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12/01/2023 | FRANCE | N°21DA01599

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 12 janvier 2023, 21DA01599


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une réclamation adressée au directeur régional des finances publiques des Hauts-de France et du département du Nord et transmise au tribunal administratif de Lille, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, Mme B... A... a demandé, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles el

le a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1803015 du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une réclamation adressée au directeur régional des finances publiques des Hauts-de France et du département du Nord et transmise au tribunal administratif de Lille, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, Mme B... A... a demandé, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1803015 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles Mme A... a été assujettie au titre de l'année 2011.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux, à l'exception de la contribution additionnelle aux prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes, auxquelles Mme A... a été assujettie au titre de l'année 2011 ;

2°) de remettre à la charge de Mme A..., en droits et pénalités, les suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux, à l'exception de la contribution additionnelle aux prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes, dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- sa requête, qui a été enregistrée au greffe de la cour avant l'expiration du délai de quatre mois prévu à l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, est recevable ;

- c'est à tort que, pour prononcer la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux en litige, d'autre part, des pénalités correspondantes, le tribunal administratif a retenu que la proposition de rectification adressée à Mme A... était insuffisamment motivée au regard des exigences, d'une part, de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et, d'autre part, de l'article L. 80 D du même livre ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2021, Mme A..., représentée par Me Froment-Meurice, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, qui sont de nature réglementaire, sont contraires aux principes du respect des droits de la défense et d'égalité des armes entre les parties au litige, tels qu'ils sont reconnus en droit interne et tels qu'ils sont issus de l'article 6, paragraphe 1, et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ces dispositions doivent donc être écartées ; au surplus, le ministre ne justifie pas qu'il y avait lieu, en l'espèce, de transmettre le jugement et le dossier au ministre chargé du budget, ni que cette autorité a effectivement été saisie dans le délai imparti ; il s'ensuit que la requête est tardive et, par suite, irrecevable ;

- l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance n° 18DA01730 du 16 juin 2021 par laquelle la cour a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur le litige qu'elle avait précédemment introduit en ce qui concerne les mêmes impositions, au motif que le jugement dont il est présentement relevé appel était devenu définitif, fait obstacle à ce que la requête du ministre soit regardée comme recevable ;

- elle entend s'approprier les motifs du jugement dont relève appel le ministre, qui, en particulier, ne justifie que par des motifs elliptiques le bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré dont il a été fait application.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Froment-Meurice, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... est associée de la société civile immobilière (SCI) Fosse aux Chênes, dont elle détient 25 % des parts sociales. Cette société, qui a opté pour le régime d'imposition applicable aux sociétés de capitaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, au cours de laquelle elle a remis au service vérificateur, sur un support de stockage amovible, des fichiers informatiques contenant les écritures comptables des périodes vérifiées, ainsi que des éléments d'information demandés par le service. Au vu de ces éléments, la vérificatrice a constaté que des prélèvements avaient été opérés, au cours de l'exercice clos en 2011, sur le compte courant d'associé ouvert au nom de Mme A... dans la comptabilité de la SCI Fosse aux Chênes. La vérificatrice a également constaté que cette société avait, au cours du même exercice, opéré une distribution de dividendes, sans que le registre des délibérations de l'assemblée générale des associés ne porte la trace d'une délibération décidant cette opération. L'administration a fait connaître à Mme A..., par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 19 août 2013, les conséquences qu'elle entendait tirer de ces constats sur son imposition personnelle. Mme A... ayant présenté des observations qui n'ont pas convaincu l'administration, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux résultant, pour l'année 2011, des rectifications ainsi notifiées ont été mises en recouvrement les 31 mai et 30 juin 2016, à hauteur d'un montant total, en droits et pénalités, de 239 330 euros, l'administration ayant notamment appliqué aux droits supplémentaires la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts.

2. Mme A... a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un premier jugement du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande. Mme A... a relevé appel de ce jugement. Par une ordonnance du 16 juin 2021, le président de la 4ème chambre de la cour a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette requête au motif que le tribunal administratif de Lille avait, par un jugement du 12 mars 2021 dont il lui était apparu qu'il était devenu définitif, prononcé la décharge de ces impositions. Au cours de l'instruction par le tribunal administratif de Lille de sa demande initiale, Mme A... avait formé une autre réclamation qui tendait aux mêmes fins que la précédente, et que l'administration a transmise d'office au tribunal administratif de Lille le 9 avril 2018, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales. Par un nouveau jugement du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles Mme A... a été assujettie au titre de l'année 2011. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement en tant qu'il prononce la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales, à l'exception de la contribution additionnelle aux prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes, auxquelles Mme A... a été assujettie au titre de l'année 2011.

Sur les fins de non-recevoir opposées par Mme A... :

En ce qui concerne l'application de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales :

3. Aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". En outre, en vertu de l'article 14 de la même convention, la jouissance des droits et libertés reconnus dans cette convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

4. Aux termes de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre. ". Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. / Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue. ".

5. D'une part, dès lors que Mme A... conteste, dans le cadre du présent litige, le caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification qui lui a été adressée le 19 août 2013, en tant qu'elle concerne la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont ont été assortis les suppléments d'impôt en litige et qui présente le caractère, au sens des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'" accusations en matière pénale ", elle peut utilement se prévaloir, dans le cadre de ce litige, de ces stipulations.

6. D'autre part, il résulte des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'un juste équilibre doit être ménagé entre les parties au procès, de telle sorte que chacune d'entre elles ait une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Si les dispositions précitées de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ménagent au ministre chargé du budget un délai d'appel qui peut excéder celui dont le contribuable dispose, en application de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, pour saisir la cour administrative d'appel territorialement compétente d'une requête tendant à l'annulation d'un jugement de tribunal administratif, même lorsque le tribunal en cause a statué sur des pénalités fiscales ayant le caractère d'accusations en matière pénale, le contribuable conserve néanmoins la faculté, y compris lorsque le ministre a saisi la cour après l'expiration du délai de deux mois prévu à l'article R. 811-2 du code de justice administrative, outre de présenter des observations en défense, de former un appel incident en vue de contester les pénalités qui étaient en litige devant le tribunal, quand bien même le ministre ne contesterait que la décharge, qui aurait été prononcée par ce tribunal, des impositions. Par ailleurs, le contribuable est en mesure d'écourter le délai ouvert à l'administration, en application du second alinéa de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, en signifiant directement au ministre, seul compétent, en principe, pour faire appel, le jugement dont il a lui-même reçu notification. Dans ces conditions, les dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ne placent pas le contribuable dans une situation de net désavantage par rapport au ministre chargé du budget et laissent à chaque partie une possibilité raisonnable de contester les pénalités fiscales qui, ayant le caractère d'accusations en matière pénale, seraient en litige. En outre, eu égard à la faculté dont dispose, ainsi qu'il a été dit, le contribuable, de former un appel incident, y compris contre une disposition du jugement qui serait étrangère aux pénalités, et d'abréger le délai d'appel imparti au ministre en lui signifiant ce jugement, les dispositions réglementaires codifiées à l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, qui tiennent compte des nécessités particulières de fonctionnement de l'administration fiscale, lesquelles la placent dans une situation différente de celle des autres justiciables, ne lui confèrent pas, contrairement à ce que soutient Mme A..., un privilège qui serait de nature à porter atteinte au principe de respect des droits de la défense. Pour les mêmes motifs, les dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales doivent être regardées comme compatibles avec le principe de l'égalité des armes, tel qu'il est reconnu en tant que principe général du droit et tel qu'il résulte des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, si les dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales créent une différence de traitement entre, d'une part, le ministre et, d'autre part, les contribuables en ce qui concerne le délai qui leur est respectivement imparti pour interjeter appel d'un jugement de tribunal administratif en matière fiscale, cette différence de traitement, qui n'est pas étrangère à l'objet de ce texte, qui est de tenir compte de la différence de situation objective dans laquelle se trouvent le ministre et les contribuables, ne constitue pas une discrimination prohibée par les stipulations, mentionnées au point 3, de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Enfin, il résulte des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales qu'en l'absence de signification du jugement du tribunal administratif par le contribuable au ministre, le délai imparti à ce dernier pour interjeter appel est de quatre mois à compter de la notification de ce jugement au directeur du service de l'administration des impôts, sans qu'il y ait lieu de rechercher à quelle date le jugement lui a été transmis. En outre, dès lors que le ministre est, en principe, seul compétent pour saisir la cour administrative d'appel, il y a toujours lieu, au sens des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, pour le directeur du service de la direction générale des finances publiques de transmettre au ministre le jugement qui lui a été notifié par le tribunal administratif, sauf dans l'hypothèse dans laquelle ce jugement aurait déjà été signifié au ministre par exploit d'huissier de justice sur l'initiative du contribuable.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 7 que la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui a été enregistrée au greffe de la cour le 7 juillet 2021, soit moins de quatre mois après la notification au directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord, le 12 mars 2021, par l'application Télérecours, du jugement du même jour du tribunal administratif de Lille, dans le délai prévu à l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, n'est pas tardive.

En ce qui concerne l'invocation de l'autorité de chose jugée :

9. Si, par une ordonnance du 16 juin 2021, le président de la 4ème chambre de la cour administrative de Douai a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête par laquelle Mme A... avait relevé appel du jugement du 21 juin 2018 du tribunal administratif de Lille rejetant les conclusions d'une demande qu'elle avait introduite à la suite du rejet d'une précédente réclamation formée par elle devant l'administration en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des contributions sociales qui font également l'objet du présent litige, Mme A... ne peut utilement invoquer l'autorité relative de chose jugée qui s'attache à cette ordonnance, prise dans le cadre d'une instance distincte, sur laquelle elle ne statue pas, pour contester la recevabilité de la requête du ministre.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 9 que les fins de non-recevoir opposées par Mme A... à la requête du ministre doivent être écartées.

Sur la requête du ministre :

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :

11. D'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, la régularité d'une proposition de rectification ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs.

12. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification qui a été adressée le 9 août 2013 à Mme A... que celle-ci mentionne l'année ainsi que l'impôt et les contributions concernés par les rectifications envisagées, de même que le fondement de ces rectifications, c'est-à-dire les dispositions du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, et qu'elle expose les motifs de ces rectifications, à savoir, s'agissant du premier des chefs de rectification, que Mme A... a été bénéficiaire d'une distribution effectuée, à hauteur d'un montant de 30 100 euros, par la SCI Fosse aux Chênes et prélevée sur ses réserves, sans que cette société ait pu produire de délibération de l'un de ses organes délibérants décidant cette distribution et sans, dès lors, qu'elle puisse bénéficier de l'abattement de 40 % prévu en cas de distribution régulièrement décidée. L'administration ajoute, dans le même document, que Mme A... n'a pas repris ce montant sur la déclaration de revenus qu'elle a souscrite au titre de l'année 2011 et que cette somme est imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. La proposition de rectification fait, en outre, état d'un deuxième chef de rectification, tiré de ce que le compte courant d'associé ouvert au nom de Mme A... dans la comptabilité de la SCI Fosse aux Chênes, dont elle détient 25 % des parts sociales, a présenté, à la clôture de l'exercice clos en 2011, un solde créditeur à hauteur d'un montant de 300 000 euros, lequel solde résultait de prélèvements effectués, au cours de cet exercice, par Mme A... sur la trésorerie de la SCI Fosse aux Chênes. Ce document ajoute que, en l'absence de décision de l'assemblée générale des associés de la SCI, ces prélèvements, effectués sans considération de l'étendue des droits sociaux détenus dans cette société par Mme A..., doivent être regardés comme ayant la nature de revenus distribués non prélevés sur les bénéfices, mais directement appréhendés par Mme A... sur la trésorerie de la SCI Fosse aux Chênes et imposables sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. Par ailleurs, la proposition de rectification indique que les revenus de capitaux mobiliers sont assujettis, en vertu des articles 1600-0 C, 1600-0 F bis, 1600-0 G et 1600-0 H du code général des impôts, à des prélèvements sociaux dont elle précise le détail. Enfin, la proposition de rectification informe Mme A... qu'elle est assujettie, au titre de l'année 2011, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus prévue à l'article 223 sexies du même code. Ainsi rédigée, cette proposition de rectification, qui comporte aussi le détail des conséquences financières résultant de ces rectifications sur la situation de Mme A..., énonce le fondement et les motifs des rehaussements, avec une précision suffisante pour que cette dernière soit mise à même de présenter d'utiles observations, alors même qu'elle ne fait pas une référence expresse à l'ensemble des dispositions dont l'administration a entendu faire application pour apprécier la situation de Mme A..., en particulier, pour retenir que la distribution opérée en l'espèce n'était pas éligible à l'abattement de 40 % qui bénéficie aux distributions régulièrement décidées. En conséquence, la proposition de rectification est suffisamment motivée au regard des exigences posées par les dispositions précitées des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales. Mme A... n'est pas fondée à invoquer, sur ce point, la doctrine administrative publiée sous la référence D. adm. 13 L-1513 du 1er juillet 2002, reprise au BOI-CF-IOR-10-40, dès lors que celle-ci ne peut, s'agissant d'une question afférente à la procédure d'imposition, être regardée comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

13. D'autre part, en vertu de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales doivent être motivées, ce qui implique que leurs motifs comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fondent les sanctions prononcées. En outre, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

14. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification adressée le 9 août 2013 à Mme A... que celle-ci énonce les motifs pour lesquels l'administration a estimé que les rehaussements en cause devaient être assortis de la majoration prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, dont le taux est précisé en annexe, à savoir que Mme A... avait effectivement encaissé, sous la forme de trois versements reçus en janvier, mars et avril 2011, portant respectivement sur les montants de 30 100 euros, 100 000 euros et 200 000 euros, l'ensemble des sommes réputées distribuées par la SCI Fosse aux Chênes et qu'elle ne pouvait sérieusement ignorer que celles-ci avaient la nature de revenus imposables. Ces éléments, qui ne constituent pas la simple reprise d'une formule préétablie, doivent être regardés comme exposant, dans des termes suffisants à permettre à Mme A... C... les contester, les considérations de droit et de fait sur lesquelles l'administration s'est fondée pour estimer qu'il y avait lieu de faire application de cette majoration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces majorations au regard de l'exigence posée par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, manque en fait. Mme A... ne peut, sur ce point, invoquer les prévisions du paragraphe n°2 de la documentation administrative de base D. adm. 13 L-1611, ni celles des paragraphes n°10 et n°240 de la doctrine administrative BOI-CF-INF-30-20, ni celles de la doctrine administrative 1-7-2002, pas davantage que celles du paragraphe n°266 de l'instruction 13 N-1-07, ni, enfin, celles de l'instruction 19-2-2007, dès lors que ces éléments de doctrine administrative ne peuvent, s'agissant d'une question afférente à la procédure d'imposition, être regardés comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 14 que le ministre est fondé, dans la limite des conclusions de sa requête, à soutenir que le tribunal administratif de Lille a accueilli à tort les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification adressée à Mme A..., tant en ce qui concerne les rectifications appliquées aux revenus imposables de l'intéressée que la majoration pour manquement délibéré dont les suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux en résultant ont été assortis.

16. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel dans la limite des conclusions de la requête du ministre, d'examiner les autres moyens présentés par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de la SCI Fosse aux Chênes :

17. En vertu du principe d'indépendance des procédures, les moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux sont inopérants au regard des impositions personnelles mises à la charge de l'un des associés d'une telle société. Par suite, Mme A... ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer l'irrégularité de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SCI Fosse aux Chênes, dont elle est associée, au soutien de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles elle a, elle-même, été assujettie après ce contrôle.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de Mme A... :

18. Mme A... soutient que la réponse, qui a été apportée le 28 octobre 2013 aux observations qu'elle avait formulées le 18 octobre 2013, ne peut être regardée comme suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Toutefois, il ressort des termes mêmes de cette réponse, versée à l'instruction, que celle-ci répond à l'argumentation, développée pour la première fois par Mme A... dans ses observations, selon laquelle les prélèvements opérés par elle à partir de son compte courant d'associé constituent un prêt remboursable soit en espèces, soit par " attribution des résultats une fois que la géographie du capital sera recomposée ". L'administration y expose les raisons pour lesquelles cette argumentation nouvelle ne lui paraît pas pouvoir être accueillie, alors que l'ensemble des associés de la SCI sont des membres de la famille de Mme A..., et fait valoir, notamment, qu'aucun prêt n'avait jamais été précédemment évoqué au cours des entretiens avec le vérificateur et que, même dans cette hypothèse, la somme correspondante revêtirait la nature d'une distribution imposable sur le fondement du a. de l'article 111 du code général des impôts. Cette réponse doit donc être regardée comme satisfaisant à l'exigence de motivation posée par les dispositions, citées au point 11, de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des rectifications :

19. Si Mme A... soutient que les sommes qu'elle a perçues de la SCI Fosse aux Chênes correspondent à un prêt que cette société lui avait consenti, elle n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation. A cet égard, si un prêt par inscription en compte courant d'associé n'est pas soumis, à peine de nullité, à la conclusion d'un acte, il incombe toutefois au contribuable qui entend opposer l'existence d'un tel prêt de prendre les mesures propres à lui permettre d'en justifier, lesquelles peuvent se traduire par une délibération des associés ou par tout autre acte ayant date certaine. En l'absence d'une telle justification, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux :

20. D'une part, aux termes de l'article 1600-0 F bis, applicable au présent litige, du code général des impôts : " I. - Le prélèvement social sur les revenus du patrimoine est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale. / II. - Le prélèvement social sur les produits de placements est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-15 du code de la sécurité sociale. / III. - Le taux des prélèvements mentionnés aux I et II est fixé par l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale. ". Aux termes de l'article L. 245-16, applicable au présent litige, du code de la sécurité sociale : " I. - Le taux des prélèvements sociaux mentionnés aux articles L. 245-14 et L. 245-15 est fixé à 3,4 %. / (...) ".

21. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification adressée le 9 août 2013 à Mme A..., que l'administration a déterminé le montant des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux en litige en faisant application d'un taux de 4,5 % prévu par les dispositions de l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable aux revenus de l'année 2013, alors que les dispositions de cet article, dans leur rédaction applicable à l'année 2011 en litige, prévoyaient un taux de 3,4 %. En conséquence, Mme A... est fondée à soutenir que l'administration aurait dû faire application, pour le calcul de la contribution principale, de ce taux de 3,4 % et que la contribution supplémentaire mise à sa charge à ce titre procède, à due concurrence, d'une erreur de calcul.

En ce qui concerne le bien-fondé des pénalités :

22. Pour justifier du bien-fondé de l'application aux droits en litige de la pénalité de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, au a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fait valoir que Mme A... a effectivement perçu, par trois versements successifs, les sommes de 30 100 euros, 100 000 euros et 200 000 euros réputées distribuées entre ses mains par la SCI Fosse aux Chênes et qu'elle n'a pas porté ces sommes sur la déclaration de revenus qu'elle a souscrite au titre de l'année 2011, alors qu'elle ne pouvait raisonnablement en ignorer le caractère imposable, les allégations de cette dernière selon lesquelles ces versements correspondent à un prêt n'étant corroborées par aucun élément, en particulier par aucun acte ni par aucune délibération des associés de la SCI Fosse aux Chênes. Ce faisant, l'administration, qui supporte la charge de la preuve, établit l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a été celle de Mme A... et justifie ainsi le bien-fondé de l'application aux droits en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, au a. de l'article 1729 du code général des impôts.

23. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le ministre est fondé, dans la limite des conclusions de sa requête, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles Mme A... a été assujettie au titre de l'année 2011 et, d'autre part, que Mme A... est fondée à demander une réduction, dans la mesure de ce qui a été dit au point 21, des suppléments de prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de cette année. Le ministre est, par suite, également fondé à demander que les suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif soient, à l'exception de la contribution additionnelle aux prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes, remis, en droits et pénalités, à la charge de Mme A..., en tenant compte de la réduction de la cotisation supplémentaire de prélèvements sociaux accordée par le présent arrêt. Enfin, les conclusions de la demande de Mme A... qui ont été accueillies par le tribunal administratif doivent être rejetées, à l'exception de celles tendant à la décharge de la contribution additionnelle aux prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes et de celles tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire de prélèvements sociaux. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais non-compris dans les dépens exposés par Mme A....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803015 du 12 mars 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il prononce la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles Mme A... a été assujettie au titre de l'année 2011, à l'exception de la contribution additionnelle aux prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux, dont la décharge a été prononcée par le jugement n° 1803015 du 12 mars 2021 du tribunal administratif de Lille, sont, à l'exception de la contribution additionnelle aux prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes, remises à la charge de Mme A....

Article 3 : La cotisation supplémentaire de prélèvements sociaux à laquelle Mme A... a été assujettie au titre de l'année 2011 est réduite de la différence entre celle résultant de l'application, par l'administration, du taux de 4,5 %, et celle résultant de l'application du taux de 3,4 % applicable à l'année en cause.

Article 4 : Les conclusions de la demande présentée par Mme A... et qui ont été accueillies par le tribunal administratif de Lille sont, dans la limite des conclusions de l'appel du ministre et sous réserve de ce qui a été dit à l'article 3 ci-dessus, rejetées.

Article 5 : Les conclusions que Mme A... présente en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme B... A....

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 15 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°21DA01599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01599
Date de la décision : 12/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL FROMENT-MEURICE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-12;21da01599 ?
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