Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...D...et le syndicat CFDT des services Roubaix-Tourcoing ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 juillet 2013 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé sa décision implicite de rejet du 15 juillet 2013 née du silence gardé sur son recours hiérarchique, à l'encontre de la décision du 30 janvier 2013 de l'inspecteur du travail ayant autorisé son licenciement pour faute par la société Innotec Automotive France, ensemble cette décision.
Par un jugement n° 1305721 du 1er octobre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 décembre 2014 et le 29 septembre 2016, M. D...et le syndicat CFDT des services Roubaix-Tourcoing, représentés par Me F... B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1305721 du 1er octobre 2014 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir, la décision du 25 juillet 2013 du ministre chargé du travail et celle du 30 janvier 2013 de l'inspecteur du travail 23ème section de Tourcoing 1 ayant autorisé le licenciement de M. D...;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 400 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier, le tribunal administratif ayant ajouté un grief supplémentaire à la décision de l'inspecteur du travail ;
- la faute invoquée n'est pas de nature à justifier le licenciement ;
- la décision du ministre est entachée d'un vice de forme ;
- le licenciement de M. D...est lié à son mandat de délégué syndical.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 février 2015, le 6 juillet 2015, le 5 février 2016 et le 9 septembre 2016, la société Innotec Automotive France, représentée par Me A...E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D...et du syndicat CFDT des services Roubaix-Tourcoing d'une somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. D...et le syndicat CFDT des services Roubaix-Tourcoing ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête de M.D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,
- et les observations de Me F...B..., représentant M.D....
1. Considérant que M. D...occupait depuis le 1er juillet 2006 les fonctions de manager instructeur au sein de la société Innotec Automotive France, spécialisée dans la diffusion des produits nettoyants, colles, graisses et d'outillage destinés aux professionnels de l'automobile, des poids lourds et du bâtiment ; qu'il était chargé de la formation des personnels nouvellement recrutés et de la vente sur un secteur géographique déterminé ; qu'il détenait, depuis sa désignation le 23 février 2012 par le syndicat CFDT des services Roubaix-Tourcoing, le mandat de délégué syndical ; qu'il relève appel du jugement du 1er octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 juillet 2013 du ministre chargé du travail ayant confirmé sa décision implicite de rejet du 15 juillet 2013 née du silence gardé sur son recours hiérarchique et de celle du 30 janvier 2013 de l'inspecteur du travail de la 23ème section de Tourcoing 1 ayant autorisé son licenciement pour motif disciplinaire ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que la circonstance que le tribunal administratif de Lille aurait ajouté un motif à la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement du requérant constitue un moyen affectant le bien-fondé du jugement ; que dès lors, le moyen tenant à l'irrégularité, pour ce motif du jugement, doit être écarté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 janvier 2013 de l'inspecteur du travail :
3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
4. Considérant que la décision contestée de l'inspecteur du travail est fondée sur le refus de M. D...de se conformer aux demandes de sa hiérarchie, effectuées notamment par courrier en juillet 2011 et janvier 2012, de production de rapports journaliers de ses ventes ; qu'il a, pour cette raison, fait l'objet de deux avertissements le 11 juillet 2011 et le 17 février 2012 ; que son attitude ne permet pas à la société Innotec Automotive France d'assurer le suivi de son activité commerciale et de maîtriser ses ventes ; que le requérant, qui au demeurant admet ne pas avoir établi les rapports demandés pour la période de mars à août 2012, ne peut sérieusement soutenir qu'il aurait ensuite rétabli la situation, en se bornant à produire un document mensuel d'activité dressé selon un canevas de sa création, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il répondrait aux besoins de son employeur ; que M. D...ne peut, non plus, utilement justifier son attitude par le fait que son supérieur hiérarchique, directeur des ventes de l'entreprise, n'était pas soumis à cette obligation de production de rapports journaliers, ni utilement se prévaloir de la circonstance que le directeur technique de l'entreprise, chargé comme le requérant d'un secteur de vente et d'une mission transversale spécifique dans l'entreprise, n'aurait également pas été soumis à cette obligation ; qu'eu égard à ses fonctions de vendeur, en charge d'un secteur géographique déterminé, et à son rôle spécifique dans le domaine de la formation initiale des personnels nouvellement embauchés, auxquels il présentait l'entreprise et ses exigences, M. D... ne pouvait ignorer l'importance de la production de ces documents ; que le non-respect des consignes ou l'absence de remise de comptes-rendus de son activité, qui ont persisté malgré deux sanctions disciplinaires antérieures, caractérisent de la part du salarié un comportement relevant de la négligence ou de la mauvaise volonté délibérée ; qu'elles, dès lors, sont constitutives d'une faute de nature à justifier son licenciement ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise l'inspecteur du travail doit être écarté ;
5. Considérant que la seule circonstance que le 5 mars 2012 la société Innotec Automotive France ait engagé devant le tribunal d'instance de Lille une procédure afin de faire annuler la désignation de M. D...en tant que délégué syndical pour l'union économique et sociale que constitueraient les sociétés Innotec Automotive France, Innotec Truck France et le Centre administratif de la Lys n'est pas de nature à démontrer l'existence d'un lien entre son mandat et son licenciement, dès lors que le requérant avait déjà fait en juillet 2011 et février 2012 l'objet de sanctions, pour des faits justifiant ultérieurement son licenciement ; qu'il ne peut sérieusement, au soutien de cette allégation, affirmer que son contrat de travail aurait fait l'objet d'une modification unilatérale en septembre 2012 en ce qui concerne l'utilisation personnelle de son véhicule de fonction, alors que la convention d'utilisation qu'il avait signé le 24 juillet 2006 en limitait effectivement l'utilisation et l'assurance aux seules missions professionnelles ; qu'enfin, la circonstance que la société Innotec Automotive France ait, postérieurement au licenciement de M. D...décidé de créer quatre autres structures régionales indépendantes n'établit pas la réalité d'un lien entre la sanction et son mandat représentatif ; que, par suite, le moyen tiré de l'existence d'un lien entre le mandat exercé et la procédure de licenciement doit être écarté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 juillet 2013 du ministre chargé du travail :
6. Considérant que lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur ; que, par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués, au soutien des conclusions dirigées contre cette décision ; que, dès lors, M. D...ne peut utilement se prévaloir de l'erreur de date entachant les visas de la décision contestée en ce qui concerne la décision de l'inspecteur du travail ;
7. Considérant que la décision contestée a repris les griefs retenus par l'inspecteur du travail, auxquels elle a ajouté l'absence de production des rapports détaillés à la fin de chaque session de formation des nouveaux arrivants ; qu'il est constant que ces éléments avaient aussi été réclamés au requérant par des courriers électroniques de la société Innotec Automotive France des 24 septembre et 8 octobre 2012 ; que, dès lors, pour le motifs explicité au point 4, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le ministre chargé du travail ; que, pour le motif explicité au point 5, il y a également lieu d'écarter le moyen tiré de l'existence d'un lien entre le mandat de M. D...et la mesure de licenciement ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...et le syndicat CFDT des services Roubaix-Tourcoing ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 1er octobre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ; que leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Innotec Automotive France présentées sur le fondement des dites dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...et du syndicat CFDT des services Roubaix-Tourcoing est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Innotec Automotive France présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., au syndicat CFDT des services Roubaix-Tourcoing, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Innotec Automotive France.
Délibéré après l'audience publique du 6 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 20 octobre 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°14DA01927
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