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14/12/2011 | FRANCE | N°09MA03342

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2011, 09MA03342


Vu la requête, enregistrée le 1er septembre 2009, présentée pour LA SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT SA, représentée par son président directeur général, dont le siège est sis Chartreuse de Bonpas à Caumont sur Durance (84150) par la SCP d'avocats Tremolet de Villiers-Schmitz-Le Maignan ; la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT SA demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800063 du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes n'a fait que partiellement droit à sa demande de condamnation de Réseau Ferré de France en réparation de l'ensemble des préjud

ices subis par sa propriété la Chartreuse de Bonpas et résultant des trava...

Vu la requête, enregistrée le 1er septembre 2009, présentée pour LA SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT SA, représentée par son président directeur général, dont le siège est sis Chartreuse de Bonpas à Caumont sur Durance (84150) par la SCP d'avocats Tremolet de Villiers-Schmitz-Le Maignan ; la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT SA demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800063 du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes n'a fait que partiellement droit à sa demande de condamnation de Réseau Ferré de France en réparation de l'ensemble des préjudices subis par sa propriété la Chartreuse de Bonpas et résultant des travaux de construction de la ligne TGV Méditerranée et de ses ouvrages d'art ;

2°) de condamner Réseau Ferré de France à lui verser une indemnité d'un montant de 457,35 euros en réparation du préjudice lié à l'empoussiérage de ses vignes, de 79 273,49 euros correspondant au coût d'installation d'un réseau de mesures de vibration, de 1 143 367, 37 euros de 66 073, 40 euros pour troubles de jouissance et de 150 000 euros pour préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de Réseau Ferré de France la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner Réseau Ferré de France aux entiers dépens ;

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Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 10 janvier 2011, le mémoire présenté pour Réseau Ferré de France, représenté par son président, par la SELARL d'avocats Pichavant et Chetrit, qui conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamné au paiement des frais d'expertise d'un montant de 24 567,80 euros et, en tout état de cause, à la condamnation de la société requérante à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................

Vu, enregistré le 6 mai 2011, le mémoire en réplique de la S.C.I. DE CAUMONT SA, représentée par son président directeur général, par la SCP d'avocats Tremolet de Villiers-Schmitz- Le Maignan, qui persiste dans ses précédentes écritures ;

.............................

Vu, enregistrés les 18 et 30 novembre 2011, les mémoires présentés pour Réseau Ferré de France, représenté par son président, par la SELARL d'avocats Pichavant et Chetrit, qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu, enregistré le 29 novembre 2011, le mémoire présenté pour LA SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT SA, représentée par son président directeur général, par la SCP d'avocats Tremolet de Villiers-Schmitz-Le Maignan, qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public Réseau ferré de France en vue du renouveau du transport ferroviaire ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions, et notamment son article 2 ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 pris par le vice-président du Conseil d'Etat autorisant la cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2011 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Fédi, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Trimolet de Villiers pour la SA IMMOBILIERE DE CAUMONT ;

Considérant que la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT relève appel du jugement du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes n'a fait que partiellement droit à sa demande de condamnation de Réseau Ferré de France en réparation de l'ensemble des préjudices qu'elle estime subis par sa propriété la Chartreuse de Bonpas et résultant des travaux de construction de la ligne TGV Méditerranée et de ses ouvrages d'art à proximité immédiate de cette propriété ; que, par la voie de l'appel incident, Réseau Ferré de France demande la réformation de ce jugement en tant qu'il a inclus dans le préjudice indemnisable les frais de l'expertise, ordonnée le 10 juin 1997 par le président du tribunal administratif de Marseille, d'un montant de 24 567,80 euros ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'il est constant que Réseau Ferré de France a posé, pour les besoins du chantier, une canalisation d'eau sur une des parcelles de la propriété de la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT ; que cette occupation temporaire de la parcelle a dépossédé le propriétaire de cette dernière d'un élément de son droit de propriété ; qu'il n'est pas contesté par Réseau ferré de France que cette dépossession partielle de la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT a été exécutée sans aucun titre et sans son accord ; qu'elle constitue dès lors une emprise irrégulière ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de la société requérante tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur la responsabilité de Réseau Ferré de France :

Considérant que la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT a la qualité de tiers par rapport à l'opération de travaux publics engagée ; que la responsabilité du maître de l'ouvrage public est susceptible d'être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cette opération ; qu'il appartient toutefois à l'appelante d'apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre les travaux publics et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;

En ce qui concerne les préjudices liés à l'exécution des travaux d'implantation de l'ouvrage public :

Considérant en premier lieu que le préjudice lié à l'empoussiérage des vignes de la propriété et résultant d'une perte alléguée de production de la récolte de vin d'appellation d'origine contrôlée de la propriété n'est pas établi dans sa réalité ;

Considérant en deuxième lieu que la SOCIETE IMMOBLIERE DE CAUMONT n'établit pas avoir supporté le coût d'installation du réseau des mesures de vibration créés par les travaux du tunnel de la ligne ferroviaire, que l'expert a estimé nécessaire pour prévenir le danger d'écroulement des bâtiments ; que ce chef de préjudice a pu ainsi à bon droit être écarté par les premiers juges ;

Considérant en troisième lieu que la baisse alléguée, pendant l'année des travaux, de l'activité commerciale du domaine de la Chartreuse de Bonpas, qui produit du vin et qui loue une partie de ses locaux aux touristes pendant les vacances, n'est établie par aucune pièce, notamment comptable, du dossier ;

En ce qui concerne les préjudices liés à l'existence de l'ouvrage public :

Considérant que, d'une part, la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT, pour établir la perte de la valeur vénale de sa propriété eu égard à la création d'un tunnel ferroviaire et d'un viaduc visibles depuis le Prieuré, se borne à produire un extrait de la revue Propriétés de France paru en novembre-décembre 2000, faisant état de ce que cette propriété serait en vente ; qu'à défaut pour l'appelante de produire notamment un document attestant de la valeur vénale de son domaine avant le début et après ces travaux, ce préjudice n'est pas justifié et n'ouvre pas droit à indemnisation ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise que le tunnel litigieux a son entrée et sa sortie situées à plus de 200 m de la Chartreuse et n'est pas susceptible d'entraîner des troubles de voisinage dans une mesure telle que les conditions d'habitation s'en trouveraient sensiblement modifiées ; qu'en outre, l'environnement existant avant les travaux litigieux autour de la Chartreuse, enserrée entre l'autoroute A7, la route départementale 973, de nombreuses lignes électriques à haute tension, l'aéroport Avignon-Caumont sur Durance et une station d'épuration à l'est du site, était déjà très dégradé ; qu'ainsi, les sujétions que comporte la création de ce tunnel et de ce viaduc pour la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT ne sont pas excessives par rapport à celles que doivent supporter sans indemnité les riverains des voies publiques ; que, dans ces conditions, la présence de la ligne du TGV Méditerranée n'est pas de nature à occasionner pour la société requérante un préjudice anormal et spécial, seul susceptible d'ouvrir droit à indemnisation ; que, par suite, les conclusions de la société tendant à la réparation du préjudice résultant de la dépréciation de sa propriété eu égard à l'existence dudit ouvrage public doivent être rejetées ;

Considérant que le préjudice moral personnel propre à la société requérante allégué n'est pas établi par les circonstances que cette société invoque ; que, par suite, il n'y a pas lieu de condamner Réseau Ferré de France à l'indemniser à ce titre ;

En ce qui concerne le préjudice résultant de la prise en charge de frais d'expertise :

Considérant que par un arrêt du 6 novembre 2006, la Cour a mis à la charge de la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT les frais de l'expertise ordonnée le 10 juin 1997 par le président du tribunal administratif de Marseille ; que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nîmes a considéré que ces frais devaient être comptés au nombre des préjudices résultant directement des travaux réalisés pour le compte de Réseau Ferré de France qui a été condamné, en conséquence, à en assurer la réparation par les versement à la société appelante d'une somme de 24 567, 80 euros ; que, ainsi qu'il a été dit plus haut, Réseau Ferré de France demande par la voie de l'appel incident que cette somme soit exclue du préjudice indemnisable de la société ;

Considérant d'abord qu'en l'absence d'identité de cause et de parties, cette condamnation ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt précité du 6 novembre 2006 ;

Considérant ensuite qu'aux termes de l'article 6 de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 susvisée: Réseau ferré de France est substitué à la Société nationale des chemins de fer français pour les droits et obligations liés aux biens qui lui sont apportés, à l'exception de ceux afférents à des dommages constatés avant le 1er janvier 1997 (...) ; que le rapport d'expertise contradictoire a été déposé au tribunal administratif de Nîmes par l'expert le 12 mars 1998 ; que les dommages allégués n'ont ainsi pas été constatés avant le 1er janvier 1997 ; qu'en application de ces dispositions, Réseau Ferré de France est substitué dans les droits de la SNCF pour les contentieux en cours, alors même que cet établissement n'était pas représenté lors de cette expertise, sur laquelle il a pu toutefois, ainsi qu'il l'a fait, émettre ses observations ;

Considérant enfin que les frais et dépens qu'a supporté une personne en raison d'une instance dans laquelle elle était partie, sont au nombre des préjudices dont elle peut obtenir réparation, devant le juge, de la part de l'auteur du dommage, sauf dans le cas où ces frais et dépens sont supportés en raison d'une procédure qui n'a pas de lien de causalité directe avec le fait de cet auteur ; qu'en l'espèce, l'expertise judiciaire, diligentée par la société, a été utile au juge administratif pour la détermination du préjudice indemnisable de la victime ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont compris son coût dans l'évaluation du préjudice total de la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT ; que la pertinence des conclusions de l'expert n'est pas de nature à établir l'exagération de ses honoraires dont le montant correspond à une rémunération normale, eu égard aux travaux et démarches accomplis ; que, dans ces conditions, il y a lieu de confirmer la condamnation de réseau Ferré de France à réparer le préjudice résultant de la prise en charge par la société appelante des frais d'expertise dont s'agit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les demandes de réformation tant principales qu'incidentes doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'une des parties une somme à verser à l'autre au titre des frais non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT SA est rejeté.

Article 2 : Les conclusions incidentes présentées par Réseau Ferré de France sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT et par Réseau Ferré de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE IMMOBILIERE DE CAUMONT, à Réseau Ferré de France et à la SNCF.

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N° 09MA033426

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA03342
Date de la décision : 14/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité. Qualité d'usager.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SCP TREMOLET DE VILLIERS - SCHMITZ - LE MAIGNAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-12-14;09ma03342 ?
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