LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 octobre 2020
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 911 FS-P+B+I
Pourvoi n° U 18-25.021
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020
M. F... U..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 18-25.021 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société N'4 Mobilités, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, dont le siège est Rubelles rue des Meuniers, 77951 Maincy cedex,
3°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié 14 avenue Duquesne, 75350 Paris 07,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. U..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société N'4 Mobilités, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Vieillard, Taillandier-Thomas, Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, conseillers, Mmes Brinet, Le Fischer, M. Gauthier, Mmes Vigneras, Dudit, conseillers référendaires, Mme Ceccaldi, avocat général, et Mme Szirek, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2018), le 31 juillet 2008, M. U..., salarié en qualité de conducteur receveur de la société N'4 Mobilités (l'employeur), a été victime d'une agression physique, à bord de l'autobus qu'il conduisait. La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne ayant pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, M. U... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Examen des moyens
Sur les premier et second moyens, ce dernier pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen et les deux dernières branches du second moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. U... fait grief à l'arrêt de dire que l'accident du travail n'est pas du à la faute inexcusable de l'employeur, alors « qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; qu'il manque à cette obligation dans le cas où un chauffeur de bus est victime dans le car qu'il conduit d'une agression physique de la part de tiers ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour qu'en vingt mois vingt-trois agressions de chauffeurs de car avaient eu lieu donc quatre sur la ligne 202 dont l'une déclarée par M. U... le 29 juillet 2008 qui avait été giflé, qui avait eu ses lunettes cassées et s'était fait voler son portable, soit peu de temps avant la seconde agression du 31 juillet 2008 dont il avait été victime, ce dont l'employeur avait immédiatement été informé par le registre des incidents ; qu'en se bornant à énoncer que l'existence d'un danger antérieurement à l'accident n'était établie et encore moins la connaissance de ce danger par l'employeur dès lors qu'à la date du 28 juillet 2008 seules quatre agressions en vingt mois avaient été signalées sur la ligne 202, ce qui n'en constituait pas pour autant un danger particulier alors qu'elle constatait que les agressions des chauffeurs de car sur la ligne 202 et notamment à l'encontre de M. U... étaient établies et connues de l'employeur et que le CHSCT avait, selon procès verbal du 28 mai 2008, informé l'employeur des problèmes sur la commune d'Ozoir et demandé à la direction l'installation de vidéos embarquées dans les cars afin de limiter les risques d'agression, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :
4. Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
5. Pour dire que la connaissance par l'employeur d'un danger antérieurement à l'accident n'est pas établie et rejeter la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de celui-ci, l'arrêt retient qu'au jour de l'accident, seules quatre agressions en vingt mois avaient été signalées sur la ligne. Il relève que si, à l'évidence, M. U... souhaitait changer de ligne, il ne justifie pas avoir signalé à son employeur les injures, humiliations et menaces dont il faisait état dans son courrier du 29 juillet 2008, faits distincts de l'agression qui s'est réalisée. Il ajoute qu'aucun élément ne permet de démontrer qu'avant cette date, l'employeur connaissait ce danger particulier d'agression, et que, des attestations produites, il ressort que dès que la direction a été informée de son souhait de changer de ligne, elle a recherché à le remplacer, le 30 juillet, mais n'a trouvé personne, les autres collègues refusant. Il précise, enfin, que si le document unique d'évaluation des risques répertorie bien le risque d'agression lors de la vente et du contrôle des titres de transports et le risque de stress lié à la présence de public, aucune réunion du CHSCT n'alerte sur ce danger particulier d'agression avant l'accident, que ce n'est que dans le procès-verbal de réunion du CHSCT du 5 février 2009 qu'il est mentionné un projet de vidéo-surveillance et que ce système sera effectivement mis en place, début 2013, pour l'ensemble des véhicules de transport de la société.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du risque d'agression physique auquel étaient exposés les conducteurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt rendu le 28 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société N'4 Mobilités aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société N'4 Mobilités et la condamne à payer à M. U... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. U....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que l'accident du travail dont M. F... U... a été victime le 31 juillet 2008 n'était pas dû à la faute inexcusable de son employeur la société N'4 Mobilités et débouté M. U... de toutes ses demandes.
- AU MOTIF QUE sur l'existence d'une faute inexcusable de plein droit ; M. U... se prévaut de l'article L.4154-3 du code du travail, soutenant que :
- aussi bien lui que le CHSCT ont prévenu l'employeur du risque d'agression qui s'est matérialisé,
- il a lui-même signalé plusieurs fois à son employeur ce risque, notamment le 28 juillet 2008, en l'inscrivant sur le registre des incidents,
- par courrier du 29 juillet 2008, il lui avait fait part de ses craintes pour sa sécurité et demandé à changer de ligne,
- le service du planning avait contacté plusieurs collègues pour le remplacer.
La société réplique que :
- M. U... a bien indiqué sur le registre des incidents le 28 juillet 2008 s'être fait dérober son téléphone portable par deux individus qui l'auraient giflé et lui auraient cassé ses lunettes,
- cet incident n'a aucun lien avec l'agression survenue 3 jours plus tard,
- la société conteste avoir reçu le courrier du 29 juillet dont il est fait état et celui-ci ne comporte aucune signature de la personne à laquelle il aurait soidisant été remis,
- le tampon qui figure dessus était accessible aux agents et rien n'établit qu'il a été remis à l'employeur,
- outre le caractère illisible de certaines pièces d'identité, les attestations produites sont vagues et ne font état d'aucune date,
- M. R... était en litige avec la société suite à son licenciement,
- M. A..., contrairement à ses affirmations, n'a jamais conduit sur la ligne 202,
- M. B... ne peut être regardé comme représentant du personnel, élu seulement en 2010,
- le CHSCT réuni le 28 juillet 2008 n'a jamais informé l'employeur du risque réalisé le 31 juillet 2008, mais a évoqué des problèmes de répartition des contrôles sur la commune d'Ozoir-la-Ferrière, et demandé également l'installation de vidéos embarquées afin de limiter les risques d'agression,
- le bref délai écoulé ne permettait pas cette installation.
La CPAM s'en rapporte sur ce point.
L'article L.4131- 4 du code du travail prévoit que le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur est de droit pour les travailleurs victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au CHSCT avait signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé. En l'espèce, il ressort de son audition du 1er août 2008 devant les services de police, que M. U... a déclaré avoir été victime d'une agression le 31 juillet 2008, vers 15 h 40, alors qu'il conduisait le bus n° 202 sur la commune d'Ozoir la Ferrière quand des individus montés dans le bus, refusant de présenter leur ticket de transport, l'ont insulté, lui ont donné des coups de pieds et de poings dans la tête et le dos, avant de le menacer de mort. Il est produit un "Etat des plaintes N° 4 Mobilités" qui répertorie les infractions survenues, soit 23 inscriptions entre le 1er janvier 2007 et le 1er septembre 2008, dont 4 sur la ligne 202 et parmi ces 4, la première le 14 décembre 2007, la deuxième, le 29 avril 2008 et 2 déclarés par M. U..., les 29 et 31 juillet 2008. Le 29 juillet, il était mentionné que "des jeunes étaient montés à bord refusant de payer, ont giflé le conducteur, cassé ses lunettes et volé son portable". Dans le courrier rédigé par M. U... et signé le 29 juillet 2008, dont la réception par la société est contestée, celui-ci indiquait : "Affecté sur la ligne 202..., je suis constamment ennuyé par des jeunes qui refusent de respecter les règles à bord du bus, ils ne veulent pas présenter leur titre de transport et se permettent de m'injurier et de m'humilier devant d'autres clients avec des insultes de toutes sortes. J'ai reçu plusieurs menaces de mort verbalement et je vous avoue que j'ai peur...j'aimerais être affecté sur une autre ligne au plus vite. Force est de constater que ce courrier ne coïncide pas avec les inscriptions effectuées sur le registre, car à cette date du 29 juillet, il n'est inscrit que le "vol aggravé" survenu le même jour. Dès lors, on ne peut que s'interroger sur les attestations produites de collègues ou anciens collègues témoignant de ce que : "La direction ne pouvait ignorer que M. U... était en danger en continuant à le laisser conduire sur Ozoir-la-Ferrière malgré les menaces dont il était victime." "Le service de planning m'avait contacté pour me demander de changer de ligne avec M. U... car celui-ci était menacé sur sa ligne. "M. U... qui se plaignait d'être constamment menacé et injurié par un groupe de jeunes sur la ligne où il était affecté à Ozoir-la-Ferrière, demandait à changer de ligne mais visiblement la direction ne le prenait pas au sérieux "...Il se sentait menacé et personne ne voulait le remplacer ou ne pouvait. Cette ligne était bien connue pour ces agressions et autres problèmes." "La ligne d'Ozoir-la-Ferrière présente un réel danger pour les conducteurs car nous sommes livrés à nous-mêmes, il n'y a quasiment pas de contrôle." Des comptes-rendus de réunion du CHSCT, il ressort que le procès-verbal du 28 mai 2008 indique simplement que "les membres constatent une amélioration de la répartition des contrôles sur l'ensemble des réseaux. Cependant, il persiste toujours des problèmes sur la commune d'Ozoir-la-Ferrière, ils demandent également à la direction l'installation de vidéos embarquées dans les cars afin de limiter les risques d'agression." Si le risque d'agression sur le personnel de conduite et le problème de sécurité est bien évoqué dans un procès-verbal de réunion du CHSCT, ce n'est qu'à la date du 3 mars 2011, compte tenu de l'augmentation du nombre de ces agressions, que le problème se posant sur la ligne 202 est évoqué. En conséquence, si l'existence de 4 agressions sur des conducteurs de bus survenues sur la ligne 202 entre les 1er janvier 2007 et le 1er septembre 2008 est avérée et connue de l'employeur, il ne peut être considéré que cela constituait un risque particulièrement identifié tel que visé à l'article L.4131-4 précité.
- ALORS QUE D'UNE PART le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat a le caractère d'une faute inexcusable lorsqu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur est de droit pour le salarié qui est victime d'un accident du travail dès lors que lui-même ou un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avait signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour qu'entre le 1er janvier 2007 et le 1er septembre 2008, il y avait eu sur les 23 inscriptions répertoriées sur l'Etat de plainte N'4 Mobilités, 4 inscriptions concernant la ligne 202 relative à la Commune d'Ozoir la Ferrière la première le 14 décembre 2007, la deuxième le 29 avril 2008 et deux déclarées par M U... les 29 et 31 juillet 2008 ; que concernant celle du 29 juillet 2008, soit quelques jours avant l'agression du 31 juillet, l'employeur avait noté sur le registre dédié que M U... avait été victime des faits suivants : « des jeunes étaient montés à bord refusant de payer, ont giflé le conducteur, cassé ses lunettes et volé son portable » qualifié par la cour elle-même de « vol aggravé » avec violence physique ; que dès le 28 mai 2008, soit deux mois avant l'accident, le CHSCT avait relevé qu'il persistait des problèmes sur la commune d'Ozoir la Ferrière et demandait à la direction l'installation de vidéos embarquées dans les cars afin de limiter les risques d'agressions ; qu'il en résultait que l'employeur avait été informé par le registre qu'il tenait lui-même tant par M U... le 29 juillet 2008 que par le CHSCT du risque d'agression physique auxquels ses chauffeurs étaient exposés sur la commune d'Ozoir la Ferrière ; qu'en énonçant que si l'existence de 4 agressions sur des conducteurs de bus survenues sur la ligne 202 entre les 1er janvier 2007 et le 1er septembre 2008 était avérée et connue de l'employeur, il ne pouvait être considéré que cela constituait un risque particulièrement identifié, la cour d'appel n 'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L 452-1 du Code de la sécurité sociale et L4131-4 du Code du travail ;
- ALORS QUE D'AUTRE PART le bénéfice de la faute inexcusable est de droit pour le salarié ayant signalé à son employeur une situation dangereuse s'est matérialisée par la réalisation d'un risque ; qu'il suffisait en conséquence que M U... ou le CHSCT ait signalé le risque d'agression physique auxquels les chauffeurs étaient exposés sur la commune d'Ozoir la Ferrière et plus particulièrement sur la ligne 202 et que ce risque se soit matérialisé sans que l'employeur ait pris des mesures pour l'en préserver ; qu'en énonçant que si l'existence de 4 agressions sur des conducteurs de bus survenues sur la ligne 202 entre les 1er janvier 2007 et le 1er septembre 2008 dont une concernant M U... le 28 juillet 2009 déclarée le lendemain, soit quelques jours avant la seconde agression du 31 juillet 2008, était avérée et connue de l'employeur, il ne pouvait être considéré que cela constituait un risque particulièrement identifié, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comportait pas en violation des articles L 452-1 du Code de la sécurité sociale et L4131-4 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que l'accident du travail dont M. F... U... a été débouté le 31 juillet 2008 n'était pas dû à la faute inexcusable de son employeur la société N'4 Mobilités et débouté M. U... de toutes ses demandes.
- AU MOTIF QUE Sur la faute inexcusable
M. U... sollicite la reconnaissance d'une faute inexcusable de son employeur, expliquant que :
- l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat vis à vis de ses salariés,
- il connaissait le risque d'agression tant par le registre que par le droit de retrait exercé par l'ensemble de ses chauffeurs le 14 décembre 2007,
- la tenue du registre démontre qu'il avait ou aurait dû avoir conscience de ce danger,
- le risque d'agression figure bien au document unique d'évaluation des risques,
- l'employeur n'a pris aucune mesure de sécurité pour protéger ses salariés, aucune formation, aucune instruction, laissant les salariés gérer tout et aucun équipement de sécurité,
- après l'accident, il a été décidé d'une formation, d'une présence plus grande des contrôleurs et d'une télésurveillance,
- l'absence totale de ces mesures est une cause nécessaire de l'accident.
Au contraire, la société N°4 Mobilités s'oppose à la reconnaissance d'une faute inexcusable, faisant valoir que :
- il n'était pas de notoriété publique que la commune d'Ozoir-la-Ferrière présentait une dangerosité particulière pour les chauffeurs de bus,
- l'état des plaintes vise peu d'agressions sur cette commune, contrairement à d'autres,
- les chauffeurs ne voulaient pas de postes de conduite entièrement fermés,
- la vidéo-surveillance n'a qu'un effet dissuasif très relatif et n'est pas susceptible de préserver les agents de tout risque et ne s'imposait pas en 2008,
- les modalités d'autorisation et de financement ne permettaient pas de l'installer avant l'accident de M. U...,
- il est impossible de prévoir un contrôleur par bus.
La caisse primaire d'assurance maladie s'en rapporte.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers lui d'une obligation de sécurité de résultat et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Pour apprécier l'existence de cette faute, il est nécessaire de se placer au jour de l'accident. A cette date du 29 juillet 2008, seules 4 agressions en 20 mois avaient été signalées sur la ligne. Si on peut légitimement déplorer cette situation, cela n'en constitue pas pour autant un danger particulier. A l'évidence, M. U... souhaitait changer de ligne mais il ne justifie pas avoir signalé à son employeur les injures, humiliations et menaces dont il faisait état dans son courrier du 29 juillet 2008, faits distincts de l'agression qui s'est réalisée. Aucun élément ne permet de démontrer qu'avant cette date, l'employeur connaissait ce danger particulier d'agression. Or, des attestations produites, il ressort que dès que la direction a été informée de son souhait de changer de ligne, elle a recherché à le remplacer, le 30 juillet, mais n'a trouvé personne, les autres collègues refusant. Si le document unique d'évaluation des risques répertorie bien le risque d'agression lors de la vente et du contrôle des titres de transports et le risque de stress lié à la présence de public, aucune réunion du CHSCT n'alerte sur ce danger particulier d'agression avant l'accident. Ce n'est que dans le procès-verbal de réunion du CHSCT du 5 février 2009, qu'il est mentionné un projet de vidéo-surveillance, un dossier ayant été déposé auprès du STIF. Le 3 février 2011, il est noté que le STIF a donné son accord de principe. Le système sera effectivement mis en place début 2013 pour l'ensemble des véhicules de transport de la société, l'arrêté du 21 mars 2013 l'autorisant vise une demande d'autorisation formulée le 19 décembre 2012. En conséquence, l'existence d'un danger antérieurement à l'accident n'est pas établie et encore moins la connaissance de ce danger par l'employeur, la faute inexcusable ne peut être reconnue et le jugement entrepris sera confirmé.
- ALORS QUE D'UNE PART en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; qu'il manque à cette obligation dans le cas où un chauffeur de bus est victime dans le car qu'il conduit d'une agression physique de la part de tiers ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour qu'en vingt mois 23 agressions de chauffeurs de car avaient eu lieu donc 4 sur la ligne 202 dont l'une déclarée par M. U... le 29 juillet 2008 qui avait été giflé, qui avait eu ses lunettes cassées et s'était fait voler son portable, soit peu de temps avant la seconde agression du 31 juillet 2008 dont il avait été victime, ce dont l'employeur avait immédiatement été informé par le registre des incidents ; qu'en se bornant à énoncer que l'existence d'un danger antérieurement à l'accident n'était établie et encore moins la connaissance de ce danger par l'employeur dès lors qu'à la date du 28 juillet 2008 seules 4 agressions en 20 mois avaient été signalées sur la ligne 202, ce qui n'en constituait pas pour autant un danger particulier alors qu'elle constatait que les agressions des chauffeurs de car sur la ligne 202 et notamment à l'encontre de M. U... étaient établies et connues de l'employeur et que le CHSCT avait, selon procès-verbal du 28 mai 2008, informé l'employeur des problèmes sur la commune d'Ozoir et demandé à la direction l'installation de vidéos embarquées dans les cars afin de limiter les risques d'agression, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
- ALORS QUE D'AUTRE PART le document unique d'évaluation des risques rédigé par l'employeur répertoriait le risque fréquent d'une gravité significative d'agression lors de la vente et du contrôle des titres de transport ainsi que le risque permanent d'une gravité significative « lié à la présence du public (stress, hygiène, agression, charge mentale » ; qu'en se bornant à énoncer que le document unique d'évaluation des risques répertorie bien le risque d'agression lors de la vente et du contrôle des titres de transports et le risque de stress lié à la présence de public la cour d'appel a commis une dénaturation par omission du document unique d'évaluation des risques lequel identifiait les risques d'agressions lié à la présence du public et méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause en violation de l'article 1134 du code civile dans sa rédaction alors applicable ;
- ALORS QU'ENFIN dans ses conclusions d'appel (p 9 et 10) M. U... avait fait valoir que le registre « Etat Plaintes » tenu par l'employeur mentionnait d'avril à décembre 2007 9 incidents dont 3 agressions physiques (des coups le 22 mai 2007, un conducteur violenté le 1er juin 2007 et un pouce cassé le 14 décembre 2007) ; qu'à la suite de l'agression du 14 décembre 2007, à la gare d'Ozoir La Ferrière, tous les chauffeurs de la société N'4 Mobilités avaient exercé leur droit de retrait et cessé leur travail dans les villes d'Ozoir la Ferrière et de Roissy en Brie de 19 h 30 à 22 h ; que de janvier au 30 juillet 2008, le registre recensait 11 incidents dont 5 agressions physiques dont les agressions de M. U... des 28 et 31 juillet 2008 (29 avril 2008 coups portés au visage du conducteur par un passager à l'arrêt « Gendarmerie d'Ozoir, 2 juin 2008, agression d'un machiniste par le conducteur d'une voiture et son passager avec bris des essuis glaces à l'arrêt Aristide Briand à Ozoir la Ferrière, 27 juin 2008 : passager ayant insulté et frappé un conducteur de car) ; que M. U... en déduisait que le fait que l'employeur recense dans un registre les agressions dont ses chauffeurs receveurs étaient victimes suffisait à démontrer qu'il avait ou aurait dû avoir connaissance de ce risque ; qu'en se bornant à relever l'existence de 4 agressions sur la ligne 202 en 20 mois sans répondre à ces conclusions qui étaient de nature à influer sur la décision entreprise si elles avaient été prises en considération, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.