Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision n° 009-01 du 9 janvier 2015 par laquelle le directeur du secrétariat général du siège de La Poste a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire de révocation.
Par un jugement n° 1501408 du 23 mai 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette sanction et a enjoint à La Poste de réintégrer M. F...dans ses fonctions, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2017 et le 31 octobre 2018 sous le n° 17VE01805, La Poste, représentée par Me Bellanger, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de M. F...;
3° de mettre à la charge de M. F...le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Poste soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier : il n'a pas analysé les conclusions et mémoires de La Poste produits régulièrement à l'instance ; il a écarté à tort des débats le mémoire présenté par La Poste, enregistré le 5 mai 2017, alors que le mémoire produit par M.F..., enregistré le 5 avril 2017 après la clôture de l'instruction intervenue le 16 mars 2017, a été versé au contradictoire ;
- le jugement est infondé : le tribunal a retenu à tort les motifs tirés, d'une part, de ce que La Poste aurait commis une erreur de droit en estimant que l'action revendicative sous forme de délégation de masse, de prise de parole ou d'intrusion constituait l'une des formes d'exercice des réunions statutaires ou d'information syndicale prévues par le décret du 28 mai 1982, et, d'autre part, de ce que les faits reprochés à M. F...ne présentaient pas un caractère fautif ;
- les autres moyens de la demande sont infondés.
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II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2017 et le 31 octobre 2018 sous le n° 17VE01806, La Poste, représentée par Me Bellanger, avocat, demande à la Cour d'ordonner sans délai qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1501408 du 23 mai 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
La Poste soutient qu'elle soulève des moyens sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande : le jugement repose sur une dénaturation des faits et une erreur d'appréciation des griefs reprochés à M.F... ; la sanction en litige n'est pas disproportionnée ; le détournement de pouvoir n'est pas établi ; l'auteur de la décision attaquée était compétent ; celle-ci n'est pas insuffisamment motivée ; les droits de la défense n'ont pas été méconnus.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ;
- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
- le décret n° 2010-191 du 26 février 2010 fixant les statuts initiaux de La Poste et portant diverses dispositions relatives à La Poste ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guével, président rapporteur,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Bellanger, pour La Poste et de MeE..., pour M. F....
Considérant ce qui suit :
1. Par les requêtes n° 17VE01805 et 17VE01806 susvisées, La Poste demande l'annulation et le sursis à exécution du même jugement n° 1501408 du 23 mai 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Ces requêtes ont donné lieu à une instruction commune. Il y a lieu d'y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 18VE01805 :
2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer la révocation à l'encontre de M.F..., agent technique et de gestion de La Poste et détenteur de mandats syndicaux, le président directeur général de La Poste a retenu, en particulier, que l'intéressé avait activement participé à une cinquantaine d'actes d'intrusions et d'occupations collectives accompagnées de prises de parole inopinées et répétées, pendant les heures de service, du siège social et d'une vingtaine d'établissements de La Poste, sur la période allant de novembre 2013 à mai 2014, en y associant parfois des personnes étrangères à La Poste. Ces agissements, dont la matérialité n'est pas sérieusement contestée en défense, ont porté atteinte au bon fonctionnement et à la sécurité des services concernés, en particulier du service du tri, et ne peuvent être regardés comme relevant de l'exercice normal du droit syndical ou de celui du droit de grève. Ces faits constituent à eux seuls des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire.
4. Par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur le motif tiré de l'absence de caractère fautif des faits reprochés à M. F...pour annuler la décision n° 009-01 du 9 janvier 2015 par laquelle le directeur du secrétariat général du siège de La Poste a prononcé une sanction de révocation à son encontre.
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F...tant en première instance qu'en appel.
En ce qui concerne les moyens de légalité externe :
S'agissant de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée :
6. Aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 susvisée, régissant la situation de M.F..., fonctionnaire de La Poste, en application de l'article 29 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes./(...). Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. ".
7. Par décision n° 270-12 du 27 septembre 2013, régulièrement publiée au bulletin des ressources humaines de La Poste, M. Philippe Wahl, président directeur général de La Poste, a donné délégation de signature à Mme A...D..., directrice générale adjointe et directrice des ressources humaines et des relations sociales, à l'effet de signer notamment les sanctions disciplinaires du 4ème groupe, et, en cas d'absence ou d'empêchement de celle-ci, à M. B... C..., directeur du secrétariat général du siège de La Poste. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D...n'aurait pas été absente ou empêchée à la date de la décision du 9 janvier 2015 signée par M.C.... Par suite, le moyen d'incompétence doit être écarté.
S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée :
8. La décision de révocation du 9 janvier 2015 expose sur douze pages la chronologie, la nature et les motifs des griefs reprochés à M.F..., ainsi que les textes dont elle fait application. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée.
S'agissant des moyens tirés de la méconnaissance de la procédure disciplinaire et des droits de la défense :
9. Ni le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 susvisé, ni aucune autre disposition, législative ou réglementaire, ni aucun principe général ne prévoit la communication préalable au fonctionnaire du rapport établi par l'autorité investie du pouvoir disciplinaire sur les faits reprochés à cet agent, par lequel le conseil de discipline est saisi et qui est lu en séance. Par ailleurs, dans la mesure où M. F...a pu consulter les captures d'écran des dispositifs de vidéosurveillance, contenues dans son dossier individuel auquel il a eu accès le 22 septembre 2014, et les procès-verbaux établis par huissier de justice relatant les scènes ainsi enregistrées, il n'est pas fondé, en tout état de cause, à critiquer l'absence d'obtention d'une copie des vidéos enregistrées. Ainsi, l'intéressé a bien été mis en mesure de se défendre utilement sur l'ensemble des griefs formulés à son encontre et de présenter des observations écrites ou orales. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de la procédure disciplinaire et des droits de la défense doivent être écartés.
En ce qui concerne les moyens de légalité interne :
S'agissant du moyen tiré de l'erreur de droit :
10. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement aux allégations de M. F..., La Poste n'a pas fondé la sanction litigieuse sur les dispositions du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 susvisé et de l'article 8 du règlement intérieur de La Poste, mais s'est bornée à rappeler les droits et obligations en découlant.
S'agissant du moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction litigieuse :
11. Il ressort des pièces du dossier que M. F...a déjà fait l'objet, pour des faits comparables, de sanctions disciplinaires, en l'occurrence une décision du 5 janvier 2011 portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans dont six mois avec sursis, dont la contestation de la légalité a été rejetée par un arrêt n° 14VE01998 du 20 octobre 2015 de la Cour, et une décision du 23 septembre 2013 portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois dont trois mois avec sursis et révocation du sursis antérieur, qu'il n'a pas contestée au contentieux. Au demeurant, la Commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat a estimé que les faits reprochés à M. F...constituent des " fautes professionnelles graves " et a émis l'avis de maintenir la sanction infligée à l'intéressé. Eu égard à la gravité et à la réitération des griefs, mentionnés au point 3, le moyen tiré de ce que le quantum de la mesure de révocation attaquée serait entachée d'une erreur d'appréciation doit être écarté.
S'agissant du moyen tiré du détournement de pouvoir :
12. Compte tenu des faits qui ont été retenus à l'encontre de M. F...et des motifs exposés aux points 3 et 10, le moyen tiré de ce que la sanction prononcée à son encontre aurait en réalité pour but de sanctionner son action syndicale ou d'entraver l'exercice du droit de grève au sein de la Poste et serait ainsi entachée d'un détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté.
Sur la requête n° 17VE01806 :
13. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ".
14. Dans la mesure où il est statué au fond sur la requête n° 17VE01805, la requête n° 17VE01806 est privée d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F... le versement à la société La Poste de la somme demandée de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. F... demande au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17VE01806 présentée par la société La Poste.
Article 2 : Le jugement n° 1501408 du 23 mai 2017 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise
est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. F...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : M. F...versera à La Poste une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 17VE01805...