LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 février 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 184 F-B
Pourvoi n° G 22-21.209
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025
M. [T] [C], domicilié [Adresse 2], [Localité 5], a formé le pourvoi n° G 22-21.209 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [7], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4]-Pyrenées, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [C], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [7], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, M. Leblanc, conseiller, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 7 juillet 2022), M. [C] (la victime), ancien salarié de la société [7] (l'employeur), a déclaré, le 18 juillet 2013, une affection professionnelle consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante, consistant en des plaques pleurales, qui a été prise en charge par une caisse primaire d'assurance maladie, le 5 novembre 2013, au titre de la législation professionnelle.
2. Le 1er avril 2014, la victime a accepté l'offre d'indemnisation présentée par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA), prévoyant notamment le versement d'une indemnité en réparation de son préjudice moral.
3. Par jugement du 14 décembre 2015, confirmé par arrêt du 14 février 2019, une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale a reconnu la faute inexcusable de l'employeur et a partiellement accueilli l'action subrogatoire du FIVA.
4. La victime a saisi une juridiction prud'homale, le 14 avril 2014 en référé, puis le 31 mars 2015 au fond, d'une demande tendant à la condamnation de son employeur à la réparation de son préjudice d'anxiété. Cette juridiction s'est déclarée incompétente pour statuer sur cette demande en indemnisation d'un dommage résultant d'une maladie professionnelle, au profit de la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
6. La victime fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors :
« 1° / que le préjudice spécifique d'une personne exposée à l'amiante atteinte d'une maladie due à celle-ci consistant dans l'anxiété permanente face au risque de dégradation de son état de santé et de menace sur son pronostic vital est distinct du préjudice moral résultant de la maladie elle même consistant dans les souffrances endurées en raison de celle-ci ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que « [la victime] a été indemnisé[e] [par le FIVA] suivant offre qu'[elle] a accepté le 1er avril 2014 des préjudices résultant de la maladie professionnelle déclarée le 18 juillet 2013 dont à hauteur de 15 400 euros d'un préjudice moral » et que le préjudice d'anxiété dont la victime demandait indemnisation était « le préjudice moral spécifique dont sont atteintes les victimes de maladies dues à l'amiante [qui] est constitué par l'anxiété permanente de voir se réaliser le risque de dégradation de leur état de santé et de menaces de leur pronostic vital » ; qu'en retenant pourtant que « la somme de 15 400 euros versée par le FIVA [?] répare le préjudice d'anxiété », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
2°/ que les transactions se renferment dans leur objet et sont d'interprétation stricte ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que « [la victime] a été indemnisé[e] suivant offre [de transaction avec le FIVA] qu'[elle] a accepté le 1er avril 2014 des préjudices résultant de la maladie professionnelle déclarée le 18 juillet 2013 dont à hauteur de 15 400 euros d'un préjudice moral » ; qu'en retenant que « [la victime] est irrecevable en sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété » alors que ce préjudice ne figure pas dans l'offre de transaction, la cour d'appel a violé les articles 2048 et 2049 du code civil ;
3°/ que si, par exception, une transaction peut être interprétée plus largement, c'est au regard de l'intention des parties et telle que cette intention résulte de la suite nécessaire de ce que les parties ont exprimé expressément dans la transaction ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a considéré que « la somme de 15 400 euros versée par le FIVA [dans le cadre de la transaction] en réparation d'un préjudice moral [?] répare le préjudice d'anxiété » en se fondant sur les motifs du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 14 décembre 2015 et sur l'arrêt confirmatif de la cour d'appel du 14 février 2019, statuant sur la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de sa maladie, qui a retenu l'existence d'un préjudice moral pour la victime résultant de la maladie ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette interprétation de la transaction traduisait l'intention des parties et constituait la suite nécessaire de ce qu'elles avaient exprimé expressément, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2048 et 2049 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte de l'article 53, IV, alinéa 3, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, que l'acceptation de l'offre présentée par le FIVA rend irrecevable toute action juridictionnelle future en réparation du même préjudice engagée par la victime à l'encontre de son employeur.
8. Le préjudice moral indemnisé par le FIVA, qui est caractérisé par la spécificité de la situation des victimes de l'amiante, amenées à constater le développement de la maladie et son évolution, inclut le préjudice d'anxiété subi par ces victimes après la déclaration de la maladie prise en charge au titre de la législation professionnelle.
9. L'arrêt énonce que la victime a été indemnisée par le FIVA, suivant offre acceptée le 1er avril 2014, des préjudices résultant de la maladie professionnelle déclarée le 18 juillet 2013. Il relève que cette offre acceptée comporte l'indemnisation d'un préjudice moral. Il retient que ce poste de préjudice répare le préjudice d'anxiété.
10. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété postérieur à la déclaration de la maladie professionnelle, présentée par la victime à l'encontre de son employeur, était irrecevable.
11. Le moyen, inopérant en ses deuxième et troisième branches, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-cinq.