Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les associations Delta Club du Haut-Jura, comité départemental de vol libre du Jura et Ligue Bourgogne Franche-Comté de vol libre ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2013 par lequel le préfet du Jura a instauré une zone de protection du biotope sous la dénomination " corniches calcaires du département du Jura ".
Par un jugement n° 1400037 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 septembre 2015, les associations Delta Club du Haut-Jura, comité départemental de vol libre du Jura et Ligue Bourgogne Franche-Comté de vol libre, représentés par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400037 du tribunal administratif de Besançon du 7 juillet 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2013 du préfet du Jura ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à leur verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges n'ont que partiellement répondu au moyen tiré de ce que l'avis du directeur régional de l'office national des forêts n'a pas été sollicité, en méconnaissance de l'article R. 411-16 du code de l'environnement, et maintiennent ce moyen ;
- l'avis de l'aviation civile et militaire n'a pas été recueilli ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés, et reprend à son compte les observations produites par le préfet en première instance.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 juillet 2013, le préfet du Jura, sur le fondement des dispositions des articles R. 411-15 et suivants du code de l'environnement, a, par arrêté, instauré une zone de protection du biotope sous la dénomination " corniches calcaires du Haut-Jura " en vue de la protection de l'équilibre biologique des milieux et la conservation des biotopes nécessaires à la reproduction, l'alimentation au repos et à la survie de certaines espèces protégés.
2. Les associations Delta Club du Haut-Jura, comité départemental de vol libre du Jura et Ligue Bourgogne Franche-Comté de vol libre relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Besançon qui a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2013.
Sur la légalité externe de l'arrêté du 5 juillet 2013 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
3. Aux termes de l'article R. 411-16 du code de l'environnement : " Les arrêtés préfectoraux mentionnés à l'article R. 411-15 sont pris après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, ainsi que de la chambre départementale d'agriculture. Lorsque de tels biotopes sont situés sur des terrains relevant du régime forestier, l'avis du directeur régional de l'Office national des forêts est requis. / II.-Ces arrêtés sont, à la diligence du préfet : / 1° Affichés dans chacune des communes concernées ; / 2° Publiés au Recueil des actes administratifs ; / 3° Publiés dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département. ".
S'agissant de la consultation de l'Office national des forêts :
4. Les requérantes soutiennent que les premiers juges n'ont que partiellement répondu au moyen tiré de ce que l'avis du directeur régional de l'Office national des forêts n'a pas été sollicité, en méconnaissance de l'article R. 411-16 du code de l'environnement et maintiennent ce moyen.
5. Le préfet du Jura a adressé, le 7 août 2012, une demande d'avis au directeur de l'Office national des forêts, agence du Jura sur le projet d'arrêté définissant la zone de protection du biotope " corniches calcaires du Haut-Jura ". Le 3 octobre 2012, le directeur de l'agence départementale du Jura de l'Office national des forêts a formulé plusieurs remarques portant sur le positionnement des contours du périmètre de protection du biotope (décalage de 500 mètres avec la position de la falaise), sur la nécessité de hiérarchiser la gravité des sources de nuisance durant la période de reproduction du faucon pèlerin dont certaines populations sont installées au niveau des carrières, et sur les activités telles que le parapente, le deltaplane ainsi que les travaux forestiers qui sont des facteurs de perturbation pouvant mettre en péril la réussite de la nidification du faucon pèlerin. Si les requérants font valoir que le directeur régional de l'Office national des forêts n'a pas émis d'avis, il est toutefois constant qu'à la date de cet avis, il n'existait plus, à la suite de la réorganisation interne de l'Office national des forêts en 2001, au niveau déconcentré de cet établissement public, de directions régionales hormis la Corse et dans les départements d'Outre-Mer. Ainsi que le mentionne le ministre dans ses écritures, l'autorité correspondante au directeur régional évoquée à l'article R. 411-16 du code de l'environnement (issu du décret n° 77-1295 du 25 novembre 1977) n'existe plus, ses compétences ayant été transférées aux unités territoriales de l'office.
6. Par suite, l'arrêté attaqué, qui vise l'avis de l'office départemental du Jura du 3 octobre 2012 qui, eu égard à son contenu même, ne constitue pas un simple échange de courrier, a été pris par l'autorité habilitée à présenter le point de vue de l'Office national des forêts.
7. La circonstance enfin que dans le cadre de la procédure de recours gracieux, le directeur territorial de Franche-Comté de l'office a, le 5 novembre 2013, confirmé la teneur de l'avis précédemment émis dans le cadre de la procédure consultative organisée en application de l'article R. 411-6 précité, est sans incidence sur l'appréciation de la régularité de la procédure.
8. En conséquence, le moyen tiré de l'absence de consultation de l'Office national des forêts, moyen auquel les premiers juges avaient suffisamment répondu, doit être rejeté.
S'agissant de la consultation des administrations en charge de l'espace aérien :
9. Les requérantes soutiennent que, nonobstant le silence du code de l'environnement, dans la mesure où les prescriptions posées par l'arrêté litigieux affectent pour partie la circulation dans l'espace aérien pour vingt-quatre des sites visés, le préfet aurait dû consulter les autorités de l'aviation civile et militaire en charge de l'espace aérien.
10. L'arrêté contesté qui a été pris sur le seul fondement des dispositions des articles R. 411-15 et suivants du code de l'environnement, pour instaurer une zone de protection du biotope, répond à une finalité propre à la police de l'environnement et a pour effet d'interdire la création d'aires d'envol pour le vol libre sur les corniches et d'interdire le survol de certains sites à moins de cent cinquante mètres des parois rocheuses pendant la période dédiée à la reproduction, soit du 15 février au 15 juin inclus.
11. Il est constant que les dispositions de l'article R. 411-16 du code de l'environnement précité n'imposent pas la consultation des autorités en charge de l'aviation civile et militaire. Si les dispositions des articles L. 131-3 et R. 131-4 du code de l'aviation civile invoquées par les associations requérantes, confient au ministre chargé de l'aviation civile, la faculté d'interdire le survol de certaines zones du territoire français pour des raisons de sécurité publique, ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de priver l'autorité compétente en charge de la police de l'environnement de son pouvoir d'apprécier à ce titre, les restrictions complémentaires à apporter à des activités aériennes de loisirs, dès lors qu'il est établi que ces activités ont des incidences effectives sur la conservation des biotopes sans avoir à consulter des autorités en charge de l'aviation civile et militaire.
12. Au demeurant, en l'absence de toute disposition de nature législative ou règlementaire exigeant une telle consultation, les dispositions précitées du code de l'aviation civile n'imposaient pas, en l'espèce, par elles-mêmes, la consultation des autorités en charge de l'espace aérien eu égard tant à la nature des activités concernées par les mesures d'interdiction qu'au contenu des prescriptions définies et arrêtées en fonction des nécessités que la protection de certaines espèces impose dans la zone de protection du biotope dénommée " corniches calcaires du Haut-Jura ".
13. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit donc, en conséquence, être écarté.
S'agissant de la publication de l'arrêté :
14. Les associations requérantes soutiennent que le préfet n'a pas procédé à la publication de l'arrêté contesté.
15. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a, d'une part, été transmis le 14 août 2013, à l'ensemble des maires concernés, avec un certificat d'affichage à compléter ainsi qu'une proposition d'avis d'affichage, d'autre part, a été publié au recueil n° 35 des actes administratifs du département du Jura de juillet 2013, et enfin, a été publié le 26 août 2013 dans le journal " le Progrès " et le 29 août 2013 dans le journal " la Voix du Jura ". Par suite, alors même que ladite publication n'a aucune incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le préfet ne démontre pas avoir respecté les dispositions précitées de l'article R. 411-16 du code de l'environnement.
16. Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le préfet du Jura n'a pas respecté les dispositions de l'article R. 411-16 du code de l'environnement.
Sur la légalité interne :
17. Aux termes de l'article R. 411-15 du code de l'environnement : " Afin de prévenir la disparition d'espèces figurant sur la liste prévue à l'article R. 411-1, le préfet peut fixer, par arrêté, les mesures tendant à favoriser, sur tout ou partie du territoire d'un département à l'exclusion du domaine public maritime où les mesures relèvent du ministre chargé des pêches maritimes, la conservation des biotopes tels que mares, marécages, marais, haies, bosquets, landes, dunes, pelouses ou toutes autres formations naturelles, peu exploitées par l'homme, dans la mesure où ces biotopes ou formations sont nécessaires à l'alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie de ces espèces ".
18. Il ressort de l'arrêté contesté du 5 juillet 2013 qu'afin de garantir l'équilibre biologique des milieux et la conservation des biotopes nécessaires à la reproduction, l'alimentation, au repos et la survie des espèces protégés suivantes : faucon pèlerin, grand DucB..., harle bièvre, grand corbeau, faucon crécelle, choucas des tours, martinet à ventre blanc, hirondelle des rochers, hirondelle de fenêtre, il est instauré une zone de protection de biotope sous la dénomination " Corniches calcaires du département du Jura ". Sont ainsi protégés 69 sites rocheux, 99 territoires communaux, pour une surface totale de 1 643 hectares. A cet effet, l'arrêté contesté définit un certain nombre de prescriptions, et notamment, l'interdiction dans son article 4, de la création d'aires d'envol pour le vol libre sur les corniches, et aux termes de son article 6, une interdiction de survol des sites mentionnés à l'annexe 8 dans la zone à moins de cent cinquante mètres des parois rocheuses pendant la période dédiée à la reproduction, à savoir du 15 février au 15 juin inclus.
19. Les requérantes soutiennent que cet arrêté, qui entraine un élargissement des interdictions de la pratique du vol libre ou leur restriction, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il édicte une interdiction trop générale et absolue et n'est pas nécessaire à la protection des biotopes. Elles font valoir que le schéma régional de cohérence écologique n'a pas défini de sous-trame concernant les milieux rocheux, faute d'études scientifiques disponibles, que les enjeux sociaux et économiques n'ont pas été pris en compte, que les activités de vol libre fonctionnent sans dommage depuis de nombreuses années et que la protection du faucon pèlerin n'est plus une priorité.
20. S'il est exact que le schéma régional de cohérence écologique n'a pas défini de sous-trame concernant les milieux rocheux, faute d'études scientifiques disponibles, il précise néanmoins que " les milieux rocheux francs-comtois restent des milieux à enjeux pour la biodiversité en Franche-Comté ". Par ailleurs, les insuffisances de ce schéma défini à l'échelle régionale n'établissent pas l'absence de pertinence de l'arrêté contesté dont le champ d'application est limité aux falaises dont les enjeux ont été précisément identifiés en fonction du recensement des données de présence des espèces protégées, à partir des inventaires ZNIEFF et de données d'associations ornithologiques.
21. En outre, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, le préfet du Jura qui a organisé des réunions de concertation avec les associations requérantes, a pris en compte les enjeux économiques et sociaux en excluant du périmètre de protection le plus grand site école de vol libre de Jura pour l'enseignement, le site de la corne de Saint-Thiebault.
22. Enfin, si les associations requérantes soutiennent que la protection n'est pas nécessaire à l'égard de certaines espèces, il ressort de l'arrêté litigieux que le préfet du Jura, en interdisant, pendant une période de quatre mois dans l'année, correspondant à la reproduction des espèces protégées, la création d'aires d'envol et le survol de certaines zones, a adapté les prescriptions prises aux nécessités que la protection de certaines espèces impose en certains lieux, sans imposer en tout temps et en tous lieux, lesdites prescriptions. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'interdiction est générale et absolue.
23. En conséquence, l'arrêté contesté, qui est adapté et proportionné, n'est pas entaché d'excès de pouvoir.
24. Il résulte de tout ce qui précède que les associations Delta Club du Haut-Jura, comité départemental de vol libre du Jura et Ligue Bourgogne Franche-Comté de vol libre ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2013.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les associations Delta Club du Haut-Jura, comité départemental de vol libre du Jura et Ligue Bourgogne Franche-Comté de vol libre demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête des associations Delta Club du Haut-Jura, comité départemental de vol libre du Jura et Ligue Bourgogne Franche-Comté de vol libre est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié aux associations Delta Club du Haut-Jura, comité départemental de vol libre du Jura et Ligue Bourgogne Franche-Comté de vol libre et au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Copie sera adressée au préfet du Jura.
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N° 15NC01912