Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 9 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspection du travail et autorisé la société TRANSDEV EQUIPAGES à procéder à son licenciement.
Par un jugement n° 1308208 en date du 26 octobre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2015, la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES, représentée par Me Gulmez, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de confirmer la décision du 9 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspection du travail et autorisé la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES à procéder au licenciement de M.C... ;
3° de mettre à la charge de M. C...la somme 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- une enquête contradictoire a eu lieu ; M. C...a été en mesure de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants que les services du ministère du travail ont pu recueillir au cours de cette enquête, y compris des témoignages et attestations produits par la société ;
- le délai de dix jours imposé à l'employeur pour convoquer le comité d'entreprise n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure de licenciement ; en tout état de cause, il serait inéquitable de faire peser sur l'employeur les conséquences de ce retard dès lors qu'il résulte du comportement des membres du comité d'entreprise ;
- l'inspecteur du travail a reçu notification de la mise à pied dans les délais requis ; en outre, l'absence de notification dans les 48 heures à l'inspecteur du travail de la mise à pied d'un délégué syndical n'entraîne que la nullité de la décision de mise à pied, non l'irrégularité de la demande d'autorisation de licenciement ; le même raisonnement doit être tenu quant à l'introduction de la demande d'autorisation de procéder au licenciement de M.C... ;
- c'est à tort que M. C...soutient que le ministre du travail aurait dû contrôler le respect par l'employeur des conséquences de la décision implicite de rejet ; il s'est conformé à cette décision ;
- la qualité de délégué syndical ne confère pas au salarié une immunité lui permettant d'échapper au pouvoir disciplinaire du chef d'entreprise ; la demande d'autorisation de licenciement de M. C...est fondée sur l'agressivité physique et verbale dont a fait preuve le salarié envers la direction ;
- les violences exercées par le salarié à l'encontre d'un supérieur hiérarchique ou d'un collègue de travail sont constitutives d'une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement ;
- les faits reprochés au salarié sont sans lien avec ses mandats ; M. C...n'a été victime d'aucune discrimination syndicale.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lepetit-Collin,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant Me Gulmez, pour la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES et de M.C....
1. Considérant que M.C..., employé en contrat à durée indéterminée par la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES en qualité de conducteur de car, détenait les mandats de délégué syndical, de représentant syndical au comité d'entreprise et de conseiller du salarié ; que par un courrier du 14 décembre 2012, la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire ; qu'à la suite de la consultation, le 4 janvier 2013, du comité d'entreprise sur la mesure envisagée, la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES a, par un courrier reçu le 8 janvier 2013, sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. C...pour faute grave ; que cette demande a été rejetée par une décision implicite ; qu'à la suite du recours hiérarchique introduit par la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES, le ministre chargé du travail a, par une décision du 9 août 2013, annulé la décision de l'inspection du travail et accordé l'autorisation de licenciement sollicitée ; que M. C...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de cette décision ; que par un jugement en date du 26 octobre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à sa demande ; que la SAS TRANSDEV EQUIPAGES relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-6 du code du travail relatif aux délégués syndicaux, salariés mandatés et conseillers du salarié : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. Lorsque le délégué syndical bénéficie de la protection prévue à l'article L. 2421-3, la consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. La demande d'autorisation de licenciement est présentée au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied. La mesure de mise à pied est privée d'effet lorsque le licenciement est refusé par l'inspecteur du travail ou, en cas de recours hiérarchique, par le ministre. " ; qu'aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied. " ; que si les délais mentionnés par ces dispositions ne sont pas prescrits à peine de nullité, ils doivent cependant être aussi courts que possible eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied ;
3. Considérant que si la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES a procédé à la mise à pied conservatoire de M. C...le 14 décembre 2012 et que le comité d'entreprise n'a été consulté que le 4 janvier 2013, soit au terme d'un dépassement de 12 jours du délai prévu par les dispositions précitées, la société soutient que la réunion du comité d'entreprise initialement été prévue le 28 décembre 2012 n'a pu avoir lieu en raison, notamment, du refus de certains membres de ce comité d'entreprise d'aller chercher le pli recommandé contenant ladite convocation et l'ordre du jour de cette réunion, envoi lui-même conditionné à des délais postaux perturbés par les fêtes de fin d'année ; que face à cette situation, la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES a choisi de reporter cette réunion d'une semaine, soit au 4 janvier 2013 afin de s'assurer la présence du plus grand nombre des membres du comité d'entreprise au terme d'une convocation régulièrement transmise ; que dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce exposées par la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES dans ses écritures d'appel, le dépassement de 12 jours du délai fixé par les dispositions précitées du code du travail ne saurait être regardé comme excessif et donc de nature à entacher d'irrégularité la procédure de licenciement ; que c'est ainsi à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accueilli ce moyen pour annuler la décision en litige ; qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
4. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire ; que si aucune règle ni aucun principe ne fait obligation au ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du même code, de procéder lui-même à cette enquête contradictoire, il en va autrement si l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire et que, par suite, le ministre annule sa décision et statue lui-même sur la demande d'autorisation ;
5. Considérant, d'autre part, que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions du code du travail impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a, le 8 mars 2013, rejeté la demande d'autorisation de licenciement de
M.C..., présentée par la SAS TRANSDEV EQUIPAGES, au terme d'une décision implicite ; que, saisi d'un recours hiérarchique, le ministre, qui a annulé cette décision et accordé l'autorisation de licencier sollicitée, devait donc procéder à une enquête contradictoire ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que les pièces dont M. C...soutient ne pas avoir pu prendre connaissance sont constituées de deux attestations manuscrites rédigées par des salariés d'Air France sans lien apparent avec la société requérante et, à tout le moins, qui ne participaient pas à la réunion du 14 décembre 2012 à l'occasion de laquelle M. C...se serait livré aux faits à l'origine du litige ; qu'il est constant que ces documents ont été produits par l'employeur ainsi que la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES le reconnaît elle-même explicitement dans ses écritures ; qu'il ressort par ailleurs des termes de la décision du ministre, qui mentionne explicitement ces attestations, que ce dernier les a regardées comme déterminantes ; que ces documents devaient donc être soumis au contradictoire ;
8. Considérant, en dernier lieu, que la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES soutient qu'une enquête contradictoire a eu lieu et que ces documents ont été communiqués à M. C...préalablement à son audition ; que s'il ressort des termes du courrier en date du
12 juin 2013 adressé par l'administration à M.C..., que ce dernier a été destinataire d'une copie du recours hiérarchique formé par l'employeur ainsi que de l'ensemble des pièces qui lui étaient jointes au moyen d'un courrier recommandé en date du 2 mai 2013, il ressort également des pièces du dossier que les deux attestations précédemment évoquées dont le salarié soutient ne pas avoir reçu communication dans le cadre de l'enquête contradictoire n'étaient pas jointes à ce recours mais n'ont été présentées par l'employeur à l'administration que dans un second temps ; que si l'administration soutient qu'elle n'aurait pu porter ces documents à la connaissance de M. C...dès lors que, lors de l'entretien du 10 juin 2013, le salarié aurait refusé de s'exprimer sur les griefs qui lui étaient adressés, il ne ressort pas des pièces du dossier que le salarié aurait été informé, à un quelconque moment de la procédure devant l'administration, de l'existence de ces pièces et de son droit à en demander communication ; qu'il n'apparait pas davantage, au surplus, que M. C...aurait, à l'occasion du rendez-vous du 10 juin 2013, refusé de prendre connaissance de documents complémentaires ou fait obstacle à une volonté exprimée par l'administration de lui communiquer de tels documents ; que la décision attaquée doit donc être regardée comme intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire ; que, par suite, et alors que l'accès, dans le cadre de l'enquête contradictoire prévue par les articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, à l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, dans des conditions et des délais permettant de présenter utilement sa défense, constitue une garantie pour le salarié protégé, la décision attaquée doit être regardée comme ayant été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et, par voie de conséquence, comme entachée d'illégalité ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 26 octobre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 9 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspection du travail et autorisé ladite société à procéder au licenciement de
M.C... ;
Sur les dépens :
10. Considérant qu'aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance ; que les conclusions présentées par de M. C...à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
11. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES EQUIPAGES demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES la somme demandée par M. C...au titre des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SAS TRANSDEV EQUIPAGES est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. C...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que ses conclusions relatives aux dépens de l'instance sont rejetées.
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N° 15VE03950