LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint, en raison de leur connexité, les pourvois n° S14-20. 518 et P 14-19. 825 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., titulaire d'un compte sur livret ouvert dans les livres de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (la banque), a assigné celle-ci en paiement d'une certaine somme représentant le montant de retraits effectués sur ce compte par Mme Y..., au cours de leur mariage contracté sous le régime de séparation de biens ; que la banque a appelé cette dernière en intervention forcée ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de M. X..., ci-après annexé :
Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes dirigées contre Mme Y...;
Attendu que, sous le couvert d'un défaut de réponse à conclusions, le moyen critique une omission de statuer qui peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile ; que le moyen est irrecevable ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi de la banque, pris en sa première branche :
Vu les articles 1341, 1347 et 1348 du code civil ;
Attendu que, pour condamner la banque à payer à M. X...la somme litigieuse, l'arrêt constate qu'elle n'est pas en mesure de produire la procuration en vertu de laquelle elle a procédé aux virements à la demande de Mme Y...et retient que la copie informatique versée aux débats mentionnant l'existence de cette procuration ne peut servir de preuve dématérialisée au sens de l'article 1348 du code civil ni de commencement de preuve par écrit car elle émane de l'établissement qui l'oppose à M. X...;
Qu'en statuant ainsi, alors que le banquier dépositaire, qui se borne à exécuter les ordres de paiement que lui transmet le mandataire du déposant, peut rapporter la preuve par tous moyens du contrat de mandat auquel il n'est pas partie, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne Mme Y...et M. X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., demanderesse au pourvoi principal n° P 14-19. 825.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'A VOIR condamné madame Y...à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne la somme de 172. 877 ¿ en principal, outre intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la CRCAM n'était pas en mesure de produire la procuration en vertu de laquelle elle avait procédé aux virements à la demande de madame Y...; que s'il était toujours possible de rapporter la preuve sur le fondement de l'article 1347 du code civil, le procès-verbal de constat d'huissier du 15 février 2012, dressé par maître Myriam Z..., huissier, ne pouvait être reçu à ce titre, pour émaner de l'établissement bancaire lui-même, s'agissant d'une capture d'écran informatique où le compte litigieux mentionnait l'existence d'une procuration dont il n'existait pas de copie scannée, ce qui faisait obstacle à l'application des dispositions du code civil quant à la preuve dématérialisée ; que la CRCAM Pyrénées Gascogne faisait valoir que si l'article 221 du code civil réservait à chaque époux la faculté de se faire ouvrir un compte personnel sans le consentement de l'autre, que le banquier dépositaire ne devait, aux termes de l'article 1937 du même code, restituer les fonds déposés qu'à celui au nom duquel le dépôt avait été fait ou celui qui avait été indiqué pour le recevoir, et que la banque, qui avait indemnisé un conjoint au titre des retraits effectués par l'autre conjoint, était fondée à se prévaloir du bénéfice de subrogation de l'article 1251-3° du code civil ; qu'en conséquence, madame Y...était condamnée à payer à la CRCAM Pyrénées Gascogne, la somme de 172. 877 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt (arrêt, p. 5) ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE la subrogation suppose un paiement ; qu'en faisant droit à l'action subrogatoire exercée par la banque à l'encontre de madame Y...sans constater que la banque aurait effectivement indemnisé l'ancien époux de madame Y..., prétendu subrogeant, paiement dont pouvait au demeurant faire fortement douter la circonstance que, par un chef de dispositif distinct du même arrêt, la banque se trouvait condamnée à payer une somme principale identique à l'ancien époux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1251, 3° du code civil ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE la personne qui a indemnisé la victime d'un dommage ne peut agir sur le fondement de la subrogation légale, contre celui qu'il estime être le véritable responsable du dommage que s'il est établi que ce dernier était effectivement tenu à la dette ; qu'en se bornant à relever, pour faire droit à l'action subrogatoire exercée contre madame Y...par la banque, que cette dernière était tenue d'indemniser l'ancien époux de madame Y...au titre de fonds déposés et non restitués, sans constater que madame Y...aurait elle-même été tenue d'indemniser son ancien époux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1251, 3° du code civil ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU'en particulier, en ne recherchant pas, comme l'y avait invitée madame Y...(conclusions, p. 12), si cette dernière n'était pas exempte de toute faute envers son ancien époux, ce qui excluait le jeu de la subrogation légale au profit de la banque, dès lors que c'était en vertu d'une procuration conférée par l'ancien époux que madame Y...avait effectué des virements à partir de son compte bancaire et si une preuve de l'existence de cette procuration ne pouvait pas être trouvée dans une « fiche personnelle complète » éditée par la banque et faisant apparaître cette procuration, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 125 1, 3° du code civil ;
ALORS, EN QUATRIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, Qu'en ne répondant pas aux conclusions (pp. Il et 12) par lesquelles madame Y...avait fait valoir que la banque avait elle-même commis une faute à son encontre en détruisant la procuration qu'elle-même n'avait jamais eue en sa possession, faute qui s'opposait au recours subrogatoire de la banque, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi incident n° P 14-19. 825.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Gilles X...de ses demandes dirigées contre Mme Dominique Y...;
Aux motifs que « la CR CAM Pyrénées Gascogne fait valoir que si l'article 221 du code civil réserve à chaque époux la faculté de se faire ouvrir un compte personnel sans le consentement de l'autre, que le banquier dépositaire ne doit, aux termes de l'article 1937 du même code, restituer les fonds déposés qu'à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou celui qui a été indiqué pour le recevoir, et que la banque, qui a indemnisé un conjoint au titre des retraits effectués par l'autre conjoint, est fondée à se prévaloir du bénéfice de subrogation de l'article 1251-3° du code civil ; qu'en conséquence, Madame Y...est condamnée à payer à la CRCAM Pyrénées Gascogne, la somme de 172. 877 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt (arrêt, p. 5) » ;
Alors que, dans ses conclusions d'appel, M. Gilles X..., qui invoquait la faute que Mme Y...avait commise en détournant à son profit une somme de 172. 877 ¿, avait sollicité sa condamnation à lui verser cette somme, in solidum avec la CRCAM ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef des conclusions de M. X..., la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne, demanderesse au pourvoi n° S 14-20. 518.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la Crcam Pyrénées Gascogne à payer à M. Gilles X...une somme de 172 877 ¿, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2011 ;
AUX MOTIFS QUE « les règles de la représentation mutuelle des époux dans leurs rapports avec les tiers sont sans application à l'égard du banquier dépositaire, lequel est tenu en sa qualité de professionnel, de ne restituer les fonds déposés qu'à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour les recevoir » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 1er alinéa) ; que « la Crcam n'est pas en mesure de produire la procuration en vertu de laquelle elle a procédé aux virements à la demande de Mme Y...» (cf. arrêt attaqué, p. 5, 2e alinéa) ; que, « s'il est toujours possible de rapporter la preuve sur le fondement de l'article 1347 du code civil, le procès-verbal de constat d'huissier du 15 février 2012, dressé par Me Myriam Z..., huissier, ne saurait être reçu à ce titre, pour émaner de l'établissement bancaire lui-même, s'agissant d'une capture d'écran informatique où le compte litigieux mentionne l'existence d'une procuration dont il n'existe pas de copie scannée, ce qui fait obstacle à l'application des dispositions de l'article 1348 du code civil quant à la preuve dématérialisée » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 3e alinéa) ; qu'« enfin, le fait que Mme Y...ait pu signer des chèques dans le cadre de l'activité commerciale de son ancien mari, ou même détenir des procurations sur des comptes liés à l'activité commerciale de M. X...n'est pas plus de nature à libérer la Crcam de sa responsabilité en qualité de dépositaire sur un compte personnel, le mandat apparent quant à la gestion de la société ne saurait être opposable à la gestion d'un compte personnel » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 4e alinéa) ; que « la preuve par présomption ne peut pas être admise, conformément aux dispositions de l'article 1341 du code civil, pour la preuve d'un acte dépassant une somme ou une valeur fixée par décret, actuellement fixée à 1 500 ¿, valeur qui dépasse donc les montants en cause dans le présent litige » (cf. jugement entrepris, p. 5, 3e alinéa) ; qu'« il n'existe aucun commencement de preuve par écrit répondant à une définition de l'article 1347 du code civil, puisque le seul document écrit produit aux débats est un constat d'huissier reprenant les éléments des fichiers informatiques de l'établissement bancaire » (cf. jugement entrepris, p. 5, 5e alinéa) ; que « ce document qui émane donc de l'établissement bancaire ne peut constituer un commencement de preuve par écrit puisqu'il n'émane pas de celui auquel on l'oppose, M. X...» (cf. jugement entrepris, 5, 6e alinéa) ;
1. ALORS QUE le tiers au contrat de mandat, lequel constitue à son endroit un simple fait juridique, a la faculté d'en prouver l'existence par tous moyens ; que le banquier qui ne contracte, ni ne traite, avec le mandataire de son client, mais qui se borne à exécuter les ordres de paiement que ce mandataire lui transmet, demeure, puisque le paiement est lui aussi un simple fait juridique, un tiers au contrat de mandat ; qu'en exigeant de la Crcam Pyrénées Gascogne qu'elle administre, conformément aux règles qui régissent la preuve par écrit, la preuve du mandat que M. Gilles X...a donné à Mme Dominique Y..., la cour d'appel a violé les articles 1341, 1347, 1348 et 1353 du code civil ;
2. ALORS QUE le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique ; que le banquier qui ne contracte, ni ne traite, avec le mandataire de son client, mais qui se borne à exécuter les ordres de paiement que ce mandataire lui transmet, demeure un tiers au contrat de mandat ; qu'en écartant l'instrument de preuve dont se prévalait la Crcam Pyrénées Gascogne pour établir l'existence du mandat que M. Gilles X...a donné à Mme Dominique Y..., sur la considération que cet instrument de preuve émane de la Crcam Pyrénées Gascogne elle-même, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil.