Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS IMMONTAGNE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010.
Par un jugement n° 1404000 du 15 mars 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 mai, 6 décembre 2016 et 2 mai 2017, la SAS IMMONTAGNE, représentée par Me Brunet, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;
2° de prononcer la décharge des retenues à la source maintenues à sa charge ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 9 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS IMMONTAGNE soutient que :
- elle démontre, conformément à l'article 238 A du code général des impôts, tel qu'interprété par la jurisprudence, que les commissions versées à la société Art States Inc. dans le cadre de la vente de deux chalets à Courchevel correspondent à des prestations d'intermédiaire réalisées auprès de clients russes fortunés, acheteurs finaux desdits chalets, réalisées par MmeA..., laquelle était la bénéficiaire ultime des sommes versées et que le montant de ces commissions ne présente pas un caractère exagéré ; ainsi, en l'absence de fictivité des prestations, il ne lui saurait être fait grief d'avoir versé les commissions en litige à cette société, dont elle n'est pas à l'origine de la création ;
- au demeurant, l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'article 22-1-N de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2009, rend les sociétés étrangères passibles de l'impôt sur les sociétés lorsqu'elles réalisent des opérations visées au e) du I de l'article 164 B du même code ; par suite, dès lors que la société Art States Inc. était directement passible de l'impôt sur les sociétés, l'article 238 A n'était pas applicable.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SAS IMMONTAGNE qui exerce une activité d'agence immobilière à Annecy (74) et aux termes d'une proposition de rectification du 3 décembre 2012, l'administration, en vertu des dispositions de l'article 238 A du code général des impôts, a notamment réintégré dans le résultat imposable des exercices 2009 et 2010 de la contribuable des commissions versées aux sociétés Horizon Chronos International Commercial Investments LLC et Arts States Inc., sises respectivement aux Emirats Arabes Unis et aux Iles Vierges Britanniques, et a regardé les somme correspondantes comme un revenu distribué au profit de ces dernières, devant être soumis à la retenue à la source, en application de l'article 119 bis du code ; que la SAS IMMONTAGNE relève appel du jugement du 15 mars 2016 du Tribunal administratif de Montreuil en tant que, par ce jugement, le Tribunal n'a pas fait droit à sa demande tendant à la décharge des retenues à la source ayant frappé les commissions versées à la société Arts States Inc et s'élevant à 400 000 euros pour l'année 2009 et 150 000 euros pour l'année 2010 ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 238 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les (...) rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en Franceà des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de ... et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. /Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en ..., si elles y avaient été domiciliées ou établies (...) " ; qu'aux termes de l'article 109 de ce code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : /1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'aux termes de l'article 119 bis du même code : " " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en .... Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette disposition (...) " ; qu'aux termes de l'article 187 de ce code : " : " 1. Le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : (...) / -25 % pour tous les autres revenus. " ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 238 A du code général des impôts, que, lorsqu'elle s'en prévaut pour contester la déduction de rémunérations, l'administration doit justifier que le bénéficiaire de ces rémunérations est soumis hors de ... à un régime fiscal privilégié ; qu'il appartient alors à la société qui a versé ces rémunérations d'apporter la preuve qu'elles correspondent à des prestations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ;
3. Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Arts States Inc., établie aux Iles Vierges Britanniques au cours des années en litige, y bénéficiait d'un taux d'imposition sur les bénéfices de 0%, et était ainsi soumise à un régime fiscal privilégié ; que, dès lors, il appartient à la SAS IMMONTAGNE d'apporter la preuve, notamment, que les commissions versées à cette société correspondaient à des prestations réelles, fussent-elles immatérielles ;
4. Considérant que la SAS IMMONTAGNE soutient que ces commissions, qu'elle a prélevées sur les honoraires perçus par elle à raison de la vente, les 4 juin 2008 et 16 septembre 2009, de deux chalets (chalet A " Chêne " ou " chalet 101 " et chalet B " Elektra ") situés à Courchevel étaient destinées à rémunérer la prestation d'intermédiaire réalisée par MmeA..., ressortissante russe, représentante de la société Arts States Inc., auprès de riches clients russes ou ukrainiens ;
5. Considérant, toutefois, d'une part, qu'alors qu'il est constant que les deux chalets ont été achetés par deux sociétés de droit français, la SCI Chêne Entreprise et la SNC DPD, ayant elles-mêmes comme associées des sociétés de droit chypriote et luxembourgeois, la SAS IMMONTAGNE, en se bornant à des rapprochements hasardeux, n'établit pas de manière certaine, comme elle l'allègue, que, par-delà l'interposition de ces personnes morales, ces acquisitions auraient, en définitive, bénéficié à des investisseurs russes qui en seraient ainsi les réels instigateurs ; qu'au demeurant, en admettant même qu'elle soit établie, cette circonstance ne saurait, à elle seule, rendre compte de la réalité de l'activité d'entremise prêtée à MmeA..., alors même qu'elle est également de nationalité russe ; que, sur ce point, s'il est avéré que cette dernière a assisté le maître de l'ouvrage lors de l'aménagement du chalet B, vendu en l'état futur d'achèvement, et qu'elle a représenté la SNC DPD lors de la signature de l'acte de vente puis dans le cadre de la gestion locative de ce chalet, en revanche, il ne ressort d'aucun document versé aux débats que l'intéressée, qui apparaît ainsi comme mandataire de l'acquéreur et non comme apporteur d'affaires, aurait été à l'origine de la mise en relation entre, d'une part, la SAS IMMONTAGNE et, d'autre part, la société DPD ou de prétendus commanditaires russes ; que, de même, la société requérante, qui procède tantôt par affirmations tantôt par conjectures, n'apporte pas davantage d'éléments de nature à prouver que Mme A...aurait, de quelconque façon, été personnellement impliquée dans la commercialisation du chalet A ; qu'à cet égard, la SAS IMMONTAGNE ne saurait sérieusement se retrancher derrière la confidentialité de l'intervention de MmeA..., dès lors que le souci de discrétion ainsi affiché, pour compréhensible qu'il soit à l'égard des tiers, n'explique pas l'absence, au sein de la société requérante, de tout justificatif précis et circonstancié quant à la mission d'intermédiation qui aurait été confiée à l'intéressée et, notamment, à ses conditions d'exécution ; que, si, par ailleurs, la SAS IMMONTAGNE a produit des lettres types portant engagement de rétribution, établies par ses soins adressées à la société Art States Inc datées du 11 mai 2007 et du 3 septembre 2008, ces lettres sont antérieures à la date d'immatriculation de la société Art States Inc au registre du commerce des Iles Vierges Britanniques, le 5 février 2009 et sont ainsi, en raison de cette incohérence chronologique, dépourvues de valeur probante ; que, dans ces conditions, il ne saurait être accordé crédit à la lettre de la société Art States Inc du 20 juillet 2012 précisant que Mme A...est sa représentante et aux ordres de virement de la société Art States Inc établis au profit de cette dernière les 23 mars 2010 et 29 juillet 2010 pour un montants respectifs de 48 500 $ et 26 000 $, sans lien apparent avec les commissions en cause ; qu'ainsi, la SAS IMMONTAGNE ne justifie pas de la réalité de l'interposition de Mme A...dans le cadre de la commercialisation des chalets, ni a fortiori, au travers de celle-ci, de la société Art States Inc. ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas davantage établi, ni même sérieusement allégué, que la société Art States Inc., laquelle, du reste, est spécialisée dans le domaine de l'art, serait intervenue, d'une autre manière, à l'occasion de la vente des chalets, et ce d'autant, que la première de ces ventes, en date du 4 juin 2008, a été conclue alors que ladite société n'avait encore pas d'existence légale ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en ..., de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B (...) " ; qu'aux termes de l'article 164 B de ce code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : / (...) e) Les profits tirés d'opérations définies à l'article 35, lorsqu'ils sont relatifs à des immeubles situés en ... (...) " qu'aux termes de l'article 35 du même code ; " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles (...) / 2° Personnes se livrant à des opérations d'intermédiaire pour l'achat, la souscription ou la vente des biens visés au 1° (....) " ;
8. Considérant que, dès lors que la société Art States Inc. n'a pas effectué, que ce soit par l'intérmédiaire de Mme A...ou de quelque autre façon, les prestations pour lesquelles elle a été rémunérée et n'a donc pas réalisé de profits relatifs à des immeubles situées en ..., et n'a exercé aucune activité en ..., la SAS IMMONTAGNE n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que, par application des dispositions précitées des articles 209 et 164 B du code général des impôts, les commissions litigieuses seraient passibles de l'impôt sur les sociétés en ..., ce qui ferait obstacle à la mise en oeuvre de l'article 238 A du code général des impôts ;
9. Considérant qu'il suit de ce qu'il vient d'être dit qu'en l'absence de tout document ayant date certaine et contemporain des opérations en litige, tels que contrats, correspondances, courriels, la réalité des prestations d'apporteur d'affaires de MmeA..., que ce soit en qualité de représentante de la société Art States Inc, ou en son nom propre, cette société n'étant alors qu'une société-écran, n'est pas établie ; que, par suite, et alors même, comme le soutient la SAS IMMONTAGNE, que Mme A...aurait été la bénéficiaire finale des commissions rétrocédées et qu'elle serait étrangère au montage mise en place par cette dernière, c'est à bon droit, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur leur caractère excessif, que, faute de contrepartie avérée, le service a remis en cause la déductibilité desdites commissions, sur le fondement des dispositions de l'article 238 A du code général des impôts ; que, dès lors, les sommes de 400 000 euros et 150 000 euros, réintégrées à juste titre, ainsi qu'il vient d'être dit, dans la base imposable de l'impôt sur les sociétés de la SAS IMMONTAGNE, présentent le caractère de revenus distribués au sens des articles 109 et 110 du code général des impôts, dont le bénéficiaire a son siège à l'étranger ; que, par suite, c'est par une exacte application des dispositions du 2. de l'article 119 bis qu'elles ont été soumises à une retenue à la source au taux prévu par l'article 187-1 du même code ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS IMMONTAGNE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Montreuil n'a pas entièrement fait droit à sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS IMMONTAGNE est rejetée.
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N° 16VE01405