Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Enertrag Ternois Quatre a sollicité, par deux demandes distinctes, du tribunal administratif de Lille l'annulation pour excès de pouvoir des deux arrêtés du 1er août 2011 par lesquels le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais lui a refusé, d'une part, un permis de construire trois éoliennes sur le territoire de la commune d'Héricourt et, d'autre part, un permis de construire une éolienne sur le territoire de la commune d'Ecoivres.
Par deux jugements n° 1105690 et n° 1105691 du 11 février 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 11 avril 2014, et des mémoires, enregistrés le 29 juin 2015 et le 21 septembre 2015, sous le n° 14DA00632, la société Enertrag Ternois Quatre, représentée par la SELARL Kalliopé, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1105690 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté refusant le permis de construire trois éoliennes sur le territoire de la commune d'Héricourt ;
3°) d'enjoindre au préfet de la région Nord-Pas-de-Calais de réexaminer sa demande de permis de construire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 16 décembre 2014, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 12 mai 2015 et 23 juillet 2015, la société Freka NV, représentée par Me C...B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Enertrag Ternois Quatre de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2015, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 11 avril 2014, et des mémoires, enregistrés le 29 juin 2015 et le 21 septembre 2015, sous le numéro n° 14DA00633, la société Enertrag Ternois Quatre, représentée par la SELARL Kalliopé, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1105691 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté refusant le permis de construire une éolienne sur le territoire de la commune d'Ecoivres ;
3°) d'enjoindre au préfet de la région Nord-Pas-de-Calais de réexaminer sa demande de permis de construire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a commis une erreur d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 16 décembre 2014, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 12 mai 2015 et le 24 juillet 2015, la société Freka NV, représentée par Me C...B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Enertrag Ternois Quatre de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2015, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me D...A..., représentant la société Enertrag Ternois Quatre, et de Me C...B..., représentant la société Freka NV.
Une note en délibéré présentée pour la société Enertrag Ternois Quatre a été enregistrée le 28 janvier 2016 dans les deux instances.
1. Considérant que les requêtes de la société Enertrag Ternois Quatre présentent à juger des questions identiques ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;
Sur l'intervention de la société Freka NV :
2. Considérant que la société Freka NV, propriétaire du château de Flers, a intérêt au maintien des jugements attaqués qui rejettent les conclusions de la société Enertrag Ternois Quatre tendant à l'annulation des arrêtés refusant la délivrance des permis de construire ; qu'ainsi, son intervention doit être admise ;
Sur la régularité des jugements :
3. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes des jugements que le tribunal administratif de Lille a expressément et suffisamment répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par la société requérante et, en particulier, au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la société Enertrag Ternois Quatre n'est pas fondée à soutenir que les jugements seraient entachés d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; que les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus ;
6. Considérant que le plateau du Saint-Polois sur lequel l'implantation des quatre éoliennes est envisagée est composé de champs ouverts qui font l'objet d'une exploitation agricole et a été retenu comme lieu d'implantation de fermes éoliennes au niveau régional ; qu'il comprend également des parties boisées et des villages qui abritent des monuments historiques et des bâtiments remarquables, tels que le château de Flers ; que s'il n'est pas protégé au titre des paysages sensibles ou très sensibles, il conserve les caractéristiques d'un paysage naturel non dépourvu d'intérêt ; que localement des perspectives monumentales doivent également être prises en compte ;
7. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le château de Flers, inscrit au titre des monuments historiques, se situe à environ 2,5 kilomètres du projet de parc éolien ; qu'à cette distance, les machines d'une hauteur de 150 mètres en bout de pâles, sont, compte tenu de la configuration des lieux, visibles ; qu'en particulier et en dépit de la végétation, le bâtiment du château et les aérogénérateurs seront en situation de covisibilité depuis la route départementale 102 ; qu'en outre, il n'est pas sérieusement contesté par le pétitionnaire que, depuis les étages du corps principal du château, normalement accessibles conformément à sa destination ou à son usage, les communs qui ceinturent la cour d'honneur et font également l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques, présenteront une forte covisibilité avec le parc d'éoliennes en litige ; que ces deux situations de covisibilité sont de nature à altérer les perspectives offertes sur le château et la perception de cet édifice, ainsi que l'a relevé le service départemental de l'architecture et du patrimoine du Pas-de-Calais dans son avis du 5 février 2009 ;
8. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que le projet en litige qui se situe à une distance de 800 à 1 000 mètres du parc éolien du Ternois-Sud, se trouvera en situation de covisibilité avec les parcs éoliens de Ternois-Sud, de Boubers-sur-Canche et de Monchel-sur-Canche ; qu'il est, en outre, constant que trente-deux aérogénérateurs sont déjà implantés dans un périmètre de 15 kilomètres auxquels vont venir s'ajouter quatre-vingt-huit autres aérogénérateurs dont la construction a été autorisée dans les environs ; que, dans ce contexte, le projet, quoique de taille réduite, est de nature à contribuer, compte tenu des interférences visuelles avec certains parcs voisins, au phénomène de saturation notamment dénoncé par la commission départementale de la nature, des paysages et des sites dans son avis du 11 mars 2011 ; que, par suite, en renforçant la densité des implantations, le projet en cause est de nature à participer à la dégradation du paysage naturel ;
9. Considérant que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait dû prendre en compte les autres intérêts du projet et notamment celui tenant au regroupement des parcs éoliens conformément aux orientations du schéma régional éolien puisque les dispositions de l'article R. 111-21 excluent que des intérêts non visés par cet article soient pris en compte ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu'en raison des atteintes aux perspectives du château de Flers ainsi qu'au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants et des paysages, le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a fait une exacte application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme en refusant les permis de construire sollicités ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Enertrag Ternois Quatre, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions de cette société tendant à ce que la cour enjoigne au préfet de la région Nord-Pas-de-Calais de statuer à nouveau sur sa demande ne peuvent qu'être rejetées ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Enertrag Ternois Quatre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la société Enertrag Ternois Quatre au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
14. Considérant que les conclusions présentées sur ce fondement par la société Freka NV, intervenante en défense, qui n'a pas la qualité de partie à l'instance, doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la société Freka NV est admise.
Article 2 : Les requêtes de la société Enertrag Ternois Quatre sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Freka N.V. au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enertrag Ternois Quatre, à la société Freka NV et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la région du Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Délibéré après l'audience publique du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 février 2016.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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