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21/01/2020 | FRANCE | N°18PA00098

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 janvier 2020, 18PA00098


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 400 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la lettre du 26 janvier 2015 adressée par l'ambassadeur de France en Israël à son employeur, la société Accor.

Par un jugement n° 1619634 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2018, M. A...,

représenté par la SCP Morel-B...-Moisson, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 400 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la lettre du 26 janvier 2015 adressée par l'ambassadeur de France en Israël à son employeur, la société Accor.

Par un jugement n° 1619634 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2018, M. A..., représenté par la SCP Morel-B...-Moisson, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 novembre 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 400 000 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ambassadeur de France en Israël a adressé le 26 janvier 2015 à la société Accor, son employeur, un courrier mettant en cause des propos inappropriés qu'il aurait tenus sur sa vie privée et sa personnalité dans le cadre d'une réunion des conseillers du commerce extérieur ;

- au vu de ce courrier, la société Accor l'a licencié ;

- la lettre de l'ambassadeur présente le caractère d'une faute personnelle en lien direct avec ses fonctions ;

- en sollicitant de son employeur qu'une sanction soit prise à son encontre, l'ambassadeur a abusé des pouvoirs que lui confère sa fonction ;

- il ne pouvait pas s'adresser directement à l'employeur et ne pouvait agir que par le canal du ministère ;

- il n'a pas cherché à le rencontrer pour confronter les points de vue ;

- les propos reprochés ont été tenus dans un cadre privé ;

- ils ont été rapportés de manière tendancieuse par le conseiller économique et commercial ;

- les reproches de l'ambassadeur portent atteinte à sa liberté d'opinion et d'expression ;

- cette lettre est la cause directe et unique de son licenciement ;

- sa perte d'emploi lui a causé un préjudice financier et moral.

Par un mémoire enregistré le 19 avril 2019, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'ambassadeur n'a pas demandé qu'une sanction soit prise contre M. A... ;

- les faits n'ont pas été sérieusement contestés par M. A... ;

- la lettre de l'ambassadeur ne constitue pas un abus ou un détournement de pouvoir ;

- les préjudices allégués ne sont pas justifiés.

La clôture de l'instruction est intervenue le 10 mai 2019.

La Cour a pris connaissance du mémoire, enregistré le 19 décembre 2019 après la clôture de l'instruction, présenté par M. A....

Vu :

- le décret du 12 août 2013 portant nomination de conseillers du commerce extérieur de la France,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Péna, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... était directeur du développement de la société Accor en Israël. Par une lettre du 26 janvier 2015, l'ambassadeur de France en Israël a porté à la connaissance de la direction de cette société que " depuis plusieurs mois, M. A... (avait) multiplié au sein de la communauté d'affaires française et franco-israélienne des critiques récurrentes à l'encontre de la politique française vis-à-vis d'Israël ainsi que des critiques systématiques à l'égard de (sa) personne en diffusant des allégations sur (sa) vie privée ". Il précisait que, dans le cadre d'une réunion de la section Israël des conseillers du commerce extérieur le 8 décembre 2014,

M. A..., qui s'exprimait en qualité de vice-président de la section et en dehors de l'ordre du jour, avait proposé " un débat sur la personnalité et la vie privée de l'ambassadeur ". Il ajoutait que dans le courant du mois de janvier 2015, M. A... avait appelé plusieurs dirigeants de grands groupes français pour réitérer son mécontentement vis-à-vis de l'ambassade et de la politique française. L'ambassadeur concluait ce courrier en indiquant qu'il " souhaitait attirer l'attention (de la direction de la société Accor) sur un comportement qui est susceptible de nuire à l'image de la France et de créer des divisions au sein de la communauté française dans une période difficile qui nécessite un effort particulier de cohésion et de solidarité ". A la suite de cette lettre, la société Accor, après avoir entendu les explications de son collaborateur, a considéré que " son attitude et son absence de prise en considération de ses obligations professionnelles de réserve dans un contexte international sensible constituaient une faute professionnelle ". Elle a, en conséquence, licencié M. A... le 14 avril 2015.

2. M. A..., qui impute son licenciement à la lettre du 26 janvier 2015 qu'il estime constitutive d'une faute de l'ambassadeur, a demandé à l'Etat de l'indemniser de ses préjudices. Il relève appel du jugement du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

3. En premier lieu, M. A..., dans sa requête, ne conteste pas sérieusement la matérialité des faits rapportés par l'ambassadeur, ni le rapport du conseiller économique et commercial qui les relate. Il ressort par ailleurs de la lettre du 14 avril 2015 par laquelle son employeur l'a licencié que lors de l'entretien préalable il n'avait pas davantage contesté les faits mais simplement minoré leurs conséquences et précisé " qu'il se bornait à dire tout haut des choses qui se murmuraient dans le pays ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ambassadeur de France aurait rapporté des faits matériellement inexacts ni que les propos ou l'attitude de M. A... auraient été déformés.

4. En second lieu, si l'ambassadeur s'est plaint du comportement de M. A..., il n'a pas demandé qu'une sanction soit prise contre lui. En tout état de cause, la direction de la société Accor était seul juge des conséquences à tirer des faits portés à sa connaissance. L'employeur était ainsi libre de ne donner aucune suite à la lettre du 26 janvier 2015, ou de faire part à

M. A... des observations qu'appelaient les éléments dont il était saisi, d'envisager une autre affectation pour son salarié, ou de prendre à son égard une sanction.

5. En troisième lieu, si M. A... fait valoir qu'il a été porté atteinte à sa liberté de pensée et d'expression garantis par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, la lettre de l'ambassadeur se bornait à porter à la connaissance de la direction du groupe Accor le comportement d'un de ses employés susceptible de nuire à l'image de la France et à la cohésion de la communauté française. Pour le surplus, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'apprécier le caractère fautif, au regard des obligations découlant de son contrat de travail, des faits qui ont conduit son employeur à licencier M. A....

6. En quatrième lieu, l'ambassadeur pouvait porter directement à la connaissance de la direction du groupe Accor les faits dont il l'a saisie sans passer par le canal de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères. La lettre du 26 janvier 2015 n'est pas constitutive d'un abus de pouvoir. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'ambassadeur aurait été mu par des motifs étrangers à ceux mentionnés dans son courrier. Le détournement de pouvoir n'est pas établi.

7. En cinquième lieu, l'ambassadeur n'avait pas à recueillir les explications de M. A... avant d'adresser à la direction de la société Accor le courrier du 26 janvier 2015. Il ne ressort pas de l'instruction que M. A... aurait été délibérément empêché de se justifier en temps et de manière utiles des faits relatés dans cette lettre.

8. Il résulte de ce qui précède que l'ambassadeur de France en Israël n'a pas commis de faute en adressant à la direction de la société Accor le courrier du 26 janvier 2015 et que les préjudices dont fait état le requérant résultent d'une décision librement prise par son employeur. La responsabilité de l'Etat n'est donc pas engagée. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. E..., premier vice-président,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Jayer, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 janvier 2020.

Le rapporteur,

Ch. D...Le président,

M. E...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 18PA00098


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00098
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP MOREL CHADEL MOISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-21;18pa00098 ?
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