Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. La société d'exercice libéral par actions simplifiée Cabinet Audit Stratégie Expertise a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2015 et 2016, ainsi que des pénalités et de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts qui lui ont été infligées.
Par une ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, sa demande au tribunal administratif de Montpellier.
Par un jugement n° 2024146 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de 34 702 euros et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er décembre 2022, les 24 mai, 11 août et 19 décembre 2023 et le 26 janvier 2024, la société Cabinet Audit Stratégie Expertise, représentée par Me Wilhelm, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 octobre 2022 ;
2°) d'ordonner, sur le fondement des articles R. 621-1 du code de justice administrative et R. 200-9 du livre des procédures fiscales, la désignation de trois experts dont M. D... C..., en leur confiant pour mission de procéder à une analyse approfondie des écritures passées au crédit des comptes 467 entre le 1er janvier 2015 et le 31 octobre 2017 ;
3°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2015 et 2016, ainsi que des pénalités et de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts qui lui ont été infligées ;
4°) de prononcer le sursis de paiement en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- elle abandonne le moyen tiré de l'irrecevabilité du mémoire en défense ;
- le tribunal, qui a fait peser à tort la charge de la preuve sur elle, a inexactement qualifié les opérations litigieuses et interprété les dispositions de l'article 38 du code général des impôts ;
- les sommes litigieuses ont été rattachées à tort à des opérations participant à la formation du bénéfice imposable alors qu'elles correspondent à des versements de son principal client en vue du paiement de frais exposés par son intermédiaire pour le compte de ce dernier, dans le cadre de leurs relations professionnelles ;
- les opérations litigieuses sont restées neutres pour ses résultats et n'ont entraîné aucune variation de l'actif net, les comptes de tiers vérifiés ayant été soldés au 31 décembre 2016 ;
- les opérations litigieuses n'affectant pas un compte de résultat, il ne peut être exigé de sa part la production de justificatifs au sens de l'article 54 du code général des impôts ;
- au besoin, la cour devra faire usage de son pouvoir d'instruction afin que soit ordonnée une expertise en vue de l'examen des flux financiers figurant sur ses comptes de tiers ;
- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée et a été appliquée en méconnaissance du principe de personnalité des peines garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'application de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts n'est pas justifiée et ne tient pas compte des circonstances particulières de l'espèce.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 mars, 8 juin, 20 septembre et 21 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le bénéfice des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ne peut être invoqué que devant le tribunal administratif ;
- les moyens soulevés par la société Cabinet Audit Stratégie Expertise ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 2 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2024.
II. M. A... E... et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par une ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, leur demande au tribunal administratif de Montpellier.
Par un jugement n° 2024147 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er décembre 2022 et les 24 mai et 11 août 2023, M. et Mme E..., représentés par Me Wilhelm, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 octobre 2022 ;
2°) d'ordonner, sur le fondement des articles R. 621-1 du code de justice administrative et R. 200-9 du livre des procédures fiscales, la désignation de trois experts dont M. D... C..., en leur confiant pour mission de procéder à une analyse approfondie des écritures passées au crédit des comptes 467 de la société Cabinet Audit Stratégie Expertise entre le 1er janvier 2015 et le 31 octobre 2017 ;
3°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes ;
4°) de prononcer le sursis de paiement en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :
- ils abandonnent le moyen tiré de l'irrecevabilité du mémoire en défense ;
- la qualification de revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts résulte de la réintégration de sommes dans les bénéfices de la société Cabinet Audit Stratégie Expertise à l'issue de la vérification de comptabilité, laquelle est contestée pour les mêmes motifs que ceux exposés dans la requête n° 22TL22433 ;
- l'administration aurait dû imputer les sommes litigieuses sur le solde créditeur du compte courant d'associé de M. E... ;
- la somme de 20 000 euros figurant au crédit du compte courant d'associé de M. E... et intitulée " prime gérant ", qui n'avait au demeurant pas à être autorisée en assemblée générale et aurait pu être validée postérieurement par décision de l'associé unique, résulte d'une erreur comptable corrigée en 2017, année au titre de laquelle ils ont déclaré et ont été imposés à raison de cette somme, les dispositions de l'article 12 du code général des impôts faisant ainsi obstacle à son imposition au titre de l'année 2016 ;
- le maintien de l'imposition de la somme de 20 000 euros au titre de l'année 2016 porte atteinte aux droits de la défense garantis par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors qu'ils ne sont plus en mesure de présenter une réclamation préalable au titre de l'imposition 2017 ;
- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors que l'administration ne rapporte pas la preuve de leur intention d'éluder l'impôt.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 mars, 8 juin et 20 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le bénéfice des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ne peut être invoqué que devant le tribunal administratif ;
- les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chalbos,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,
- les observations de Me Wilhelm, représentant la société Cabinet Audit Stratégie Expertise et les époux E....
Considérant ce qui suit :
1. La société Cabinet Audit Stratégie Expertise, dont M. E... est le gérant et unique associé, exerce une activité d'expertise comptable, de commissariat aux comptes, ainsi que d'audit et de conseil à destination d'entreprises françaises ou étrangères. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle lui ont été notifiées, par proposition de rectification du 3 août 2018, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2015 et 2016, assorties d'amendes et de pénalités. Les conséquences du rehaussement des bénéfices de la société ont été tirées au niveau de l'impôt sur le revenu de son gérant et de son épouse, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel des rectifications en matière de revenus distribués, assorties de pénalités, leur ont été notifiées par proposition de rectification du 12 décembre 2018. Par deux requêtes, ils demandent à la cour d'annuler les jugements du 3 octobre 2022 par lesquels le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions.
2. Les requêtes susvisées, relatives à l'imposition d'une société et de son gérant, présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur les demandes de sursis de paiement :
3. Aucune disposition législative ou règlementaire ne prévoit une procédure de sursis de paiement des impositions contestées pendant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel. Ainsi, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée en défense et de rejeter comme irrecevables les conclusions de la société Cabinet Audit Stratégie Expertise et des époux E... tendant au sursis de paiement des impositions auxquelles ils ont été assujettis.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
4. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, (...) soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ".
5. À l'issue des opérations de vérification de comptabilité de la société appelante, le service a réintégré dans ses bénéfices imposables des sommes, à hauteur de 310 398 euros au titre de l'exercice 2015 et 107 909 euros au titre de l'exercice 2016, enregistrées au crédit de comptes de tiers. Ces sommes, qui constituent selon la société des avances de trésorerie de la part de son principal client en vue de l'engagement à son nom de frais divers par la société en qualité d'intermédiaire transparent, ont néanmoins été considérées par le service comme se rattachant à des opérations de toute nature au sens du 1 de l'article 38 du code général des impôts précité, faute, pour la société, d'avoir pu justifier de leur nature alléguée.
6. En premier lieu, il résulte des lettres de mission conclues entre la société appelante et son client Master Success International Limited que celles-ci prévoient, outre le versement d'honoraires en rémunération des missions effectuées, le remboursement, pour leur coût réel et sous forme d'acomptes, de débours à raison des frais et dépenses occasionnés par ces missions. La vérificatrice a d'ailleurs admis la qualification de débours pour une partie des sommes créditées sur les comptes de tiers qu'elle a pu identifier. Les sommes litigieuses, dont l'intitulé évoque des dépenses personnelles et d'agrément sans lien apparent avec les missions, ont en revanche fait l'objet d'un simple tableau de suivi, non assorti des factures correspondantes établies au nom du client final, ni d'un document de reddition des comptes. Elles n'ont pas davantage pu être rattachées aux opérations de débit figurant sur les mêmes comptes dès lors que la majorité des flux financiers sortants correspondent à des chèques émis non pas au profit de fournisseurs extérieurs mais à celui du compte personnel de M. E... ou de proches de ce dernier, externes à la société. Si la société soutient que, par commodité ou par erreur, les règlements n'ont pas toujours été effectués depuis son compte mais via celui de personnes physiques, une telle explication n'est pas confortée par ses écritures comptables. En outre, les exigences du partenaire chinois en termes de souplesse et de réactivité mises en avant par la société pour expliquer le peu de rigueur dans l'engagement et le suivi de ses débours ne sont pas de nature à justifier l'absence des éléments justificatifs précédemment évoqués, qu'elle est seule en mesure de produire. Elle ne peut davantage invoquer le fait que l'intégralité des éléments probants auraient été remis au client final, à qui il incombe de conserver les justificatifs de ses charges en application de l'article 54 du code général des impôts, une telle circonstance ne la dispensant pas de conserver une copie des éléments utiles à la justification de ses propres écritures comptables. Enfin, le rapport d'expertise non contradictoire produit par la société tend à conforter l'achat de biens et services pour le compte des partenaires chinois mais ne permet pas d'établir que la société aurait agi en qualité de mandataire transparent, alors qu'il résulte de l'instruction que certains remboursements de frais engagés au profit du client de la société requérante ont été comptabilisés en produits.
7. En second lieu, en l'absence d'éléments permettant de constater la correspondance entre les écritures au crédit et celles au débit des comptes vérifiés, de même qu'en l'absence d'éléments permettant d'apprécier la nature des flux sortants, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que les opérations litigieuses auraient été neutres pour ses résultats eu égard aux soldes nuls en fin d'exercices, ni qu'elles n'auraient donné lieu à aucune variation d'actif net au sens du deuxième alinéa de l'article 38 du code général des impôts.
8. Il résulte de ce qui précède que la société appelante n'établit pas avoir agi en qualité d'intermédiaire transparent et de la qualification d'avances de trésorerie ou de débours des sommes comptabilisées dans ses comptes de tiers. C'est par suite à bon droit que l'administration fiscale a réintégré ces sommes non justifiées dans ses bénéfices imposables.
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu :
9. En premier lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ".
10. Il résulte de l'instruction que le service a considéré comme revenus distribués les sommes réintégrées dans les bénéfices de la société, à hauteur du montant des chèques émis par cette dernière au profit de M. E.... Les requérants réfutent la qualification de revenus distribués retenue par le service au motif que les sommes litigieuses ne constitueraient pas des bénéfices non déclarés de la société mais de simples avances de trésorerie de la part de son principal client en vue du remboursement de frais exposés pour lui. Ce moyen doit toutefois être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7, sans qu'il puisse être utilement fait grief au service de ne pas avoir préalablement imputé les sommes ainsi distribuées sur le solde créditeur du compte courant d'associé de M. E... détenu dans la comptabilité de la société Cabinet Audit Stratégie Expertise.
11. En second lieu, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Les revenus sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si le contribuable ou l'administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date.
12. Les appelants, qui ne contestent pas l'inscription au crédit du compte courant d'associé de M. E... de la somme de 20 000 euros au titre de l'exercice 2016, qualifiée de revenu distribué sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts par l'administration fiscale, ne démontrent pas qu'une telle écriture résulterait d'une erreur comptable de la société Cabinet Audit Stratégie Expertise. Par ailleurs, c'est en vain que M. E... soutient ne pas avoir effectivement prélevé la somme sur son compte courant d'associé, dès lors qu'il ne démontre nullement qu'il n'en avait pas la possibilité.
13. En outre, la circonstance que la somme litigieuse aurait été, à tort, déclarée et imposée à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2017 est, à la supposer établie, sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse. Du reste, le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales s'agissant de l'impôt sur les revenus de l'année 2017 n'était pas expiré lorsque les époux E... ont été destinataires de la proposition de rectification du 12 décembre 2018, les informant de ce que le service envisageait de réintégrer la somme de 20 000 euros dans leurs revenus de l'année 2016. Les appelants, qui ne démontrent au demeurant pas avoir effectivement été imposés à raison de la somme litigieuse au titre de l'année 2017, n'ont donc pas été privés de la possibilité, s'ils s'y croyaient fondés, de demander le dégrèvement correspondant auprès de l'administration fiscale. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense garantis par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit, en tout état de cause, être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a procédé à la réintégration des revenus distribués litigieux dans les bases imposables de l'impôt sur le revenu 2015 et 2016 des époux E....
En ce qui concerne les pénalités :
S'agissant des pénalités infligées à la société :
15. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a) 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
16. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré sur les rectifications en matière d'impôt sur les sociétés, l'administration fiscale a relevé, outre l'importance des recettes non déclarées, la qualité d'expert-comptable du représentant légal et associé unique par l'intermédiaire duquel la société a agi, dont elle a justement déduit qu'il ne pouvait ignorer les règles relatives à l'engagement et à la justification des débours, sans pouvoir utilement invoquer l'adaptation aux usages peu scrupuleux de son client. Elle rapporte ainsi, sans méconnaître le principe de personnalité des peines garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la preuve de l'intention délibérée de la société d'éluder l'impôt. La circonstance selon laquelle la société, si elle avait voulu dissimuler des recettes, aurait été plus avisée d'utiliser les comptes personnels de M. E..., n'est pas de nature à faire obstacle à une telle démonstration.
17. En second lieu, aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ".
18. Pour contester l'application de la pénalité prévue par les dispositions précitées, la société appelante se borne à faire grief au service de ne pas avoir tenu compte des circonstances de l'espèce révélant, selon elle, la nature d'avances de trésorerie des sommes litigieuses, insusceptibles d'avoir donné lieu à distributions. Eu égard aux motifs exposés aux points 6 et 7, sa contestation doit toutefois être écartée.
S'agissant des pénalités infligées aux époux E... :
19. Pour retenir le caractère délibéré des manquements déclaratifs des époux E... et assortir les rectifications en matière d'impôt sur le revenu de la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts précité, le service a justement relevé que, compte tenu de ses qualités de dirigeant et associé unique de la société Cabinet Audit Stratégie Expertise et d'expert-comptable, M. E..., qui a notamment procédé, au nom de la société, à l'émission des chèques vers son compte personnel, ne pouvait ignorer le caractère de revenus distribués des sommes qu'il a appréhendées ou dont il a eu la disposition. Les requérants ne peuvent utilement faire valoir, pour faire obstacle à la majoration litigieuse, que les agissements délibérés reprochés par le service ne seraient imputables qu'à l'un des époux composant le foyer fiscal, compte tenu du régime d'imposition commune avec lequel doit être concilié le principe de personnalité des peines.
20. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant-dire droit, que la société Cabinet Audit Stratégie Expertise et M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés aux litiges :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la société Cabinet Audit Stratégie Expertise et de M. et Mme E... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral par actions simplifiée Cabinet Audit Stratégie Expertise, à M. A... E..., à Mme B... E... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-BèthbéderLe greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22TL22433, 22TL22434