Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier de Bourges à lui verser la somme totale de 23 743 euros en réparation des préjudices consécutifs à sa prise en charge au sein de cet établissement.
Par un jugement n° 1802976 du 1er juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Boitard, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°)°d'annuler la décision implicite de rejet prise le 12 juin 2018 par le centre hospitalier de Bourges en ce qui concerne l'absence d'indemnisation ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Bourges à lui verser, en réparation de ses préjudices, la somme de 23 743 euros, hors créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or ;
4°) de statuer sur les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bourges les dépens de l'instance, ainsi que la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 716-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'information que lui a apportée le docteur D... était lacunaire et pratiquement inexistante, si bien qu'elle ne peut être considérée comme ayant consenti à l'intervention chirurgicale pratiquée ;
- outre le défaut d'information, le docteur D... a commis une seconde faute engageant la responsabilité du centre hospitalier de Bourges en ne prescrivant pas de soins infirmiers post-opératoires pour son retour à domicile ;
- son préjudice patrimonial temporaire, consistant en l'existence de frais de transport supplémentaires, doit être évalué à la somme de 2 940 euros ; ses préjudices patrimoniaux permanents consistent en des dépenses de santé futures s'élevant à 5 000 euros et au recours à une assistance tierce personne deux heures par semaine pendant 50 jours pour 728 euros ; son déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et son préjudice esthétique temporaire doivent être indemnisés à hauteur respectivement de 1 075 euros, 4 000 euros et 3 000 euros ; elle réclame 1 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, 4 000 euros au titre de son préjudice esthétique permanent et 2 000 euros au titre de son préjudice sexuel.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2021, le centre hospitalier de Bourges, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il n'a pas commis de manquement à son devoir d'information ; en tout état de cause, à supposer qu'un tel manquement soit établi, il n'a pas privé Mme B... d'une chance de se soustraire à l'intervention chirurgicale de réduction mammaire ;
- il n'a pas commis de faute en ce qui concerne le suivi post-opératoire de Mme B....
Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or, représentée par Me Legrandgerard, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Bourges à lui rembourser le montant des débours qu'elle a exposés au profit de son assurée, Mme B..., soit la somme définitive de 19 842,88 euros, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant revalorisé de 1 114 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bourges la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 716-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le manquement du centre hospitalier de Bourges à son obligation d'information doit engager sa responsabilité ;
- un suivi post-opératoire était nécessaire et son absence a contribué à l'état actuel de Mme B....
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance en date du 24 janvier 2019 par laquelle le président du tribunal administratif d'Orléans a ordonné une expertise et désigné le docteur E..., chirurgien spécialisé en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, en qualité d'expert, et le docteur A..., en qualité de sapiteur infectiologue ;
- le rapport déposé le 27 septembre 2019 ;
- l'ordonnance en date du 2 décembre 2019 par laquelle le président du tribunal administratif d'Orléans a taxé les frais d'expertise du Dr E....
Par ordonnance du président de la chambre du 8 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2023 à 12 heures, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham,
- et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., née le 14 mai 2000, a subi, le 26 juin 2017, une intervention de réduction mammaire bilatérale au centre hospitalier de Bourges. Le 12 juillet 2017, elle a été revue en consultation post-opératoire, où il a été constaté un écoulement par la cicatrice du sein gauche, jugé bénin par le médecin. Le 16 juillet 2017, elle a été amenée aux urgences de l'hôpital de Nevers par ses parents. Après avoir constaté qu'elle présentait une cytostéatonécrose et une désunion de la cicatrice du sein droit, elle a été hospitalisée du 21 juillet au 1er août 2017 au centre hospitalier de Bourges. Les parents de Mme B... ont saisi le centre hospitaliser de Bourges d'une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices subis par leur fille en raison des fautes commises par cet établissement. Après avoir organisé une expertise médicale amiable, le centre hospitalier, estimant que sa responsabilité n'était pas engagée, a rejeté cette réclamation par courrier en date du 12 juin 2018. A la demande de Mme B..., la présidente du tribunal administratif d'Orléans a ordonné le 24 janvier 2019 une expertise et a désigné le docteur E..., chirurgien spécialisé en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, en qualité d'expert. Le docteur E... et son sapiteur, le docteur A..., ont déposé leur rapport d'expertise le 27 septembre 2019. Par le jugement n° 1802976 du 1er juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de Mme B... tendant à la condamnation du centre hospitalier de Bourges à lui verser la somme totale de 23 743 euros en réparation des préjudices consécutifs à sa prise en charge au sein de cet établissement. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Bourges :
En ce qui concerne le défaut d'information :
2. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. ". Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.
3. En l'espèce, il est constant que ni Mme B..., ni ses parents, n'ont signé de document les informant des risques inhérents à la réduction mammaire et consentant à ces risques. S'il ressort d'un courrier du chirurgien adressé à son confrère, rédigé à l'issue la première consultation de Mme B... le 8 février 2017, que la question des risques inhérents à une telle opération aurait été abordée au cours de cette consultation, il n'est pas établi que cette information aurait été complète et de nature à permettre de recueillir le consentement éclairé de l'intéressée. En l'absence d'urgence, d'impossibilité ou de refus de Mme B... d'être informée, un tel défaut d'information constitue une faute.
4. Toutefois, il résulte de l'instruction que Mme B... présentait une hypertrophie mammaire invalidante, entraînant des douleurs cervico-dorsales et un complexe au quotidien et dans sa vie intime. Il ressort du courrier du 8 février 2017 précité que le chirurgien a indiqué à Mme B... que l'intervention prévue présentait des risques, notamment d'infection, de désunion de cicatrice et d'hypersensibilité mammelonnaire et qu'il lui a montré des photos de cicatrices mais que celle-ci, après cet exposé, restait " très motivée " par l'intervention prévue. En outre, la requérante a été reçue à deux reprises, les 8 février et 19 juin 2017, par son chirurgien et a ainsi bénéficié d'un délai de réflexion important. Sachant que le risque d'une telle complication dans une cohorte moyenne de patientes opérées d'une réduction mammaire est de 2 à 5 %, il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu de son état de santé, Mme B... aurait renoncé à l'opération, et qu'elle aurait ainsi perdu une chance de s'y soustraire. Sa demande indemnitaire présentée au titre du défaut d'information doit donc être rejetée.
En ce qui concerne la prise en charge médicale :
5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé (...) tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
6. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que l'intervention chirurgicale a été réalisée conformément aux règles de l'art et que l'infection subie par Mme B... ne résulte pas d'une maladie nosocomiale mais d'une simple contamination de plaie ouverte, la désunion de cicatrice étant une complication classique dans ce type de chirurgie. Le centre hospitalier de Bourges n'a donc commis aucune faute dans la conduite de cette intervention.
7. D'autre part, si Mme B... soutient que le centre hospitalier de Bourges a commis une faute en ne préconisant pas le suivi par une infirmière dans les suites immédiates de l'opération, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, qu'un suivi infirmier n'aurait pas évité la cytostéatonécrose et la désunion initiale, et que, de même, ni un diagnostic plus précoce, ni des soins plus adaptés n'auraient pu éviter la surinfection secondaire compte tenu de l'ampleur de la cytostéatonécrose. Par suite, la requérante n'a pas subi de perte de chance au titre de son suivi post-opératoire.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête et que, d'autre part, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or doivent être rejetées.
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Bourges la somme demandée à ce titre par Mme B... et par la Caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au centre hospitalier de Bourges et à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Le Gars, présidente,
Mme Pham, première conseillère,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.
La rapporteure,
C. PHAM La présidente,
A-C. LE GARS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE02266