Vu la requête enregistrée le 10 janvier 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 11 janvier 2012, présentée par Me Vendé, pour le département des Deux-Sèvres, régulièrement représenté par le président du conseil général ;
Le département des Deux-Sèvres demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1001932 du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 11 juin 2010 du président du conseil général des Deux-Sèvres prononçant la révocation de M. D...C...;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif ;
3°) d'ordonner, à titre subsidiaire, une mesure d'expertise aux fins de faire constater que l'un au moins des syndicats du conseil général disposant d'un local et d'une adresse électronique a reçu le courriel du 16 février 2010 émanant de l'adresse de M. C...;
4°) de condamner M. C...à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit ;
Vu le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2013 :
- le rapport de Mme Déborah De Paz, premier conseiller ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- les observations de Me Vendé, avocat du département des Deux-Sèvres ;
1. Considérant que, par un arrêté en date du 11 juin 2010, le président du conseil général des Deux-Sèvres a infligé à M.C..., attaché territorial, la sanction disciplinaire de révocation ; que, par jugement du 10 novembre 2011, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté au double motif qu'il était entaché d'un vice de procédure et que les faits reprochés à l'intéressé n'étaient pas de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que le département des Deux-Sèvres relève appel de ce jugement ;
Sur les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 6 du décret n°89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. /Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix " ;
3. Considérant que ces dispositions énoncent, s'agissant des irrégularités commises lors de la consultation d'un organisme, une règle qui s'inspire du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;
4. Considérant que M. C...soutient, sans être sérieusement contredit, avoir été convoqué le 7 mai 2010 à la réunion du 21 mai 2010 du conseil de discipline, soit moins de quinze jours avant la séance ; que si le délai de quinze jours prévu par le décret précité du 18 septembre 1989 a notamment pour objet de permettre au fonctionnaire de faire appel au défenseur de son choix et de citer des témoins devant le conseil de discipline, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été avisé, dès le 16 avril 2010, qu'une procédure disciplinaire était initiée à son encontre ; que, le 10 mai 2010, M. C...a consulté son dossier personnel qui comprenait notamment un exemplaire du rapport disciplinaire établi par le directeur général des services, mentionnant qu'au regard des manquements graves et persistants au devoir hiérarchique et à l'obligation de réserve, le président du conseil général proposait que soit infligée une sanction du quatrième groupe à savoir la révocation ; que, par ailleurs, M.C..., qui n'avait pas demandé le report de la séance, était présent avec son conseil et un représentant syndical à ladite séance du conseil de discipline et ne soutient pas que la méconnaissance du respect du délai de quinze jours susmentionné l'ait privé de la possibilité de faire valoir ses arguments de défense ou de citer des témoins ; qu'eu égard à ce qui précède et dans les circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le vice de la procédure consultative ait pu exercer une influence sur le sens de la décision prise par le président du conseil général des Deux-Sèvres ou que ce vice ait privé l'intéressé d'une garantie ; que dès lors c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur la circonstance que l'administration n'avait pas respecté le délai de quinze jours imposé par l'article 6 du décret du 18 septembre 1989 pour annuler l'arrêté attaqué ;
5. Considérant, en second lieu, que pour annuler l'arrêté du 11 juin 2010 portant sanction disciplinaire, le tribunal administratif de Poitiers s'est également fondé sur le fait que les manquements allégués au devoir hiérarchique et au devoir de réserve n'étaient pas établis par le contenu de trois courriers électroniques, datés des 2 et 4 novembre 2009 qui " ne révèlent pas des agissements dont la gravité serait incompatible avec les fonctions exercées par M.C... " et du 16 février 2010, dès lors qu' " il n'était pas établi qu'il en serait l'auteur " ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que par un courrier électronique daté du 16 février 2010 dont il est établi que M. C...est l'auteur, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, celui-ci a adressé à tous les syndicats du conseil général des Deux-Sèvres un précédent message électronique daté du 31 octobre 2009, qui était lui-même la retranscription d'un message rédigé sous un pseudonyme, par MmeA..., directrice des ressources humaines, découvert par M. C... sur un forum de discussions entre amateurs de voyages et relatant son souvenir personnel lors d'un voyage en Asie en 2001 ; qu'en particulier, en révélant ainsi des éléments appartenant à la vie privée de MmeA..., alors qu'elle venait d'être nommée dans les fonctions de directrice des ressources humaines du département, M. C...a manifestement eu l'intention de nuire à sa réputation et à sa crédibilité professionnelle, de manière répétée, en portant des accusations désobligeantes dépassant la liberté de ton pouvant être tolérée dans le cadre de relations normales de travail ; que la divulgation des éléments de la vie privée de la directrice des relations humaines, par courrier électronique daté du 16 février 2010, à toutes les organisations syndicales du conseil général est constitutive d'une nouvelle faute professionnelle, de nature à justifier une sanction disciplinaire, dès lors que cette faute n'avait pas été sanctionnée par le blâme reçu par M. C...le 9 avril 2010 pour des faits différents ; que, dans ces conditions, le département des Deux-Sèvres est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a également retenu ce motif pour annuler la décision contestée ;
6. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Poitiers et devant la cour ;
Sur les autres moyens soulevés par M.C... devant le tribunal administratif et devant la cour :
En ce qui concerne la légalité externe :
7. Considérant que M. C...conteste, en premier lieu, la compétence de M.B..., directeur général des services du conseil général des Deux-Sèvres, pour rédiger le rapport de saisine du conseil de discipline ;
8. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 9 du décret du 18 septembre 1989 précité : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte à la connaissance des membres du conseil, en début de séance, les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses conseils ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexés. Le rapport établi par l'autorité territoriale et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance (...) " ; qu'aux termes des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil général est le chef des services du département. Il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, donner délégation de signature en toute matière aux responsables desdits services " ;
9. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. B...bénéficiait, antérieurement à la rédaction du rapport disciplinaire, d'une délégation de signature en matière disciplinaire, consentie par un arrêté du président du conseil général des Deux-Sèvres en date du 9 décembre 2009 modifié par un arrêté du 1er avril 2010 ; que ni les dispositions précitées de l'article L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales, ni aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisait au président du conseil général de déléguer sa signature en matière disciplinaire ;
10. Considérant d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 3131-1 du même code : " Les actes pris par les autorités départementales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'État dans le département. (...) La preuve de la réception des actes par le représentant de l'État dans le département peut être apportée par tout moyen. L'accusé de réception, qui est immédiatement délivré, peut être utilisé à cet effet mais n'est pas une condition du caractère exécutoire des actes " ;
11. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la réalité de l'affichage des arrêtés de délégation litigieux des 9 décembre 2009 et 1er avril 2010 est établie par deux constats d'huissier en date des 11 décembre 2009 et 2 avril 2010 ; que ces arrêtés ont été respectivement publiés au recueil des actes administratifs du département des Deux-Sèvres n°12 de décembre 2009 et n°3 de mars 2010 ; qu'en outre, le cachet de la préfecture des Deux-Sèvres, présent sur chacun de ces arrêtés, établit leur transmission au représentant de l'État dans le département le 9 décembre 2009 pour le premier et le 2 avril 2010 pour le second ; qu'il s'ensuit que la délégation de signature, qui n'était pas imprécise, accordée à M.B..., directeur général des services du département des Deux-Sèvres, était bien exécutoire ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur du rapport de saisine du conseil de discipline doit, dès lors, être écarté ;
12. Considérant que les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas applicables devant le conseil de discipline, institué par le décret du 18 septembre 1989 susvisé, qui ne présente ni le caractère d'une juridiction ni celui d'un tribunal au sens desdites stipulations ;
13. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 9 du décret susvisé du 18 septembre 1989 : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte à la connaissance des membres du conseil, en début de séance, les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses conseils ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexés. Le rapport établi par l'autorité territoriale et les observations et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance (...) " ; que le procès-verbal de séance mentionne que le rapport disciplinaire a été lu par le président en séance ; qu'en l'absence de tout autre élément, la circonstance alléguée par M. C...selon laquelle les membres du conseil de discipline n'auraient pas pris connaissance du rapport disciplinaire dans son intégralité, y compris ses annexes, ne saurait être regardée comme établie ;
14. Considérant en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence de MmeA..., directrice des ressources humaines, au cours des débats des témoins cités par l'administration ait été de nature à influencer les membres du conseil de discipline ; qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., qui n'était pas un membre du conseil de discipline, n'a pas assisté au délibéré et n'a pas pris part au vote ; que si M. C...soutient que le conseil de discipline n'a pas siégé en toute impartialité dès lors qu'antérieurement à sa séance, un des témoins de l'administration avait exposé sa position sur l'affaire dans un courrier électronique adressé à certains des membres du conseil de discipline, cette circonstance n'était pas davantage à elle seule de nature à influencer les personnes en cause ; que la circonstance, à la supposer établie, qu'un membre du conseil, représentante du personnel, ait omis de saluer M. C... en le croisant dans une cage d'escalier ne suffit pas à établir que ce membre du conseil de discipline aurait manifesté à l'encontre de M. C...une animosité personnelle notoire et aurait fait preuve d'une partialité de nature à vicier l'avis émis par ledit conseil ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du conseil de discipline doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
15. Considérant en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 89 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation (...) " ;
16. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., qui avait déjà reçu un blâme le 19 décembre 2002 pour avoir refusé de se conformer à l'ordre de réintégrer son bureau, une sanction d'exclusion temporaire de fonction pour une durée de six mois par arrêté du 6 avril 2004 à la suite de la diffusion de tracts contenant des termes outranciers et comprenant des menaces de désobéissance en décembre 2003 et un blâme le 9 avril 2010 pour avoir envoyé les 2 et 4 novembre 2009 à la directrice des relations humaines du département des Deux-Sèvres des messages électroniques mettant en cause l'institution départementale en arguant d'éléments relatifs à l'ambiance de travail au sein du département, à la personne du directeur général des services et en spéculant sur l'adoption du budget primitif 2010, a manqué de façon répétée à ses obligations de réserve et d'obéissance hiérarchique ; qu'ainsi, compte-tenu de l'ensemble du comportement de M. C...au cours des années antérieures, qui entretient une relation conflictuelle avec sa hiérarchie, et qui malgré les précédentes sanctions disciplinaires n'a pas modifié son comportement, de son attitude professionnelle et ainsi qu'il a été dit, de l'envoi le 16 février 2010 du courrier électronique du 30 octobre 2009 à l'ensemble des délégués du personnel, lequel constitue une nouvelle faute, la sanction de révocation prise à son encontre n'est pas, compte tenu du grade détenu par M. C...et du comportement attendu d'un agent de catégorie A, manifestement disproportionnée ;
17. Considérant en second lieu, que M. C...n'établit pas le harcèlement moral dont il serait l'objet de la part de sa hiérarchie ; que le détournement de pouvoir ainsi invoqué ne peut qu'être écarté ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que le département des Deux-Sèvres est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 11 juin 2010 procédant à la révocation de M.C... ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de chacune des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 10 novembre 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. C...et du département des Deux-Sèvres tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
''
''
''
''
2
No 12BX00055