pas uniquement un propriétaire mais plusieurs ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait dès lors que contrairement à sa motivation, il n'a pour objet que de régulariser la situation illégale d'un propriétaire venu habiter un abri de jardin sans avoir obtenu une quelconque autorisation d'urbanisme à cette fin ;
- l'arrêté a été pris en méconnaissance des règles édictées par l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable selon laquelle les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1 dudit code ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone, si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités ; l'arrêté en cause ne saurait permettre de régulariser une construction illicite ;
- l'utilité publique du projet n'est nullement établie, alors même que le propriétaire ainsi desservi par la ligne électrique visée par la DUP habitait seul dans un secteur isolé et a été dans l'obligation de quitter les lieux en mai 2013 ;
- l'arrêté attaqué est entaché de détournement de pouvoir dans la mesure où la décision de raccordement était acquise depuis l'engagement de la procédure et que le but poursuivi du projet de permettre le raccordement au réseau d'un seul bénéficiaire est attesté par l'omission par l'autorité expropriante de proposer une indemnisation du préjudice subi par les propriétaires du fonds ainsi grevé d'une telle servitude.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 pris pour l'application de l'article 35 modifié de la loi du 8 avril 1946 concernant la procédure de déclaration d'utilité publique des travaux d'électricité et de gaz qui ne nécessitent que l'établissement de servitudes ainsi que les conditions d'établissement desdites servitudes ;
- le décret n° 2004-835 du 19 août 2004 relatif aux servitudes d'utilité publique prévues par l'article 12 bis de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.
1. Considérant que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour d'annuler le jugement du 7 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de Mme A... F...-E... et de Mme D... E...demeurant... ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 323-3 du code de l'énergie dans sa rédaction en vigueur à la date du 21 novembre 2011 : " Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité peuvent être, sur demande du concédant ou du concessionnaire, déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative. La déclaration d'utilité publique est précédée d'une étude d'impact et d'une enquête publique dans les cas prévus au chapitre II ou au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement. S'il y a lieu à expropriation, il y est procédé conformément aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. " ;
3. Considérant, en premier lieu, que le tribunal, contrairement à ce que soutient le ministre, n'a pas fondé l'annulation qu'il a prononcée de l'arrêté du préfet de la Drôme du 21 novembre 2011 sur l'irrégularité qu'aurait pu constituer l'édification de l'habitation de
M. B...sur une parcelle non constructible ou sur la seule circonstance que le secteur en cause aurait été classé en zone à risques d'incendies, mais sur le fait que l'extension de la ligne électrique ne profitait qu'à une seule propriété et ne présentait pas dès lors, en elle-même, un caractère d'utilité publique ; que le moyen du recours du ministre tiré de l'indépendance de la procédure de déclaration d'utilité publique au regard de celles instituées dans le cadre d'autres législations, comme celui tiré de ce que la zone naturelle du PLU de Saillans ne serait pas classée en zone " à risque d'incendie " sont, par suite, inopérants ;
4. Considérant, en second lieu, qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée ou à des intérêts généraux, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de l'enquête publique à laquelle il a été procédé, notamment de l'avis favorable que le commissaire enquêteur a émis le 3 octobre 2011 sur le projet ainsi que des termes mêmes employés dans l'arrêté litigieux du 21 novembre 2011, que la commune de Saillans a entendu limiter la déclaration d'utilité publique en cause à la seule opération de raccordement au réseau électrique de l'habitation d'une personne possédant un terrain dans cette commune par enfouissement d'une ligne entre le poste du Collet et la parcelle lui appartenant, dès lors qu'aucun accord amiable n'avait pu être conclu avec les propriétaires riverains du bien immobilier de ce dernier ; que le préfet de la Drôme a ainsi institué une servitude de passage d'une ligne électrique souterraine allant de la pointe Est de la propriété de Mme F...-E... et de Mme E...à la limite du fonds appartenant à ce particulier ; que l'aménagement projeté n'a pas eu pour effet d'alimenter en électricité une ensemble d'habitations sises sur la commune de Saillans en modernisant le réseau existant ou en le mettant à même de répondre en sécurité à une demande croissante d'énergie, ou de permettre à une ou plusieurs habitations régulièrement édifiées sur des terrains situés dans cette commune de bénéficier d'un raccordement au réseau auquel leur caractère d'édifices construits sur des parcelles enclavées aurait pu jusqu'à ce jour faire obstacle ; qu'il n'a eu uniquement pour effet que de rendre possible le raccordement audit réseau d'une propriété située dans un secteur isolé sur laquelle avait été aménagée plusieurs années auparavant une construction, desservie par un chemin vicinal et dont le caractère de parcelle enclavée n'a été à aucun moment allégué ; que dès lors cette opération, quand bien même le coût des travaux qu'elle exigeait pouvait être regardé comme demeurant toutes deux au lieudit l'Amandier à Saillans, l'arrêté du préfet de la Drôme du 21 novembre 2011 déclarant d'utilité publique les travaux d'électricité sur la commune de Saillans concernant le projet de raccordement électrique au réseau basse tension de la maison appartenant dans cette commune à M. Cellier, au niveau du poste " Le Collet ", et instituant les servitudes prévues au code de l'énergie conformément à un tracé y annexé et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser aux requérantes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;
6. Considérant que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble, a annulé pour ce motif l'arrêté du préfet de la Drôme du 21 novembre2011 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés ensemble par Mme F...-E... et par Mme E...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme F...-E... et par Mme E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à Mme A... F...-E... et à Mme D...E.toutes deux au lieudit l'Amandier à Saillans, l'arrêté du préfet de la Drôme du 21 novembre 2011 déclarant d'utilité publique les travaux d'électricité sur la commune de Saillans concernant le projet de raccordement électrique au réseau basse tension de la maison appartenant dans cette commune à M. Cellier, au niveau du poste " Le Collet ", et instituant les servitudes prévues au code de l'énergie conformément à un tracé y annexé et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser aux requérantes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Verley-Cheynel, présidente de chambre,
M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2015.
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N° 14LY03856