Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le préfet de police d'une part, lui a ordonné de se dessaisir de toutes les armes et munitions en sa possession et de restituer les originaux des autorisations d'acquisition et de détention valables du 24 octobre 2018 au 23 octobre 2023, d'autre part, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes, éléments d'armes et munition quelle que soit leur catégorie, enfin, a prononcé l'inscription de cette interdiction sur le fichier national d'acquisition et de détention d'armes " FINIADA ", ainsi que la décision du 4 août 2021 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2118628/3-1 du 21 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 4 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Sun, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 21 juin 2022 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 23 avril 2021, ensemble le rejet de son recours gracieux du 4 août 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui restituer ses armes, munitions et autorisations à savoir :
- une carabine de marque Troy, modèle Pump Action Rifles, calibre 308 win, de matricule 30003161152 ;
- un réducteur de sons de calibre et de marque inconnus, modèle T 8, de matricule 000 ;
- 120 cartouches de calibre 7,6 x 51 Nato Ball ;
- 100 cartouches de calibre 9 mm de la marque Winchester ;
- les originaux des autorisations d'acquisition et de détention valables du 24 octobre 2018 au 23 octobre 2023 référencées sous les numéros 07512018A001351582 et 07512018A001345417 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dans la mesure où les premiers juges auraient dû attendre que le juge répressif se prononce avant de statuer ;
- les décisions contestées sont entachées d'une erreur d'appréciation des faits.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de police, par un arrêté du 23 avril 2021, a ordonné à M. A... de se dessaisir de ses armes, de restituer les originaux des autorisations d'acquisition et de détention, lui a fait interdiction d'acquérir ou de détenir des armes, éléments d'armes et munitions, quelle que soit la catégorie, et a prononcé l'inscription de cette interdiction sur le fichier national d'acquisition et de détention d'armes " FINIADA ". Par une lettre du 17 mai 2021, M. A... a exercé un recours gracieux contre cette décision auprès du préfet de police, qui l'a rejeté le 4 août suivant. L'intéressé a ensuite exercé un recours hiérarchique, qui est resté sans réponse. Par un jugement, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 23 avril et 4 août 2021.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie de s'en dessaisir. Le dessaisissement consiste soit à vendre l'arme, les munitions et leurs éléments à une personne titulaire de l'autorisation, mentionnée à l'article L. 2332-1 du code de la défense, ou à un tiers remplissant les conditions légales d'acquisition et de détention, soit à la remettre à l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 312-13 du même code : " Il est interdit aux personnes ayant fait l'objet de la procédure prévue à la présente sous-section d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments de toute catégorie. Le représentant de l'Etat dans le département peut cependant décider de limiter cette interdiction à certaines catégories ou à certains types d'armes, de munitions et de leurs éléments. Cette interdiction est levée par le représentant de l'Etat dans le département s'il apparaît que l'acquisition ou la détention d'armes, de munitions et de leurs éléments par la personne concernée n'est plus de nature à porter atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes. ". L'article L. 312-16 dudit code ajoute que : " Un fichier national automatisé nominatif recense : 1° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, de munitions et de leurs éléments en application des articles L. 312-10 et L. 312-13 ; (...) 3° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, de munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C en application de l'article L. 312-3-1. (...) ". L'article R. 314-3 du code de la sécurité intérieure dispose enfin : " Les armes à feu, leurs éléments et leurs munitions de catégorie A et B doivent être conservés : 1°) Soit dans des coffres forts ou des armoires fortes adaptées au type et au nombre de matériels détenus ; 2°) Soit à l'intérieur de pièces fortes comportant une porte blindée et dont les ouvrants sont protégés par des barreaux ".
3. L'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. La même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.
4. En l'espèce, pour estimer que la détention d'armes par M. A... présentait un risque d'atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes, le préfet de police s'est fondé sur le fait que, le 6 avril 2021, l'intéressé avait menacé un client de son bar-tabac " Le Ninas " avec un couteau et une arme de poing, que cette arme de poing était entreposée sous la caisse enregistreuse et que le nom de l'appelant apparaissait sur le Traitement des antécédents judiciaires pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique survenus le 14 janvier 2017.
5. Toutefois, par un arrêt du 7 septembre 2022, la cour d'appel de Paris a relaxé M. A... des poursuites engagées contre lui pour les faits commis le 6 avril 2021, au motif que ceux-ci caractérisaient une situation de légitime défense. Ces faits, établis et sur la réalité desquels aucun doute ne subsiste, ont donc été le support nécessaire du dispositif retenu par le juge répressif et ont par suite autorité de la chose jugée. Or, la Cour a constaté que M. A... avait fait usage d'un couteau à citrons puis d'un pistolet, non chargé et pour lequel l'intéressé ne disposait ni de chargeur ni de cartouches à proximité, dans le but uniquement de répondre au comportement agressif d'un client, muni également d'un couteau, qui avait, d'une part, tenté de le frapper, d'autre part, proféré à son égard des menaces de mort. La Cour a relevé en outre que M. A..., qui tenait son arme le long de son corps, ne l'avait, à aucun moment, exhibée. Il ressort ainsi de ces faits isolés que l'intéressé a uniquement réagi à une menace en usant de son arme afin de dissuader son client. Dans ces conditions, le comportement de M. A... ne saurait caractériser un risque d'atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes, au sens des dispositions citées au point 2, quand bien même celui-ci n'était pas en droit de conserver son pistolet sous sa caisse enregistreuse et alors que les faits relatifs au délit routier, qui n'ont donné lieu à aucune condamnation, sont anciens et totalement isolés. Par suite, le préfet de police a entaché ses décisions d'une erreur d'appréciation, lesquelles doivent, pour ce motif, être annulées.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions des 23 avril et 4 août 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
8. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 5, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police restitue à M. A..., sauf à ce qu'ils aient été détruits, ses armes, munitions et autorisations, soit une carabine de marque Troy, modèle Pump Action Rifles, calibre 308 Win, de matricule 30003161152, un réducteur de sons de calibre et de marque inconnus, modèle T 8, de matricule 000, 120 cartouches de calibre 7,6 x 51 Nato Ball, 100 cartouches de calibre 9 mm de la marque Winchester et les originaux des autorisations d'acquisition et de détention valables du 24 octobre 2018 au 23 octobre 2023 référencées sous les numéros 07512018A001351582 et 07512018A001345417.
Sur les frais de l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2118628/3-1 du 21 juin 2022 du tribunal administratif de Paris et les décisions des 23 avril et 4 août 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de restituer M. A..., sauf à ce qu'ils aient été détruits, la carabine de marque Troy, modèle Pump Action Rifles, calibre 308 win, de matricule 30003161152, le réducteur de sons de calibre et de marque inconnus, modèle T 8, de matricule 000, 120 cartouches de calibre 7,6x51 Nato Ball, 100 cartouches de calibre 9 mm de la marque Winchester et les originaux des autorisations d'acquisition et de détention valables du 24 octobre 2018 au 23 octobre 2023 référencées sous les numéros 07512018A001351582 et 07512018A001345417.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de police et à M. B... A....
Copie sera délivrée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente,
- M. Pages, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 janvier 2024.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEULa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03848