Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile de portefeuille CMM Finances a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 9 décembre 2013 au 31 décembre 2014, y compris les intérêts de retard.
Par un jugement n° 1900407 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 novembre 2020 et 8 mars 2021, la société civile CMM Finances, représentée par Me Bonte, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014, ainsi que les intérêts de retard correspondants ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fonde son rehaussement sur les dispositions des articles 93 et 93 quater du code général des impôts, qui ont trait aux plus-values imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; ces dispositions ne lui sont pas applicables dès lors qu'elle est une société soumise à l'impôt sur les sociétés ;
- conformément aux dispositions du I de l'article 238 bis K du code général des impôts, la quote-part du résultat social de la SCI La Gatine qui lui revient, en tant qu'associée soumise à l'impôt sur les sociétés, doit être calculée selon les règles applicables en matière d'impôt sur les sociétés ; la société de personnes qui a concomitamment des associés soumis à l'impôt sur le revenu et d'autres soumis à l'impôt sur les sociétés arrête deux résultats imposables, ainsi que le prévoient les paragraphes 110 et 125 de la doctrine BOI-BIC-BASE-10-20-10 ;
- en matière d'impôt sur les sociétés, la notion de patrimoine professionnel et de patrimoine privé n'existant pas, il ne peut y avoir de plus-value résultant de la levée d'option d'achat d'un contrat de crédit-bail portant sur un immeuble.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile de portefeuilles CMM Finances, soumise à l'impôt sur les sociétés, est associée à hauteur de 95 % du capital social de la SCI La Gatine, société de personnes visée à l'article 8 du code général des impôts. La SCI La Gatine avait pour objet la sous-location d'un local, qu'elle avait pris en crédit-bail. Par acte du 25 avril 2014, la SCI La Gatine a levé l'option du contrat de crédit-bail. Le service a considéré que l'entrée de cet immeuble dans le patrimoine de la SCI La Gatine s'était traduite par un changement de nature de l'activité exercée et que, dès lors, la cessation de son activité initiale et le changement de son régime fiscal avaient eu pour effet de rendre immédiatement imposable la plus-value susceptible d'avoir été acquise à cette date. La société CMM Finances a été imposée à raison de 95 % du montant de cette plus-value, correspondant à sa quote-part dans la SCI La Gatine. La société fait appel du jugement du 15 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition.
2. D'une part, aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle (...) ". Si la levée de l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail ne peut, par elle-même, faire naître de plus-value, l'administration demeure fondée à tirer les éventuelles conséquences fiscales qui s'attachent au transfert de propriété que cette levée d'option emporte.
3. D'autre part, aux termes de l'article 218 bis du code général des impôts : " Les sociétés ou personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 (...) sont personnellement soumises audit impôt à raison de la part des bénéfices correspondant aux droits qu'elles détiennent, dans les conditions prévues aux articles 8,8 quater, 8 quinquies et 1655 ter, en qualité d'associées en nom ou commanditées ou de membres de sociétés visées auxdits articles ". Aux termes de l'article 238 bis K du code général des impôts : " I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8, 8 quinquies, 239 quater, 239 quater B, 239 quater C ou 239 quater D sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits (...) ". Aux termes du I de l'article 219 du code général des impôts : " (...) a quater. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997, le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer à la plus ou moins-value provenant de la cession des éléments d'actif, à l'exception des parts ou actions visées aux premier et troisième alinéas du a ter (...) ". Ces dispositions constituent, pour une société assujettie à l'impôt sur les sociétés détenant des droits dans une société de personnes régie par l'article 8 du code général des impôts, une règle de détermination du bénéfice imposable correspondant à ses droits dans cette société de personnes et non une règle de détermination du régime d'imposition de cette dernière.
4. Il est constant, d'une part, que la SCI La Gatine donnait en sous-location l'immeuble qu'elle prenait en crédit-bail et tirait de cette activité des revenus imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et, d'autre part, que l'entrée de cet immeuble dans le patrimoine de la société consécutive à la levée d'option de crédit-bail s'est traduite par un changement de nature de l'activité exercée, la société cessant son activité de sous-location, taxable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, au profit d'une activité de location directe, taxable dans la catégorie des revenus fonciers. En conséquence, la cessation de l'activité initiale de la SCI La Gatine et le changement de son régime fiscal ont eu pour effet de rendre immédiatement imposable la plus-value, portant sur l'immeuble acquis, susceptible d'avoir été acquise à cette date. Or, contrairement à ce que soutient la SC CMM Finances, un tel changement du régime fiscal, qui entraîne la taxation éventuelle des plus-values latentes, doit s'apprécier au niveau de la société de personnes, les règles applicables aux bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés ayant seulement une incidence sur les modalités de détermination de la quote-part de bénéfices revenant, ainsi, à la SC CMM Finances. Il s'ensuit que cette dernière ne peut utilement faire valoir que son propre régime fiscal est demeuré inchangé postérieurement à la levée de l'option d'achat, qu'aucune règle d'imposition immédiate de la plus-value issue de la levée d'option d'achat d'un immeuble n'existe s'agissant des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, que les dispositions de l'article 93 du code général des impôts précité, qui ne concerne que les titulaires de bénéfices non commerciaux, ne peuvent pas lui être appliquées et qu'en conséquence, elle ne saurait être imposée à raison de 95 % de la plus-value latente résultant du changement de nature d'activité de la SCI La Gatine.
5. Il résulte de ce qui précède que la société civile CMM Finances n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société civile CMM Finances est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile CMM Finances et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,
Mme Danielian, présidente assesseure,
Mme Liogier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.
La rapporteure,
C. A...La présidente,
L. Besson-Ledey
La greffière,
A. Audrain-Foulon
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
N°20VE02886 2