Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Idverde a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 29 décembre 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Hauts-de-France lui a infligé, en application de l'article L. 8115-1 du code du travail, une amende administrative d'un montant total de 4 800 euros pour non-respect de ses obligations en matière d'hygiène, et, d'autre part, d'annuler le titre de perception n° 080000 036 056 059 250521 2021 0001575 du 20 mai 2021 et de la décharger de la somme de 4 800 euros, d'annuler la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire contre ce titre de perception, ou, à tout le moins, de la décharger partiellement de la somme mise à sa charge par le titre de perception contesté.
Par un jugement n° 2101605, 2202472 du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 8 novembre 2023 sous le n° 23DA02098, et un mémoire enregistré le 29 octobre 2024, la société Idverde, représentée par Me Simonin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 29 décembre 2020 lui infligeant une amende administrative d'un montant total de 4 800 euros ;
3°) d'annuler le titre de perception du 20 mai 2021 et la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire contre ce titre de perception ;
4°) à titre principal, de la décharger de la somme de 4 800 euros ou, à titre subsidiaire, de la décharger partiellement de la somme mise à sa charge par le titre de perception contesté ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 29 décembre 2020 est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors que : cette décision a été notifiée à son siège social, à Levallois-Perret, en l'absence de toute procédure contradictoire ; celle-ci a été conduite à l'égard de son agence située à Wambrechies qui ne peut être regardée comme l'employeur au sens des dispositions des articles L. 8115-1 et suivants du code du travail ; la circonstance que le directeur de l'agence de Wambrechies bénéficie d'une délégation de pouvoir n'a pas pour effet de régulariser la procédure contradictoire, alors que l'intéressé n'est pas un représentant légal de la société ;
- la procédure contradictoire conduite à l'égard de l'agence de Wambrechies est irrégulière dès lors que : elle n'a pas été mise en mesure de présenter des observations avant l'établissement du rapport de l'inspecteur du travail, qui lui fait grief, et l'engagement de la procédure conduisant à l'édiction d'une sanction ; elle n'a pas eu connaissance de ce rapport ; elle a été consultée par un courrier du 29 janvier 2019 lui laissant un délai insuffisant pour présenter des observations avant l'établissement du rapport le 8 février suivant ; le rapport de l'inspecteur du travail lui a été transmis le 17 juillet 2019 de façon incomplète ; l'autorité administrative n'a pas informé le procureur de la République des suites données au rapport ; elle n'a pas été avertie de l'information ainsi transmise au procureur ; l'autorité administrative ne justifie pas avoir informé le comité social et économique de la décision prononçant une amende ; elle n'a pas été avertie de l'information auprès de ce comité ; l'administration n'a pas tenu compte de ses observations ;
- la décision du 29 décembre 2020 n'est pas motivée ;
- aucune amende ne pouvait être prononcée à son encontre dès lors qu'elle n'est pas une entreprise relevant du bâtiment, des travaux publics ou du génie civil, que les travaux litigieux sont des travaux forestiers au sens de l'article L. 722-3 du code rural et de la pêche maritime et non des travaux de bâtiment ou des travaux publics et que les articles R. 4534-137 et R. 4534-141 à R. 4534-145 du code du travail, qu'il lui est reproché d'avoir méconnus, ne lui sont donc pas applicables ;
- la décision du 29 décembre 2020 est illégale dès lors que la personne à l'origine du manquement n'a pas été identifiée comme l'un de ses représentants et que les conditions d'engagement de sa responsabilité pénale ne sont donc pas réunies ;
- cette décision est fondée sur des faits matériellement inexacts ;
- seuls les articles R. 717-92 et suivants du code rural et de la pêche maritime trouvent à s'appliquer pour définir les conditions de travail des salariés et les obligations qui en découlent pour l'employeur ;
- la décision du 29 décembre 2020 est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- le titre de perception du 20 mai 2021, qui ne mentionne aucune délégation à son auteur, a été pris par une autorité incompétente et ne comporte aucune signature ;
- la circonstance que l'état récapitulatif des créances mises en recouvrement comporte cette signature n'est pas de nature à régulariser le vice de forme entachant le titre de perception, dès lors que celui-ci n'était pas accompagné de l'état récapitulatif ;
- l'annulation du titre de perception a pour conséquence l'annulation de la décision rejetant son recours gracieux et la décharge de la somme réclamée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2024, la ministre du travail et de l'emploi conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 novembre 2024.
II. Par une requête enregistrée le 8 novembre 2023 sous le n° 23DA02099, et un mémoire enregistré le 29 octobre 2024, la société Idverde, représentée par Me Simonin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 29 décembre 2020 lui infligeant une amende administrative d'un montant total de 4 800 euros ;
3°) d'annuler le titre de perception du 20 mai 2021 et la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire contre ce titre de perception ;
4°) à titre principal, de la décharger de la somme de 4 800 euros ou, à titre subsidiaire, de la décharger partiellement de la somme mise à sa charge par le titre de perception contesté ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient les mêmes moyens que ceux qui sont soulevés dans la requête précitée, enregistrée sous le n° 23DA02098.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2024, la ministre du travail et de l'emploi conclut au rejet de la requête.
Par une ordonnance du 14 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 novembre 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code pénal ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code du travail ;
- le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;
- l'arrêté du 21 décembre 2018 fixant l'assignation des dépenses et des recettes des ordonnateurs secondaires des services civils de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Simonin, représentant la société Idverde.
Considérant ce qui suit :
1. La société Idverde, qui a pour activité la réalisation de travaux d'aménagement paysager, a fait l'objet d'un contrôle par l'inspection du travail, le 17 janvier 2019, sur un chantier de travaux paysagers situé quai des canotiers, sur le territoire de la commune de Wasquehal (Nord). Au cours de ce contrôle, l'inspecteur du travail a constaté des manquements de l'employeur aux dispositions du code du travail relatives aux conditions d'hygiène et de sécurité des salariés. Par une décision du 29 décembre 2020, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a prononcé à l'encontre de la société Idverde une amende administrative d'un montant total de 4 800 euros. Le 20 mai 2021, un titre de perception a été émis à l'encontre de la société en vue du recouvrement de l'amende administrative. La société a formé un recours administratif préalable obligatoire, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. La société Idverde a saisi le tribunal administratif de Lille de deux demandes tendant à l'annulation de la décision du 29 décembre 2020, du titre de perception du 20 mai 2021 et de la décision rejetant son recours administratif préalable, et à la décharge de la somme réclamée pour un montant de 4 800 euros. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, elle relève appel du jugement du 27 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif a rejeté ses deux demandes.
Sur la légalité de la décision du 29 décembre 2020 :
2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 8115-5 du code du travail : " (...) l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende (...) ". Il résulte de l'instruction que la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France du 29 décembre 2020 prononçant l'amende contestée vise les dispositions applicables du code du travail, énonce les circonstances du contrôle effectué par l'inspecteur du travail, constate que les manquements relevés par ce dernier aux dispositions des articles R. 4534-141 à R. 4534-144 du code du travail sont établis et précise les circonstances prises en compte pour déterminer le montant de l'amende prononcée. Par suite, la décision contestée comporte une motivation satisfaisant à l'obligation découlant de l'article L. 8115-5 du code du travail.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 8115-2 du code du travail : " L'autorité administrative compétente informe par tout moyen le procureur de la République des suites données au rapport de l'agent de contrôle ". Aux termes de l'article L. 8115-5 du code du travail : " Avant toute décision, l'autorité administrative informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l'invitant à présenter, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, ses observations. / A l'issue de ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende et émettre le titre de perception correspondant. / Elle informe de cette décision le comité social et économique. / (...) ". Aux termes de l'article R. 8115-1 du même code : " Lorsqu'un agent de contrôle de l'inspection du travail constate l'un des manquements aux obligations mentionnées à la section 2 du présent chapitre, il transmet au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi un rapport sur le fondement duquel ce dernier peut décider de prononcer une amende administrative ". Aux termes de l'article R. 8115-2 de ce code : " Lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative, il indique à l'intéressé par l'intermédiaire du représentant de l'employeur mentionné au II de l'article L. 1262-2-1 ou, à défaut, directement à l'employeur, le montant de l'amende envisagée et l'invite à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / A l'expiration du délai fixé et au vu des observations éventuelles de l'intéressé, il notifie sa décision et émet le titre de perception correspondant ".
4. D'une part, par un courrier du 3 juillet 2019 adressé à l'agence de la société Idverde à Wambrechies, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a informé la société requérante des manquements constatés lors du contrôle effectué le 17 janvier 2019, du projet de prononcer plusieurs amendes à son encontre, du montant maximal de ces amendes et l'a invitée à présenter ses observations écrites ou à solliciter un rendez-vous en vue d'observations orales dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce courrier. Il résulte de l'instruction que la procédure contradictoire a ensuite été conduite avec le directeur de l'agence de la société, implantée à Wambrechies, et dont dépendait le chantier de travaux paysagers contrôlé par l'inspecteur du travail le 17 janvier 2019. Il ne ressort pas des pièces versées à l'instance et il n'est pas allégué que la société Idverde aurait désigné l'un de ses agents chargés de la représenter sur le territoire national auprès de l'administration du travail, dans les conditions prévues par le II de l'article L. 1262-2-1 du code du travail. Si la société requérante, qui indique avoir reçu notification de la décision du 29 décembre 2020 à son siège social, situé à Levallois-Perret, soutient que la procédure contradictoire ne pouvait être conduite qu'avec son président, chargé de la représenter à l'égard des tiers en application de l'article L. 227-6 du code de commerce, elle ne conteste pas, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que le directeur de son établissement secondaire situé à Wambrechies disposait d'une délégation de pouvoirs, consentie par le président de la société, lui permettant de la représenter. Au demeurant, le directeur de l'agence de Wambrechies n'a soulevé aucune difficulté, dans ses observations du 29 juillet 2019, sur sa capacité à représenter la société Idverde dans le cadre de la procédure contradictoire. Dans ces conditions, en adressant le courrier précité du 3 juillet 2019 à l'agence de la société Idverde à Wambrechies, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France doit être regardée comme ayant transmis les informations requises par les dispositions de l'article R. 8115-2 du code du travail à " l'employeur " au sens de ces dispositions.
5. D'autre part, par le courrier précité du 3 juillet 2019, la société requérante a été informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, intervenue le 20 décembre 2020, des griefs formulés à son encontre et de la sanction encourue, et ainsi mise à même d'avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus et de faire valoir ses observations sur les résultats du contrôle. Il résulte d'ailleurs de l'instruction que le rapport établi par l'inspecteur du travail le 8 février 2019 lui a été transmis le 17 juillet 2019 à sa demande. A cet égard, et contrairement à ce qu'elle soutient, aucune disposition du code du travail n'imposait à l'administration d'organiser une procédure contradictoire avant l'établissement du rapport et de communiquer à la personne mise en cause les éléments et informations pris en compte par l'inspecteur du travail pour la rédaction de ce document. Au demeurant, la société Idverde a été informée par un courrier de l'inspecteur du travail du 29 janvier 2019 des résultats du contrôle effectué le 17 janvier précédent. Si le rapport a été transmis le 17 juillet 2019 avec les seules photographies portées en annexe n° 1, à l'exclusion des annexes n° 2 à 4, il résulte de l'instruction que celles-ci concernent le compte rendu de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société du 19 octobre 2018, le courrier de l'inspecteur du travail du 29 janvier 2019 précédemment adressé à la société et son extrait K bis, soit des documents qu'elle avait nécessairement en sa possession, de sorte qu'elle n'a aucunement été privée d'un accès aux pièces utiles lui permettant de contester les résultats du contrôle et le projet de sanction envisagé par l'administration. Il ressort suffisamment des éléments apportés en défense que l'administration a informé le procureur de la République, le 20 février 2019, des suites données au rapport de l'inspecteur du travail, dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article L. 8115-2 du code du travail. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'information du comité social et économique, requise par l'article L. 8115-5 du code du travail, ne peut intervenir qu'après l'édiction de la sanction, de sorte qu'un manquement de l'administration à son obligation d'information est sans influence sur la légalité de cette sanction. Contrairement à ce que soutient la société Idverde, aucune disposition ne prévoit que la personne mise en cause devrait être avisée des mesures d'information prises à l'égard du procureur de la République et du comité social et économique.
6. Dès lors, la société Idverde, qui a présenté ses observations sur la sanction envisagée à son encontre par un courrier du 29 juillet 2019 et lors d'une réunion du 9 octobre 2019, n'est pas fondée à soutenir que la décision du 29 décembre 2020 a été rendue au terme d'une procédure irrégulière.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : / (...) / 5° Aux dispositions prises pour l'application des obligations de l'employeur relatives aux installations sanitaires, à la restauration et à l'hébergement prévues au chapitre VIII du titre II du livre II de la quatrième partie, ainsi qu'aux mesures relatives aux prescriptions techniques de protection durant l'exécution des travaux de bâtiment et génie civil prévues au chapitre IV du titre III du livre V de la même partie pour ce qui concerne l'hygiène et l'hébergement ". Aux termes de l'article R. 4534-1 du même code : " Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux employeurs du bâtiment et des travaux publics, dont les travailleurs accomplissent, même à titre occasionnel, des travaux de terrassement, de construction, d'installation, de démolition, d'entretien, de réfection, de nettoyage, toutes opérations annexes et tous autres travaux prévus par le présent chapitre, portant sur des immeubles par nature ou par destination. / Elles s'appliquent également aux autres employeurs dont les travailleurs accomplissent les mêmes travaux ". Aux termes de l'article 518 du code civil : " Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature ". Aux termes de l'article 521 du même code : " Les coupes ordinaires des bois taillis ou de futaies mises en coupes réglées ne deviennent meubles qu'au fur et à mesure que les arbres sont abattus ".
8. La société Idverde, qui a pour activité, selon son extrait K bis, des " travaux d'aménagement, terres et eaux, voiries, parcs et jardins ", soutient qu'elle n'est pas un employeur du bâtiment et des travaux publics, de sorte qu'aucun manquement ne peut lui être reproché au regard des articles R. 4534-137, R. 4534-141, R. 4534-142, R. 4534-143 et R. 4534-145 du code du travail qui ne s'appliquent pas à sa situation. Toutefois, il résulte de l'instruction que le chantier contrôlé le 17 janvier 2019 avait pour objet l'élagage d'arbres situés en bordure d'un canal et en surplomb d'un chemin de halage, pour le compte de la métropole européenne de Lille. La société Idverde doit ainsi être regardée comme un employeur, autre que les employeurs du bâtiment et des travaux publics, dont les salariés accomplissent des travaux d'entretien et de nettoyage portant sur des immeubles par nature, au sens des dispositions précitées de l'article R. 4534-1 du code du travail. A cet égard, elle ne saurait utilement se prévaloir des articles L. 722-3 et R. 717-92 du code rural et de la pêche maritime pour échapper aux obligations qui lui incombent en application des dispositions du code du travail visées au 5° de l'article L. 8115-1 de ce même code.
9. En quatrième lieu, la décision du 29 décembre 2020 a pour objet d'infliger une amende administrative à la société Idverde en application des dispositions de l'article L. 8115-1 du code du travail, citées au point 7, qui subordonnent d'ailleurs cette amende à l'absence de poursuites pénales, et non de la sanctionner pénalement. Par suite, la société requérante ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article 121-2 du code pénal en application desquelles la responsabilité pénale d'une personne morale suppose l'existence d'une infraction commise par l'un de ses organes ou représentants agissant en son nom.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 4534-141 du code du travail : " Les employeurs mettent à la disposition des travailleurs une quantité d'eau potable suffisante pour assurer leur propreté individuelle. Lorsqu'il est impossible de mettre en place l'eau courante, un réservoir d'eau potable d'une capacité suffisante est raccordé aux lavabos afin de permettre leur alimentation. / Dans les chantiers mentionnés à l'article R. 4534-137 de ce code, sont installés des lavabos ou des rampes, si possible à température réglable, à raison d'un orifice pour dix travailleurs. / Des moyens de nettoyage et de séchage ou d'essuyage appropriés, entretenus et changés chaque fois que nécessaire, sont mis à disposition des travailleurs ". Aux termes de l'article R. 4534-142 du même code : " Lorsque des travailleurs prennent leur repas sur le chantier, un local réfectoire est mis à leur disposition. / Ce local répond aux exigences suivantes : / 1° Il est pourvu de tables et de chaises en nombre suffisant ; / 2° Il dispose d'au moins un appareil permettant d'assurer le réchauffage ou la cuisson des aliments et d'un garde-manger destiné à protéger les aliments d'une capacité suffisante et, si possible, d'un réfrigérateur ; /3° Il est tenu en parfait état de propreté ". Aux termes de l'article R. 4534-143 de ce code : " L'employeur met à la disposition des travailleurs de l'eau potable et fraîche pour la boisson, à raison de trois litres au moins par jour et par travailleur (...) ". Aux termes de l'article R. 4534-144 du code du travail : " Sur les chantiers, des cabinets d'aisance conformes aux dispositions des articles R. 4228-11 à R. 4228-15 sont mis à la disposition des travailleurs ". Enfin, aux termes de l'article R. 4534-145 du même code : " Lorsque la disposition des lieux ne permet pas de mettre en place les véhicules de chantier, le local réfectoire et les cabinets d'aisance, prévus aux articles R. 4534-140, R. 4534-142 et R. 4534-144, l'employeur recherche à proximité du chantier un local ou un emplacement offrant des conditions au moins équivalentes ".
11. Il résulte de l'instruction que, lors du contrôle du chantier de la société Idverde le 17 janvier 2019, l'inspecteur du travail a constaté que les trois salariés affectés sur ce chantier ne disposaient pas d'eau potable et fraiche, de moyens permettant d'assurer leur propreté individuelle, d'un local de restauration et de cabinets d'aisance.
12. Si la société Idverde soutient qu'une cuve permettait un accès à l'eau pour les salariés affectés sur le chantier, ils ne disposaient d'aucun produit de nettoyage et moyen de séchage ou d'essuyage, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 4534-141 du code du travail. Le versement aux salariés d'une indemnité de petit déplacement n'exonère par l'employeur de son obligation de mettre à disposition un local réfectoire dans les conditions prévues par l'article R. 4534-142 du même code. Il n'est pas contesté qu'aucun cabinet d'aisance n'avait été installé sur le chantier. A cet égard, la société Idverde ne saurait se prévaloir de la circonstance que des sanitaires étaient disponibles dans les locaux de l'entreprise, situés à dix kilomètres de ce chantier. Par ailleurs, si la société requérante fait état des conditions climatiques et de la configuration des lieux sur le chantier qui auraient fait obstacle à l'installation de sanitaires mobiles, les éléments qu'elle produit sur ce point ne démontrent pas l'impossibilité d'utiliser des véhicules de chantier spécialement aménagés pour permettre aux travailleurs d'assurer leur propreté individuelle et de disposer de cabinets d'aisance pendant leur travail. Au demeurant, la société, qui se borne à produire la copie d'un document remis aux salariés mentionnant une liste des toilettes publiques, n'établit pas avoir recherché à proximité du chantier un local ou un emplacement permettant l'accès à un tel cabinet d'aisance, notamment dans une zone commerciale proche du lieu des travaux. La mise à disposition d'une cuve ou d'un bidon d'eau, non étiqueté, sur le chantier et la production de factures relatives à l'achat de bouteilles d'eau entre mai 2018 et août 2018 puis de mars à octobre 2019 ne permettent pas d'établir que ses salariés disposaient chacun de manière effective d'au moins trois litres d'eau potable sur le lieu du chantier dans les conditions prévues par l'article R. 4534-143 du code du travail. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée est fondée sur des faits matériellement inexacts doit être écarté.
13. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 8115-3 du code du travail : " Le montant maximal de l'amende est de 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement (...) ". Aux termes de l'article L. 8115-4 du même code : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ".
14. Il résulte de l'instruction que l'inspecteur du travail avait attiré l'attention de la société Idverde sur la nécessité de respecter les dispositions du code du travail citées au point 10, notamment celles se rapportant à la mise à disposition d'installations sanitaires, au cours de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 19 octobre 2018. Dans ces conditions, alors que la société requérante n'apporte aux débats aucun élément se rapportant à ses ressources et à ses charges, et eu égard aux manquements relevés lors du contrôle du chantier le 17 janvier 2019, qui compromettent les conditions d'hygiène et de sécurité des travailleurs, et à la circonstance que l'amende encourue était de 4 000 euros pour chacun des trois salariés concernés par chaque manquement, les faits reprochés sont d'une gravité suffisante pour justifier qu'une sanction de 400 euros par salarié et par manquement constaté soit infligée à la société requérante. Dans ces conditions, l'amende infligée à la société Idverde pour un montant total de 4 800 euros n'est pas disproportionnée.
15. Il résulte de ce qui précède que la société Idverde n'est pas fondée à soutenir que la décision du 29 décembre 2020 est illégale et doit être annulée.
Sur la légalité du titre de perception du 20 mai 2021 :
16. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que la société Idverde n'est pas fondée à soutenir que la décision du 29 décembre 2020 est entachée d'illégalité, de sorte qu'elle n'est pas plus fondée à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation et à la décharge du titre exécutoire contesté.
17. En revanche, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Le V de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificatives pour 2010 prévoit que pour l'application de cette disposition " aux titres de perception délivrés par l'Etat en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'Etat ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers, la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de perception individuel délivré par l'Etat doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de cet auteur. Ces dispositions n'imposent pas de faire figurer sur cet état les nom, prénom et qualité du signataire. Les nom, prénom et qualité de la personne ayant signé l'état revêtu de la formule exécutoire doivent, en revanche, être mentionnés sur le titre de perception, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.
18. Il résulte de l'instruction que le titre de perception émis le 20 mai 2021, qui comporte les nom, prénom et qualité de son auteure, est dépourvu de signature. Si l'administration a produit en première instance l'état récapitulatif des créances, émis le même jour et revêtu de la formule exécutoire, ce document comporte la signature d'une autre personne que celle dont les nom, prénom et qualité sont portés dans le titre de perception. Par suite, la société Idverde est fondée à soutenir que le titre de perception est entaché d'un vice de forme.
19. Il résulte de ce qui précède que la société Idverde est fondée à demander l'annulation du titre de perception.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Idverde est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation du titre de perception du 20 mai 2021 et, par voie de conséquence, de la décision rejetant son recours administratif.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme dont la société Idverde demande le versement sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2101605, 2202472 du 27 septembre 2023 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation du titre de perception du 20 mai 2021 et de la décision rejetant le recours contre ce titre. Le titre de perception du 20 mai 2021 et la décision rejetant le recours administratif sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Idverde et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré après l'audience publique du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 janvier 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière
C. Huls-Carlier
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N° 23DA02098, 23DA02099