LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 décembre 2014), qu'Edouard X... a été placé le 11 décembre 2008 sous le régime de la curatelle simple, l'Association pour adultes et jeunes handicapés de la Gironde (l'association) ayant été désignée en qualité de curateur ; que par lettre du 10 février 2009, il a indiqué à la société CNP assurances (l'assureur) vouloir modifier la clause désignant le bénéficiaire, en cas de décès, de deux contrats d'assurance-vie, intitulés "GMO" et "Solesio", qu'il avait respectivement souscrits les 3 décembre 1999 et 6 octobre 2004, en substituant son fils, M. Janick X..., à sa fille, Mme Y... ; que par un testament reçu en la forme authentique le 13 février 2009, il a indiqué qu'il désignait son fils Janick bénéficiaire des deux contrats d'assurance-vie ; que le curateur a donné son accord pour la substitution de bénéficiaire du contrat "Solesio" par une lettre adressée à l'assureur le 5 octobre 2009 ; qu'Edouard X... est décédé le [...] ; que n'ayant pas reçu l'accord du curateur pour la substitution de bénéficiaire du contrat "GMO", l'assureur a versé le 5 mai 2010 à Mme Y... le capital de ce contrat ; que reprochant à l'assureur et à l'association d'avoir manqué à leurs obligations, M. Janick X... les a assignés en responsabilité afin d'obtenir des dommages-intérêts ; que l'assureur a appelé en garantie Mme Y... ;
Attendu que M. Janick X... fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de l'assureur, alors, selon le moyen :
1°/ que la modification de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie peut intervenir par voie de testament authentique, lequel peut être fait par la personne sous curatelle sans l'assistance de son curateur ; qu'en considérant, pour débouter M. Janick X... de ses demandes relatives au contrat d'assurance-vie "GMO" souscrit par Edouard X... et dont il avait été désigné bénéficiaire, que le testament authentique établi le 13 février 2009 par Edouard X..., emportant modification des clauses bénéficiaires de ce contrat, était privé d'efficacité à défaut d'accord du curateur, la cour d'appel a violé les articles 470 du code civil et L. 132-25 du code des assurances ;
2°/ que si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être assistée, l'acte reste valable sauf s'il est établi que la personne protégée a subi un préjudice ; qu'au demeurant, en estimant que n'était pas valable la modification, par Edouard X... de la clause bénéficiaire de son assurance-vie "GMO", exprimée par testament authentique du 13 février 2009, outre d'ailleurs par plusieurs courriers ultérieurs, en tant que l'accord de son curateur n'avait pas été obtenu avant son décès, sans en toute hypothèse relever le préjudice causé à Edouard X... par cet acte de modification de la clause bénéficiaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 465 du code civil et L. 132-4-1 du code des assurances ;
Mais attendu qu'il ressort de l'article L. 132-4-1, alinéa 1, du code des assurances qui déroge à l'article 470, alinéa 1, du code civil, que si une personne en curatelle peut librement tester sous réserve des dispositions de l'article 901 du code civil, ce n'est qu'avec l'assistance de son curateur qu'elle peut procéder à la substitution du bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie pour lequel elle avait stipulé ; qu'ayant constaté l'absence de son curateur au moment où Edouard X... avait exprimé, dans son testament, sa volonté de procéder à la substitution du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie "GMO", et que l'accord du curateur n'avait pas été adressé à l'assureur avant le décès du stipulant, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que son testament du 13 février 2009 se trouvait privé d'efficacité quant à cette substitution ;
D'où il suit que le moyen qui, en sa seconde branche, est nouveau, mélangé de fait et de droit et, comme tel, irrecevable, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Janick X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Caston, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que l'APAJH n'avait pas assisté Monsieur Edouard X..., avant son décès, pour la modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie « GMO », dit en conséquence que la modification de cette clause n'avait pu résulter du seul testament authentique du 13 février 2009, de sorte que la Société CNP ASSURANCES avait valablement payé à Madame Y... la somme de 124.982,51 € correspondant au capital de ce contrat d'assurance-vie et d'AVOIR, en conséquence encore, débouté Monsieur Janick X... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Société CNP ASSURANCES ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions de l'article L. 132-8 du Code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007 applicable à la cause, qu'à défaut d'acceptation préalable du bénéficiaire de la stipulation, le souscripteur a le droit de substituer un bénéficiaire à un autre, soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du Code civil, soit par voie testamentaire ; que toutefois, l'article L. 132-4-1 du Code des assurances dispose que « Lorsqu'une tutelle a été ouverte à l'égard du stipulant, la souscription ou le rachat d'un contrat d'assurance sur la vie ainsi que la désignation ou la substitution du bénéficiaire ne peuvent être accomplis qu'avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de familles s'il a été constitué. Après l'ouverture d'une curatelle, ces mêmes actes ne peuvent être accomplis qu'avec l'assistance du curateur » ; que la loi du 17 décembre 2007, postérieure à celle sur la protection juridique des majeurs, a ainsi institué un régime d'assistance particulier de la personne protégée pour toute modification des clauses bénéficiaires, eu égard à la gravité de cet acte considéré comme acte de disposition par l'annexe 1 au décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, sans distinguer entre les modifications par voie d'avenant contractuel ou par voie testamentaire ; qu'en conséquence, Monsieur Edouard X..., placé sous curatelle par jugement du Tribunal de grande instance de BORDEAUX du 11 décembre 2008, devait nécessairement être assisté par son curateur, l'APAJH, pour substituer le nom de son fils Janick en qualité de bénéficiaire du contrat d'assurance-vie « GMO » à celui de sa fille Nadia, initialement désignée selon courrier manuscrit du 20 décembre 2005, et qui n'avait pas accepté préalablement cette stipulation ; que par testament reçu en la forme authentique le 13 février 2009, dressé par Maîtres Z... et A..., notaires, le stipulant a exprimé de manière certaine et non équivoque sa volonté de désigner son fils Janick comme bénéficiaire des deux contrats d'assurances dénommés « SOLESIO » souscrit le 6 octobre 2004 et « GMO » souscrit le 3 décembre 1999 ; qu'il n'est justifié d'aucune cause de nullité de cet acte sur le fondement de l'article 901 du Code civil, pour insanité d'esprit, erreur, dol ou violence ; que l'absence du curateur au moment où Monsieur Edouard X... a exprimé sa volonté n'est pas une cause de nullité compte tenu du caractère strictement personnel du testament authentique et du caractère secret des dispositions post mortem ; que cette volonté a été réitérée dans un document entièrement manuscrit en date du 23 juillet 2009, signé par Monsieur Edouard X..., à l'intention de son curateur, dans lequel il déclarait vouloir modifier la clause bénéficiaire de ses contrats « GMO » et « SOLESIO » et désigner son fils Janick, à défaut son fils Dominique et à défaut leurs héritiers ; que l'autorisation du Juge des tutelles n'était pas requise pour cette opération, s'agissant d'une curatelle simple, et aucune ordonnance n'a d'ailleurs été rendue par ce magistrat à l'issue de l'audience du 21 septembre 2009 où chaque membre de la famille a été entendu sur ce projet de modification ; que l'assistance du curateur pour la modification d'un contrat d'assurance-vie souscrit en 1999 n'avait pas à être formalisée sous la forme d'un avenant cosigné avec la personne-protégée, et l'accord pouvait valablement être adressé à la Société CNP ASSURANCES avant ou après l'établissement du testament authentique ayant recueilli la volonté du stipulant, ce qui s'est d'ailleurs fait sans difficulté pour la modification de la clause attributaire du contrat « SOLESIO », par lettre adressée par le curateur le 5 octobre 2009 ; que dès lors qu'elle n'avait pas reçu notification avant le 13 mars 2010, date du décès du stipulant, de l'accord du curateur sur la modification de la clause bénéficiaire du contrat « GMO », conformément à l'article L. 132-4-1 du Code des assurances, la Société CNP ASSURANCES a pu à bon droit régler à Madame Y... le 5 mai 2010 la créance de 124.982,51 € née dans le patrimoine de cette dernière en sa qualité de bénéficiaire désignée dans l'avenant du 20 décembre 2005 non valablement révoqué ; que contrairement à ce que le premier juge a, retenu, la Société CNP ASSURANCES n'était pas tenue de s'enquérir au moment du décès du stipulant du contenu du testament du [...] dès lors que celui-ci se trouvait privé d'efficacité à défaut d'accord du curateur ; que par ailleurs, aucune mauvaise foi ne peut être reprochée à la Société CNP ASSURANCES puisque celle-ci avait bien attiré l'attention de Monsieur Edouard X... les 9 mars 2009 et 6 avril 2009 sur la nécessité de recueillir l'accord du curateur, qu'elle avait expliqué en outre à l'APAJH la formalité nécessaire et que celle-ci ne s'était finalement concrétisée que pour un seul des contrats ; que le caractère libératoire du paiement effectué le 5 mai 2010 entre les mains de Madame Y... ne peut être remis en cause par l'envoi particulièrement tardif de l'acceptation de l'APAJH, par télécopie du 20 mai 2010 ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la Société CNP ASSURANCES avait exécuté de manière fautive le contrat d'assurance-vie « GMO » souscrit le 3 décembre 1999 par Monsieur Edouard X... et en ce qu'il a condamné cet assureur à payer à Monsieur Janick X... la somme de 124.982,51 € en réparation de son préjudice matériel et celle de 3.000 € au titre de son préjudice moral ; que Monsieur Janick X... doit être débouté de ses demandes en paiement formées à l'encontre de la Société CNP ASSURANCES (arrêt, p. 4 à 7) ;
1°) ALORS QUE la modification de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie peut intervenir par voie de testament authentique, lequel peut être fait par la personne sous curatelle sans l'assistance de son curateur ; qu'en considérant, pour débouter Monsieur Janick X... de ses demandes relatives au contrat d'assurance-vie « GMO » souscrit par Monsieur Edouard X... et dont il avait été désigné bénéficiaire, que le testament authentique établi le 13 février 2009 par Monsieur Edouard X..., emportant modification des clauses bénéficiaires de ce contrat, était privé d'efficacité à défaut d'accord du curateur, la Cour d'appel a violé les articles 470 du Code civil et L. 132-25 du Code des assurances ;
2°) ALORS QUE si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être assistée, l'acte reste valable sauf s'il est établi que la personne protégée a subi un préjudice ; qu'au demeurant, en estimant que n'était pas valable la modification, par Monsieur Edouard X..., de la clause bénéficiaire de son assurance-vie « GMO », exprimée par testament authentique du 13 février 2009, outre d'ailleurs par plusieurs courriers ultérieurs, en tant que l'accord de son curateur n'avait pas été obtenu avant son décès, sans en toute hypothèse relever le préjudice causé à Monsieur Edouard X... par cet acte de modification de la clause bénéficiaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 465 du Code civil et L. 132-4-1 du Code des assurances.