Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de Vaucluse a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2018 par lequel le maire de Pertuis a accordé un permis de construire à la société par actions simplifiée CDPL pour un projet tendant à " la rénovation et l'extension d'un dépôt d'hydrocarbure et de distribution de carburants ".
Par un jugement n° 1901101 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 26 juillet 2018 et rejeté les conclusions présentées par la société CDPL et par la commune de Pertuis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédures devant la cour :
I - Par une requête enregistrée le 16 septembre 2020 sous le n° 20MA03578 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL03578 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société par actions simplifiée CDPL, représentée par la SCP CGCB et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901101 susvisé ;
2°) de rejeter la demande présentée par le préfet de Vaucluse devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a jugé le déféré préfectoral recevable dès lors qu'il a été présenté postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le projet méconnaît l'article 6 du règlement du plan de prévention des risques d'inondation du bassin versant de l'Eze.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 août 2021, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat le 16 juin 2022 en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
II - Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2020 sous le n° 20MA03581 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL03581 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire enregistré le 17 décembre 2021, la commune de Pertuis, représentée par Me Xoual, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901101 susvisé ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par le préfet de Vaucluse devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) à titre subsidiaire, de faire application des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal n'a pas mentionné les dispositions sur lesquelles il s'est fondé pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du déféré préfectoral ;
- le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa réponse à cette fin de non-recevoir au regard de l'argumentation qu'elle avait développée en défense ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- c'est à tort que le tribunal a jugé le déféré préfectoral recevable dès lors qu'il a été présenté postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le projet méconnaît l'article 6 du règlement du plan de prévention des risques d'inondation du bassin versant de l'Eze.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 août 2021, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat le 16 juin 2022 en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement,
- le code général des collectivités territoriales,
- le code de l'urbanisme,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Becquevort, représentant la société CDPL, et de Me Molland, substituant Me Xoual, représentant la commune de Pertuis.
Considérant ce qui suit :
1. La société CDPL exploite un supermarché sous l'enseigne " Hyper U " sur le territoire de la commune de Pertuis (Vaucluse) et a déposé, le 11 mai 2018, auprès du service instructeur de cette commune, une demande de permis de construire présentée comme visant à " la rénovation et l'extension d'un dépôt d'hydrocarbure et distribution de carburants ", sur les huit parcelles cadastrées ..., situées en bordure du boulevard Jean Guigues. Par un arrêté du 26 juillet 2018, le maire de Pertuis a délivré à cette société le permis de construire ainsi sollicité. Le préfet de Vaucluse a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de cette autorisation d'urbanisme. Par un jugement n° 1901101 en date du 10 juillet 2020, le tribunal a fait droit à ce déféré. Par leurs requêtes respectives n° 20TL03578 et n° 20TL03581, la société CDPL et la commune de Pertuis font appel de ce jugement.
2. Les requêtes susvisées n° 20TL03578 et n° 20TL03581 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu pour la cour de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. ". Le jugement litigieux vise le code de justice administrative et reproduit en son point 2 les dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales sur lesquelles le tribunal s'est fondé pour considérer que le déféré préfectoral n'était pas tardif. Par suite, ledit jugement satisfait aux prescriptions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Pour répondre à la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du déféré préfectoral, le tribunal a rappelé que le préfet de Vaucluse avait formé un recours gracieux dans le délai de recours contentieux et a mentionné avec suffisamment de précision les raisons pour lesquelles le courrier du maire de Pertuis en date du 17 janvier 2019 devait être regardé comme portant rejet explicite de ce recours gracieux et comme ayant ainsi fait repartir le délai de recours. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. L'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux du 26 juillet 2018 a été transmis en préfecture de Vaucluse le 1er août 2018. Par une lettre du 28 septembre 2018, reçue par la commune de Pertuis le 1er octobre suivant, soit dans le délai de deux mois prévu par l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, la sous-préfète d'Apt a formé un recours gracieux contre cet arrêté, lequel a interrompu le délai de recours contentieux. L'absence de réponse du maire dans le délai de deux mois a fait naître le 1er décembre 2018 une décision implicite de rejet de ce recours gracieux, laquelle a fait repartir le délai de recours contentieux pour une durée de deux mois. Toutefois, le maire de Pertuis a adressé à la sous-préfète d'Apt, le 17 janvier 2019, soit avant l'expiration de ce délai, un courrier qui ne se borne pas à rappeler l'évolution générale de l'urbanisation du secteur, mais dans lequel le maire développe de manière détaillée les raisons de droit et de fait l'ayant conduit à délivrer le permis de construire à la société CDPL au regard notamment de son analyse de la vulnérabilité au risque d'inondation. Eu égard aux termes dans lequel il est rédigé et alors même qu'il ne précise pas que le maire refuse de retirer le permis de construire, le courrier du 17 janvier 2019 doit être regardé comme portant rejet explicite du recours gracieux préfectoral. Par suite et en application des dispositions précitées de l'article R. 421-2 du code de justice administrative auxquelles ne fait pas obstacle le prétendu principe des droits acquis invoqué par la commune, le délai de recours contentieux a recommencé à courir pour une durée de deux mois à compter de la date de la réception de la réponse du maire, soit le 21 janvier 2019. C'est donc à juste titre que le tribunal administratif de Nîmes a estimé que le déféré préfectoral enregistré le 21 mars 2019 n'était pas tardif.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
7. Le titre 2 du règlement du plan de prévention des risques naturels d'inondation du bassin versant de l'Eze et de ses affluents, qui couvre le territoire de la commune de Pertuis, définit comme suit les principes applicables dans la zone rouge dans laquelle se situent les parcelles formant le terrain d'assiette du projet : " La zone rouge du PPRI de l'Eze est constituée principalement par le lit moyen de l'Eze et de ses affluents et par les axes d'écoulement préférentiels de ruissellement. C'est une zone où les vitesses et les hauteurs d'eau peuvent être élevées. Les risques y sont très importants. Le principe du PPRI est d'y interdire toutes constructions nouvelles et d'y limiter les aménagements. ". L'article 6 de ce même règlement dispose que : " Sont interdits en zone rouge : / Tous les travaux, aménagements, constructions ou installations diverses qui ne sont pas expressément autorisés par le présent titre et notamment la création ou l'aménagement de sous-sols, la création ou l'extension de camping ou d'aire de caravaning. D'autre part, les remblaiements sont interdits sauf s'ils sont directement liés à des travaux autorisés. / Peuvent être autorisés en zone rouge sous conditions : / ' l'aménagement et la surélévation des constructions à usage de logement existant à condition qu'il n'y ait pas de création de nouveau logement, / ' l'aménagement et la surélévation des constructions à usage d'hébergement existant, à condition qu'il n'y ait pas d'augmentation de la capacité d'hébergement, / ' l'aménagement et la surélévation des constructions de nature à provoquer un rassemblement de personnes (par exemple : commerce ou artisanat, entrepôts commerciaux, locaux industriels, bureaux...), à condition que cela n'ait pas pour effet d'augmenter le nombre de personnes rassemblées. / Et aux autres conditions suivantes : / ' qu'il n'y ait pas d'augmentation de l'emprise au sol, ni changement de destination, sauf si ce changement tend à réduire le nombre de personnes rassemblées, / (...) / ' que soit créée, lors de l'aménagement ou la surélévation de constructions de nature à provoquer un rassemblement de personnes (...) une desserte par 2 voies dont une devra permettre le croisement de véhicules de secours. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, hormis les deux habitations situées en partie est de l'unité foncière et un bâtiment en ruine implanté sur sa limite nord, lesquels ont vocation à être démolis pour la réalisation du projet, le terrain d'assiette de l'opération litigieuse ne supporte à ce jour qu'une dalle de taille mesurée masquant trois cuves enterrées sur sa partie ouest et, pour seuls éléments dépassant du sol à ce même endroit, trois bras de chargement d'hydrocarbures utilisés par la société CDPL pour le remplissage de camions-citernes en vue de la livraison de fioul domestique. Le reste de la partie ouest de l'unité foncière se présente comme une vaste superficie de terre battue servant au stationnement des véhicules de location exploités par ladite société. Le dossier de demande de permis de construire révèle que, si le projet prévoit le maintien de la piste pour poids lourds à l'extrémité ouest du terrain avec les trois cuves enterrées et les trois bras de chargement, il a principalement pour objet de créer, sur des parcelles représentant une superficie totale de près de 5 000 m², une station de distribution de carburant ouverte au public proposant dix pistes pour véhicules légers abritées par un auvent métallique d'une emprise au sol de 245 m², une piste supplémentaire pour poids lourds ainsi qu'une cabine de paiement d'une surface de 8,75 m2, le tout positionné au-dessus de trois nouvelles cuves souterraines. La notice établie par la société pétitionnaire précise en outre que les parties carrossables, représentant une surface de 3 248,81 m2, sont prévues en enrobé ou en dalle béton étanche. Eu égard à sa nature et à ses dimensions, alors au surplus que l'exploitant reconnaît que l'objectif est de transférer à terme sur cette unité foncière l'ensemble de l'activité de la station service actuelle située sur le parking du supermarché de l'autre côté du boulevard Jean Guigues, le projet en litige ne peut pas être regardé comme se limitant à une simple opération d'aménagement ou de surélévation de la modeste installation préexistante. Par suite et contrairement à ce que soutiennent les appelantes, les travaux envisagés par la société CDPL ne relèvent d'aucune des catégories d'opérations pouvant être autorisées en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation, telles que limitativement énumérées par l'article 6 du règlement de ce plan. En accordant le permis de construire sollicité par cette société, le maire de Pertuis a donc méconnu les prescriptions règlementaires mentionnées au point 7.
Sur l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
9. D'une part, selon l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". D'autre part, selon l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
10. Eu égard à sa nature et à sa portée, l'illégalité constatée au point 8 du présent arrêt au regard des prescriptions du règlement du plan de prévention des risques d'inondation ne peut être regardée ni comme affectant une partie seulement du projet de la société CDPL, ni comme susceptible d'être régularisée par l'intervention d'un permis de construire modificatif sans que la nature même du projet n'en soit changée. Dès lors, il n'y a lieu ni de prononcer une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, ni de surseoir à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 de ce même code. Par voie de conséquence, les conclusions subsidiaires présentées par la commune de Pertuis en ce sens ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il résulte de ce qui précède que la société CDPL et la commune de Pertuis ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé l'annulation de l'arrêté du maire de Pertuis en date du 26 juillet 2018.
Sur les frais liés aux litiges :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, les sommes réclamées par les appelantes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes n° 20TL03578 de la société CDPL et n° 20TL03581 de la commune de Pertuis sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée CDPL, à la commune de Pertuis et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
Nos 20TL03578, 20TL03581