Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Service Interentreprises de Santé au Travail a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, la décision en date du 22 décembre 2008 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de MmeC..., d'autre part la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique par le ministre, née le 17 juin 2009, ensemble la décision expresse du ministre du travail en date du 18 juin 2009 confirmant la décision de refus de l'inspecteur du travail du 22 décembre 2008.
Par jugement n° 0903289 du 22 février 2011, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 avril 2011, l'association Service Interentreprises de Santé au Travail, représentée par MeG..., a demandé à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance.
L'association requérante soutenait, en premier lieu, que le harcèlement moral, du fait de MmeC..., subi par les trois secrétaires successives de ce médecin, est établi ; qu'en effet, les méthodes managériales mises en oeuvre par ce médecin se caractérisaient pour ses trois secrétaires médicales par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à leurs droits et à leur dignité, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel ; qu'ainsi la commission d'enquête a mis en évidence que Mme C... soumettait ses trois secrétaires à des pressions continuelles, des reproches incessants, des ordres et contre-ordres, cette attitude ayant entraîné pour les intéressées un état dépressif ; que le comportement de Mme C...était donc fautif et suffisamment grave pour justifier son licenciement ; que l'existence d'un harcèlement moral est retenue alors même qu'il n'y aurait pas une intention de nuire ; que Mme C...ne démontre pas que ses agissements étaient justifiés par des éléments objectifs relevant de l'exercice de ses pouvoirs ; qu'à cet égard, les six témoignages qu'elle a produits, émanant de personnes effectuant une visite médicale biennale, ne permettent pas d'attester de ses relations réelles avec ses secrétaires ; qu'en outre, ces attestations émanent pour certaines d'entre elles de personnes liées à Mme C...et n'ont pas été établies dans les conditions fixées par l'article 202 du code de procédure civile ; que, par un jugement du 18 juillet 2010, Mme C...a été condamnée par le conseil des prud'hommes à verser des dommages et intérêts à l'une de ses secrétaires ;
Elle soutenait, en second lieu, que, dans la mesure où la direction n'est pas autorisée à s'immiscer dans le contrôle du travail des médecins qu'elle emploie en raison de leur indépendance, seul l'exercice du droit d'alerte par la victime du harcèlement lui a permis de prendre connaissance des actes illicites ainsi commis par MmeC... ; que les agissements de Mme C...ont été révélés dans le cadre de la commission d'enquête qui s'est tenue en septembre 2008 ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est mentionné dans les décisions contestées, elle n'était pas informée de cette situation ; que Mme C... ne peut justifier son comportement en soutenant qu'il serait la conséquence du productivisme existant au sein du service de santé et auquel elle aurait été soumise ; qu'il n'existe aucune volonté de rentabilité de la part de la direction ; que les affirmations de Mme C... sont, sur ce point, contredites par les témoignages des autres médecins travaillant dans le service ; qu'au 31 décembre 2008, Mme C...a effectué un nombre de visites médicales nettement inférieur à celui de ses collègues ; que les droits de la défense ont été respectés dès lors que Mme C...a été régulièrement convoquée devant la commission d'enquête mais ne s'y est pas rendue et qu'il en est de même lors de la tenue de la commission de contrôle et de son entretien préalable ; qu'un salarié peut être reconnu coupable de harcèlement notamment comme c'est le cas en l'espèce lorsqu'il a autorité sur sa victime ; qu'il convient d'écarter des débats le rapport d'expertise établi par un infirmier à la demande de Mme C... le 10 décembre 2010 dès lors que ce rapport est empreint de partialité et est contredit, dans ses constats, par les nombreuses attestations qu'elle a versées au dossier ; qu'ainsi, les décisions contestées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2011, MmeC..., représentée par la SCP d'avocats Desarnauts, a conclu au rejet de la requête. Elle a fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Un mémoire a été enregistré au greffe de la Cour le 7 décembre 2011, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé qui a conclu au rejet de la requête au motif que les faits reprochés à Mme C...n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier la sanction du licenciement.
Un nouveau mémoire a été présenté le 5 janvier 2012 pour Mme C...tendant aux mêmes fins que son mémoire susvisé et par les mêmes motifs.
Un nouveau mémoire a été présenté le 20 juin 2012, pour l'association Service Interentreprises de Santé au Travail qui a conclu aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.
Une note en délibéré transmise par télécopie, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juillet 2012, a été présentée par MmeC....
Par un arrêt du 10 juillet 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de l'association Interentreprises de Santé au Travail.
Par décision n° 362663 en date du 10 décembre 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 11MA01556 et lui a renvoyé le jugement de l'affaire.
Un nouveau mémoire, enregistré le 27 février 2015, a été présenté pour Mme C...qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens.
Par ordonnance du 16 avril 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mai 2015.
Des mémoires ont été présentés le 1er juin 2015 pour l'association Service Interentreprises de Santé au Travail, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2 juin 2015 :
- le rapport de Mme Paix, président assesseur ;
- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que, par une décision du 22 décembre 2008, l'inspecteur du travail de la troisième section de l'Aude a refusé d'autoriser l'association Service Interentreprises de Santé au Travail à licencier pour faute MmeC..., médecin du travail employée par cette association; que, par une décision du 18 juin 2009, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a confirmé ce refus en rejetant le recours hiérarchique formé par l'association contre la décision de l'inspecteur ; que, par un arrêt du 10 juillet 2012, la Cour de céans a rejeté l'appel formé par cette dernière contre le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 février 2011 rejetant sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions ; que, par une décision du 10 décembre 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé le dossier pour qu'il y soit statué ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, et notamment de ses articles L. 4623-5, R. 4623-20 et R. 4623-21, les médecins du travail bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils suivent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces médecins est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions normalement exercées par ce dernier ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au médecin du travail sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale de la mission dont il est investi ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " ; qu'aux termes de l'article L. 1152-5 du même code : " Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire " ;
4. Considérant qu'il est reproché à Mme C...des faits de harcèlement à l'encontre de plusieurs de ses secrétaires ; qu'il résulte des pièces du dossier que trois secrétaires se sont succédées dans le service de Mme C...entre 2006 et 2008, Mme F...du 26 août 2003 au 30 octobre 2005, Mme A...d'octobre 2005 à juin 2007 puis ensuite Mme E...de juin 2007 à septembre 2008 ; que cette dernière a consigné sur un cahier les observations de Mme C...relatives aux conditions de travail et au stress que l'attitude du médecin induisait ; qu'il résulte de ces observations et des témoignages de ces trois secrétaires que Mme C...intervenait constamment dans le planning et l'organisation du cabinet, faisait refaire certains examens, interrompait sa secrétaire à de multiples reprises, et se montrait d'un caractère changeant et imprévisible ; qu'elle intervenait parfois en contradiction avec les initiatives prises par sa secrétaire, ce qui entraînait une souffrance réelle au travail ; que, toutefois, il appartient au seul médecin de déterminer l'organisation du planning des rendez-vous, comme il relève de sa seule responsabilité de faire procéder à des examens complémentaires ou de les faire réexécuter, attitude qui peut être dictée par un souci de compétence et de précision et ne peut être considérée comme un comportement fautif de sa part ; que, par ailleurs, les griefs d'irrespect de l'espace de travail et de non respect de la personnalité des secrétaires qui se sont succédé sont appuyés par les affirmations de celles-ci ; que, toutefois, MmeE..., qui n'a pas demandé à être mutée entre juin 2007 et septembre 2008, a dénoncé les faits dont elle s'estime victime de retour d'un congé de maladie pour appendicectomie, en octobre 2008 alors qu'elle n'avait plus de liens avec MmeC... ; que, s'agissant des deux autres secrétaires, Mme F...etA..., qui se sont succédé entre 2005 et 2007, les demandes de changement d'affectation qu'elles ont formulées n'ont pas été motivées officiellement par des difficultés relationnelles alors que, par ailleurs, il résulte d'une lettre du directeur de l'association du 2 septembre 2005 que des problèmes relationnels importants existaient entre MmeB..., qui assurait initialement le secrétariat de Mme C...et MmeF..., qui ont été à l'origine de conflits internes ; que la cour d'appel de Montpellier a d'ailleurs, dans son arrêt du 8 février 2012, considéré que les faits de harcèlement imputés à Mme C...n'étaient nullement établis ; que, dans ces conditions, il n'est établi ni que les griefs faits par l'association Service Interentreprises de Santé au Travail seraient, pris individuellement, constitutifs de harcèlement moral ni que l'attitude de MmeC..., prise globalement, justifiait la demande de licenciement formée à son encontre ; que, dans ces conditions, la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur pour faits de harcèlement moral a été à bon droit rejetée par l'inspecteur du travail puis le ministre du travail ;
5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'association Service Interentreprises de Santé au Travail n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Service Interentreprises de Santé au Travail est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Service Interentreprises de Santé au Travail, à Mme D...C...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N° 15MA00077 2
SM