Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... G... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 16 juin 2017 par laquelle la ministre du travail a refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 18 338,03 euros en réparation de son préjudice matériel et financier, 14 780,18 euros en réparation de son préjudice de carrière et 314 400 euros en réparation de son préjudice moral résultant du harcèlement moral dont il déclare avoir été victime.
Par un jugement n° 1702682 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 et 11 mars 2019 et les 8 et 12 novembre 2019, M. G..., représenté par Me F..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 10 janvier 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 16 juin 2017 par laquelle la ministre du travail a refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle ;
3°) d'enjoindre à la ministre du travail de lui octroyer la protection fonctionnelle ou, à tout le moins, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 19 855,10 euros en réparation de son préjudice matériel et financier, 11 277,16 euros en réparation de son préjudice de carrière et 300 000 euros en réparation de son préjudice moral, résultant du harcèlement moral dont il déclare avoir été victime, assorties des intérêts aux taux légal à compter du 28 mars 2017, date de réception de sa demande indemnitaire préalable ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier :
- le tribunal ne pouvait, sans méconnaître son office, omettre d'examiner le droit à réparation née de la responsabilité sans faute de l'Etat qui a un caractère d'ordre public ;
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen qui n'était pas inopérant tiré de la méconnaissance par l'administration des dispositions légales et réglementaires relatives à la prévention des risques professionnels et à la protection de la santé prévue par les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail.
- le jugement est infondé :
- le tribunal s'est livré à une appréciation erronée des faits de l'espèce en se fondant sur une fausse accusation d'agression verbale dénoncée par Mme C..., sa supérieure hiérarchique, auprès de la directrice de l'unité départementale (UD) 37, en déniant le caractère vexatoire de l'envoi à son intention, par la directrice de l'UD 37, d'une fiche de poste relative à la fonction d'inspecteur du travail jointe à un rappel à l'ordre infondé et en dénaturant les termes d'un courrier qu'il a adressé le 21 mai 2013 à une de ses agents ;
- il a subi des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral de la part de Mme C..., de Mme K..., directrice de l'UD 37, du directeur de la DIRECCTE du Centre-Val de Loire et de M. B..., nouveau directeur de l'UD 37 à compter du 1er juillet 2016 :
* une accusation mensongère d'agression verbale de la part de Mme C... ;
* Mme C... a dicté à des agents placés sous sa subordination de signer une pétition collective des agents de l'UD 37 dénonçant un " climat de violence " et des " agressions verbales et physiques " de " certains agents à l'égard des autres " ;
* Mme C... n'a aucunement répondu à ses alertes répétées concernant sa surcharge de travail ;
* Mme K... aurait dû le placer sous la subordination directe d'un autre responsable de l'UD 37 ;
* ces agissements ont conduit à la dégradation de son état de santé, alors qu'il souffrait d'une fragilité psychologique antérieure, et plusieurs agents se sont trouvés à leur tour en arrêt de travail de plusieurs mois ;
* le directeur de la DIRECCTE du Centre-Val de Loire ne pouvait désigner Mme K..., du fait de sa partialité, pour représenter l'administration dans le cadre de l'enquête prévue par l'article 5-7 du décret du 28 mai 1982 ;
* le directeur de la DIRECCTE du Centre-Val de Loire a méconnu les préconisations du médecin de prévention ;
* M. B... a pris des mesures conduisant à le couper de tout contact avec son environnement professionnel, en conservant son ordinateur portable professionnel, en supprimant son adresse de la liste de diffusion des messages de la direction de l'UD 37 en décembre 2016 et en le privant de l'accès à l'intranet du ministère du travail ;
* les difficultés rencontrées quant à son rétablissement à temps complet participent de son harcèlement moral ;
- il a été victime de discrimination syndicale, qui ne porte pas sur son absence d'inscription au tableau d'avancement, mais sur la prise en compte de considérations syndicales par sa hiérarchie de l'UT 37 et par la DIRECCTE du Centre-Val de Loire pour formuler leurs appréciations et établir leurs propositions d'inscription au tableau d'avancement en 2014 et 2015 ;
- il est fondé à demander la réparation de ses préjudices certains et directs liées à ces agissements.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°82-453 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 2003-770 du 20 août 2003 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;
- et les observations de M. G... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., inspecteur du travail depuis le 1er juin 2001, a été affecté à l'unité territoriale d'Indre-et-Loire (UT 37), devenue unité départementale d'Indre-et-Loire (UD 37), de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du Centre-Val de Loire. Il a ensuite été affecté, le 15 septembre 2014, à l'unité de contrôle Sud de cette unité et nommé responsable de la section 11 à dominante transports. Du 7 octobre au 8 novembre 2015, l'intéressé a été placé en congé pour maladie reconnue imputable au service, renouvelé sans interruption depuis cette date. Par courrier du 27 mars 2017, M. G... a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle et l'indemnisation des différents préjudices qu'il estime avoir subis en raison des agissements de l'administration. Par une décision implicite née le 28 mai 2017, la ministre du travail a rejeté les conclusions indemnitaires du requérant et par une décision expresse du 16 juin 2017, cette autorité a refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle. M. G... relève appel du jugement du 10 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. G... avait expressément soulevé devant les premiers juges le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration de son obligation particulière de prévention du harcèlement moral et des risques psychosociaux et de protection de la santé, prévue notamment par l'article L. 4121-2 du code du travail, liés à la mise en oeuvre anticipée de la réforme des services de l'inspection du travail en région Centre. Le tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen qui n'était pas inopérant. Dans ces conditions, le tribunal a entaché d'irrégularité son jugement, qui ne peut dès lors qu'être annulé.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif d'Orléans.
Sur les conclusions à fin d'annulation la décision du 16 juin 2017 par laquelle la ministre du travail a refusé d'octroyer à M. G... la protection fonctionnelle pour des faits constitutifs de harcèlement moral et de discrimination syndicale :
En ce qui concerne le harcèlement moral :
4. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".
5. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
7. Les faits dénoncés par M. G... à l'appui de sa demande, pris dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence du harcèlement moral allégué et traduisent davantage des relations de travail très dégradées au sein de l'unité départementale d'Indre-et-Loire (UD 37) de la direction régionale des entreprises, et plus particulièrement entre l'intéressé et son supérieur hiérarchique direct, Mme C..., appartenant à des organisations syndicales concurrentes, à compter de la nomination de cette dernière le 16 juillet 2014, dans un contexte de réforme de l'organisation et du fonctionnement de l'inspection du travail impliquant un redécoupage des sections d'inspection et l'affectation d'agents sur ces nouvelles sections, au sujet de laquelle M. G... et Mme C... avaient des positions diamétralement opposées.
8. En effet, et en premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du courriel du 19 mars 2014 du requérant adressé à Mme K..., que les échanges avec sa section étaient soit inexistants, soit particulièrement tendus, le requérant reconnaissant " cantonner son rôle de chef de service à une fonction purement administrative ". Il ressort également du rapport de M. H..., représentant du personnel au sein du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, en date du 16 décembre 2014, que le contexte était très dégradé à l'inspection du travail depuis plusieurs années, le rapport évoquant des " collègues en pleurs ", des " collègues qui ne se parlent plus " et l'existence de " clans " et une " grande difficulté à rester neutre ". Ce rapport rappelle également que les relations entre Mme C... et M. G... étaient conflictuelles et que tous deux souffraient de cette situation. S'agissant de l'accusation d'agression verbale imputée à Mme C..., les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la réalité des propos tenus lors des échanges des 15 et 17 septembre 2014 entre Mme C... et le requérant, dès lors que ces propos ont été tenus oralement et que les deux intéressés divergent quant à leur contenu.
9. En deuxième lieu, les allégations du requérant selon lesquelles Mme C... aurait " dicté " à des agents placés sous sa subordination de signer une pétition collective des agents de l'UT 37 dénonçant un " climat de violence " et des " agressions verbales et physiques " de " certains agents à l'égard des autres " ne reposent sur aucun élément sérieux. De plus, il ressort des termes même de cette pétition qu'elle se borne à dénoncer un climat délétère au sein de l'UT 37 sans mettre en cause aucun agent nommément et comprend des termes très généraux. Le refus de Mme K..., par courriel du 31 octobre 2014, de diligenter une enquête relative à la pétition mentionnée ci-dessus, est motivé, notamment, par la circonstance qu'aucune personne n'étant mentionnée, ce document, non transmis à la hiérarchie n'avait pas porté préjudice à un ou des agents de l'unité territoriale. La circonstance que Mme K... ait finalement été désignée en qualité de représentant de l'administration pour mener l'enquête diligentée par le CHSCT régional dans le cadre d'un signalement de l'intéressé pour danger grave et imminent afin de déterminer la nature et les conséquences de la diffusion de la pétition mentionnée ci-dessus, n'est pas, en elle-même, de nature à entacher l'enquête menée de partialité. La transmission d'une fiche de poste relative à la fonction d'inspecteur du travail à l'intéressé le 14 juin 2013 de la part de Mme K..., dans le cadre d'un rappel à l'ordre, n'excède pas en l'espèce les limites du pouvoir hiérarchique. Le directeur de la DIRECCTE du Centre-Val de Loire a, en outre, pris en compte les signalements du requérant concernant le climat professionnel délétère à l'origine de son alerte pour danger grave et imminent, dès lors qu'il a missionné un cabinet spécialisé pour faire émerger des pistes d'amélioration à la situation de tension entre les agents de l'unité territoriale. La circonstance que le directeur de la DIRECCTE du Centre-Val de Loire se serait opposé comme membre de la commission de réforme à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de l'intéressé ne saurait constituer en soi un agissement participant du harcèlement moral allégué. Mme K... n'était enfin nullement tenue de placer l'intéressé sous la subordination directe d'un autre responsable de l'UT 37 que Mme C..., dès lors qu'aucun élément ne permet d'affirmer que cette dernière aurait elle-même exercé son pouvoir hiérarchique au-delà des limites autorisées. Quant au courrier adressé le 21 mai 2013 par M. G... à une de ses agents, en l'occurrence Mme J..., contrôleur du travail, faisant suite à un refus de cette dernière de participer à son entretien professionnel annuel, il ne fait qu'illustrer un nouveau conflit d'ordre professionnel au sein de l'UT 37 de la DIRECCTE du Centre-Val de Loire, plus particulièrement entre M. G... et une de ses subordonnées.
10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la charge de travail de M. G... aurait été supérieure à celle normalement attendue d'un inspecteur du travail. S'il est constant que le requérant a été amené parfois à assurer l'intérim de certaines sections, dans l'intérêt du service, il en a été de même pour d'autres inspecteurs du travail de l'UD 37. Quant à l'intervention de Mme K... auprès du médecin de prévention, celle-ci n'avait pour objectif que de déterminer plus précisément les fonctions et la charge de travail que M. G... pouvait assumer en raison de son état de santé. A cet égard, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le directeur de la DIRECCTE du Centre-Val de Loire aurait méconnu les préconisations du médecin de prévention dans le cadre de sa demande de prise en charge partielle par l'intéressé d'une section généraliste, dès lors que le directeur de la DIRECCTE a pris en compte le double avis du médecin de prévention du 4 et 18 mai 2015, en prenant des décisions modificatives les 29 avril 2015 et du 29 juin 2015, déchargeant successivement M. G... du contrôle des établissements dans la section 15 et dans la section 16 de l'UT 37, même si, eu égard aux contraintes du service, il a été nécessaire de confier à l'intéressé par une décision du 30 juin 2015 la charge partielle d'une nouvelle section, en l'occurrence la section 19, au sein de laquelle il a été chargé d'assurer le contrôle des établissements de plus de 200 salariés.
11. En dernier lieu, les allégations du requérant selon lesquelles M. B..., nouveau directeur de l'UD 37 à compter du 1er juillet 2016 en remplacement de Mme K..., aurait pris des mesures conduisant à l'isoler de son environnement professionnel, en conservant son ordinateur portable professionnel, en supprimant son adresse de la liste de diffusion des messages de la direction de l'UD 37 en décembre 2016 ou encore en le privant de l'accès à l'intranet du ministère du travail ne sont corroborées par aucun élément probant. La ministre fait valoir sans être sérieusement contredit à cet égard que le congé de l'intéressé ayant été renouvelé à compter du 23 mai 2016 et son retour en activité ne devant pas intervenir avant un certain temps, l'usage d'un ordinateur professionnel et l'accès à la messagerie professionnelle ne paraissaient pas devoir lui être utiles dans l'immédiat, mais que M. G... ayant néanmoins fait connaître, par lettre du 11 avril 2017, l'intérêt qui s'attachait pour lui à conserver un lien avec son univers professionnel par la voie de la messagerie, la connexion à sa messagerie professionnelle a, par décision du 22 mai 2017, été rétablie. Aucun élément ne permet davantage de laisser présumer que les difficultés rencontrées par l'intéressé, liées au rétablissement de son temps de travail à temps complet, participeraient d'une conjonction d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral. Il ressort enfin des pièces du dossier, et notamment d'un courriel du 19 mars 2014 du requérant, que l'aggravation de l'état dépressif de l'intéressé est lié au ressenti de l'intéressé concernant le projet de " ministère fort " dont il contestait la légitimité, notamment en tant que secrétaire en Indre-et-Loire du syndicat CGT-travail. Il ressort également des rapports d'expertise médicales produits que M. G... est sujet à une détresse au travail importante et que la dégradation de son moral et de son état de santé préexistait aux agissements reprochés à ses supérieurs hiérarchiques et a pour origine un sentiment plus général de dévalorisation de son travail.
En ce qui concerne la discrimination syndicale :
12. M. G... soutient qu'il a été discriminé en raison de son engagement syndical dès lors que sa hiérarchie a pris en compte des considérations syndicales pour formuler ses appréciations et établir les propositions d'inscription aux tableaux d'avancement en 2014 et 2015.
13. D'une part, aux termes de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " (...) Sauf pour les emplois laissés à la décision du Gouvernement, l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : 1° Soit au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents (...) ". Aux termes de l'article 14 du décret du 20 août 2003 portant statut particulier du corps de l'inspection du travail, dans sa version applicable du 7 août 2000 au 9 mai 2016 : " L'avancement de grade a lieu exclusivement au choix, après inscription à un tableau d'avancement dans les conditions ci-après : a) Peuvent être promus directeurs adjoints du travail les inspecteurs du travail ayant atteint le 5e échelon de leur grade et exercé effectivement les fonctions d'inspecteur pendant au moins cinq années ; (...) ". Aux termes de l'article 12 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le tableau d'avancement prévu à l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée est préparé, chaque année, par l'administration en tenant compte notamment de : / 1° Des comptes rendus d'entretiens professionnels ou des notations pour les agents soumis au régime de la notation ; / 2° Des propositions motivées formulées par les chefs de service, notamment au regard des acquis de l'expérience professionnelle des agents au cours de leur carrière ; / 3° Pour les périodes antérieures à l'entrée en vigueur du présent décret, des comptes rendus d'entretien professionnel ou des notations et, pour les agents qui y étaient soumis, des évaluations retracées par les comptes rendus de l'entretien d'évaluation. (...) ".
14. D'autre part, il appartient au juge administratif, de manière générale, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
15. Si les dispositions citées au point 13 donnent vocation aux fonctionnaires, lorsque leur avancement est opéré au choix, à figurer sur le tableau d'avancement dès lors qu'ils réunissent les conditions exigées par leurs statuts, elles ne leur confèrent aucun droit à l'inscription sur ledit tableau. L'inscription à un tableau d'avancement doit être fondée sur la valeur professionnelle de chacun des agents promouvables, l'ancienneté ne pouvant être prise en compte que pour départager, le cas échéant, des candidats d'égal mérite. En se bornant à alléguer que son engagement syndical a été particulièrement visible au cours des années 2012 à 2014, au cours desquelles il a fait preuve d'une forte opposition au projet de réorganisation de l'inspection du travail baptisée " ministère fort ", que la hiérarchie régionale de l'inspection du travail est liée au syndicat SNU-TEF Centre et à l'UD 37 et que des agents adhérents à ce syndicat, M. I... et Mmes J... et D..., auraient été promus pour ce motif, M. G..., qui ne peut se prévaloir d'aucun droit à être inscrit aux tableaux d'avancement en cause, n'apporte aucun élément permettant de faire présumer une discrimination syndicale à son encontre.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 16 juin 2017 par laquelle le ministre du travail a refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle.
Sur la responsabilité de l'administration pour méconnaissance des dispositions légales et réglementaires relatives à la prévention des risques professionnels et à la protection de la santé :
17. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. " Aux termes de l'article L.4121-2 du même code : " L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source (...) ; ".
18. Il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait manqué à ses obligations tendant à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs sous sa responsabilité, notamment dans le cadre de la prévention du risque général lié au harcèlement moral. La réforme de l'inspection du travail ne saurait en outre, par elle-même, induire des risques professionnels, les éventuels risques ne pouvant résulter que d'une mise en oeuvre inadaptée par les instances nationales et locales. En l'espèce, aucun élément ne permet d'établir que la mise en oeuvre anticipée de la réforme des services de l'inspection du travail en région Centre aurait été conduite dans des conditions de nature à créer, chez les agents intéressés, des risques particuliers pour leur santé physique et mentale, alors même que les nombreux dysfonctionnements relevés au sein de l'UD 37 préexistaient à la mise en oeuvre de cette réforme et étaient liés à un contexte de tension plus général entre agents. Par suite, l'administration qui n'a pas méconnu les obligations découlant des dispositions précitées n'a commis aucune illégalité.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
19. Il résulte, d'une part, de ce qui a été dit aux points 4 à 16 que le ministre du travail en refusant d'octroyer à M. G... la protection fonctionnelle pour des faits constitutifs de harcèlement moral et de discrimination syndicale n'a commis aucune illégalité fautive. D'autre part, et ainsi qu'il vient d'être rappelé aux points 17 et 18, l'administration n'a pas davantage commis de faute dans la mise en oeuvre des dispositions légales et réglementaires relatives à la prévention des risques professionnels et à la protection de la santé. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par M. G... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
20. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre la décision du 16 juin 2017 et les prétentions indemnitaires présentées par M. G..., n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint à la ministre du travail de lui octroyer la protection fonctionnelle ou de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. G... au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 10 janvier 2019 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : La demande de M. G... présentée devant le tribunal administratif d'Orléans et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... G... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
O. COIFFET
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00984