Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 janvier 2002, l'ordonnance du 31 décembre 2001 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat le dossier de l'appel de M. X ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, le 29 septembre 2000 et le 17 décembre 2001, présentés pour M. Gérard X, demeurant ... ; M. X demande au juge d'appel :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 juillet 2000 statuant sur question préjudicielle renvoyée par jugement du tribunal de grande instance du 3 mai 1999 du tribunal de grande instance de Grenoble, en tant qu'il a décidé que l'opération réalisée sur les terrains expropriés à l'encontre de M. X était conforme à l'objet de l'arrêté du préfet de l'Isère du 3 avril 1987 portant déclaration d'utilité publique du projet d'acquisition des terrains nécessaires à l'implantation de logements sociaux au lieudit la Ponsonnière ;
2°) de déclarer que l'apport au capital de la société d'économie mixte Les Grangettes des parcelles X acquises par la commune de l'Alpe d'Huez en vue d'une déclaration d'utilité publique du 3 avril 1987 ne correspondent pas à la déclaration d'utilité publique délivrée à la commune d'Huez ;en ;Oisans en vue de la création de logements sociaux ;
3°) de condamner la commune d'Huez ;en ;Oisans à lui verser la somme de 5 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu loi n° 85-729 du 18 juillet 1985, modifiée par la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;
Vu le décret n° 85-513 du 31 décembre 1985 dans sa rédaction issue du décret n° 87-282 du 8 avril 1987 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. X et de la SCP Thouin-Palat, Urtin-Petit, avocat de la commune de Huez-en-Oisans,
- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, saisi sur le fondement de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique d'une demande tendant à la rétrocession à M. X de biens expropriés au bénéfice de la commune d'Huez-en-Oisans à la suite d'un arrêté portant déclaration d'utilité publique du préfet de l'Isère en date du 3 avril 1987, le tribunal de grande instance de Grenoble a, par un jugement en date du 3 mai 1999, et après avoir relevé que la notion de création de logements sociaux visée par la déclaration d'utilité publique suscite des difficultés d'interprétation qu'il convient de soumettre au juge administratif, décidé de surseoir à statuer et de renvoyer au juge administratif la question préjudicielle de savoir si l'apport au capital de la société d'économie mixte Les Grangettes des parcelles expropriées à l'encontre de M. X ainsi que les conditions dans lesquelles sont gérés les immeubles édifiés sur ces terrains correspondent à une création de logements sociaux au sens de la déclaration d'utilité publique ; que, saisi par M. X, le tribunal administratif de Grenoble a déclaré l'opération réalisée par M. X conforme à l'objet de l'arrêté du préfet de l'Isère du 3 avril 1987 ; que M. X fait appel de ce jugement ;
Considérant que si, en application du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, la juridiction administrative est tenue de se prononcer sur les questions préjudicielles qui lui sont renvoyées par l'autorité judiciaire, il est fait exception à cette règle au cas où la juridiction administrative est elle-même incompétente, soit totalement, soit seulement à titre partiel pour connaître de la question préjudicielle soumise à son examen ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, il appartient au juge judiciaire de se prononcer sur le bien-fondé d'une demande de rétrocession de biens expropriés et, dès lors, de se prononcer sur le point de savoir si les immeubles ont ou non, dans le délai prévu par ce texte, reçu la destination qui était prévue dans la déclaration d'utilité publique ; que, toutefois, celui-ci peut, dans le cas de difficulté sérieuse, renvoyer au juge administratif, seul compétent pour trancher de telles questions, celles de la légalité ou l'interprétation des dispositions de la déclaration d'utilité publique ;
Considérant que, saisi par M. X, le tribunal administratif de Grenoble, qui aurait dû se borner, pour répondre à la question posée par le tribunal de grande instance, à déterminer ce qu'il fallait entendre par logements sociaux au sens de l'arrêté du préfet de l'Isère du 3 avril 1987, s'est prononcé sur les suites données à la déclaration d'utilité publique et a décidé que l'opération réalisée était conforme à l'objet de cet arrêté ; que le tribunal administratif a ainsi excédé la compétence qui est celle de la juridiction administrative en matière de rétrocession et que M. X est dès lors fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. X devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Considérant qu'en tant que les conclusions de la demande tendent à faire constater par la juridiction administrative que les terrains expropriés au bénéfice de la commune d'Huez-en-Oisans n'ont pas reçu l'affectation résultant de la déclaration d'utilité publique, ces conclusions doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Considérant, en revanche, qu'il appartient au Conseil d'Etat de donner au tribunal de grande instance l'interprétation demandée de l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 3 avril 1987 ;
Considérant que, pour l'interprétation de l'expression de logements sociaux utilisée par l'arrêté en cause, il convient de se référer à la législation et à la réglementation en vigueur au moment où a été réalisée l'opération envisagée par la commune d'Huez-en-Oisans ;
Considérant que l'arrêté préfectoral a entendu se référer aux dispositions du code de la construction et de l'habitation et, notamment, à ses articles R. 331-3 et suivants, dont il résulte que sont des logements sociaux les logements locatifs appartenant à une personne morale de droit public, à une société d'économie mixte ou à un organisme à vocation sociale, qui bénéficient de financements aidés par l'Etat, dont les loyers respectent un plafond et dont l'attribution est soumise à des critères d'ordre social ; qu'en revanche les conditions d'acquisition des logements ainsi que les modalités de leur gestion sont sans incidence sur leur qualification de logements sociaux ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Huez-en-Oisans et par M. X tendant à l'application de ces dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 12 juillet 2000 est annulé.
Article 2 : Il est déclaré que l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 3 avril 1987 doit être interprété dans le sens indiqué par les motifs de la présente décision.
Article 3 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune d'Huez-en-Oisans sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Gérard X, à la commune d'Huez-en-Oisans et au secrétaire d'Etat au logement.