Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS BFSA-Balitrand a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 11 juillet 2014 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail de la 4ème section d'inspection du travail des Alpes-Maritimes du 28 novembre 2013 portant autorisation de licencier M. C... D..., et a refusé d'autoriser ce licenciement.
Par un jugement n° 1403816 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2016, M. D..., représenté par Me Chardon, de la SCP ChardonAssadourian, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SAS BFSA-Balitrand devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge de la SAS BFSA-Balitrand la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie et que le doute bénéficie au salarié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2016, la SAS BFSA-Balitrand, représentée par Me Charbin, du cabinet Capstan Côte d'Azur, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, que M. D... lui verse une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
1. Considérant que M D..., employé depuis le 3 décembre 1992 par la SAS BFSA-Balitrand, était détenteur de mandats de délégué du personnel titulaire, de membre titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de membre suppléant du comité d'entreprise et de délégué syndical ; que, saisie par l'employeur de M D... d'une demande d'autorisation de le licencier pour faute, l'inspectrice du travail de la 4ème section d'inspection du travail des Alpes-Maritimes a, par décision du 28 novembre 2013, accordé cette autorisation ; que par décision du 11 juillet 2014, le ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet née du silence qu'il a gardé sur le recours hiérarchique formé par M. D... contre cette décision du 28 novembre 2013, a annulé cette décision de l'inspectrice du travail et a refusé d'autoriser le licenciement de l'intéressé ; que M. D... relève appel du jugement du 29 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du ministre du 11 juillet 2014 ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
3. Considérant que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce qu'un doute subsiste sur la réalité des faits reprochés ; qu'il appartient à la juridiction administrative d'apprécier si les faits reprochés sont suffisamment établis, et dans l'affirmative, s'ils constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
4. Considérant que les attestations établies les 10 octobre 2013 et 14 octobre 2013 par trois collègues de M. D... ainsi que les plaintes déposées par ces trois salariées le 17 octobre 2013 auprès des services de police font état de faits concordants et circonstanciés selon lesquels l'intéressé avait, quasi quotidiennement depuis le mois d'avril 2013, exhibé ostensiblement son sexe devant elles lors de son arrivée le matin sur le parking de l'établissement, qu'il se trouve au guidon de sa motocyclette ou au volant de sa voiture ; qu'il ressort des énonciations de l'attestation établie le 17 octobre 2013 par la responsable de deux des plaignantes que celles-ci lui ont rapporté les faits en cause au cours du mois de juillet 2013 et ont justifié le délai pour effectuer ce signalement par leurs craintes eu égard au statut de délégué du personnel de M. D... ; que par une autre attestation, également datée du 17 octobre 2013, un employé du magasin a lui aussi indiqué que l'une des plaignantes a fait état, auprès de lui, de ces mêmes faits en juillet 2013 ;
5. Considérant que si M. D... a, au cours de l'enquête contradictoire menée par l'inspectrice du travail, fait valoir qu'il serait victime d'un complot qui aurait pour origine une mésentente avec son chef de service, il n'apporte aucun commencement de preuve au soutien de cette allégation ; que les justifications avancées par l'intéressé selon lesquelles il serait contraint de déboutonner son pantalon par confort en raison d'une prise de poids après avoir cessé de fumer sont peu convaincantes ; qu'enfin, il ressort des énonciations du procès-verbal de la séance du comité d'entreprise du 24 octobre 2013, au cours de laquelle il a été statué sur la situation de M. D..., que celui-ci, après avoir nié catégoriquement les faits, a prononcé les mots suivants : " Ce n'est pas moi et par moi, j'entends le moi présent dans cette salle " ; que le requérant avait tenu les mêmes propos quelques instants auparavant, lors de l'entretien préalable au licenciement auquel il avait été convoqué ; que ce procès-verbal fait également état des troubles psychologiques dont souffrirait M. D... ;
6. Considérant qu'il résulte ainsi de l'ensemble des pièces du dossier que, alors même qu'il a été, par jugement du 15 mai 2014 du tribunal correctionnel de Grasse, relaxé au bénéfice du doute des charges qui lui étaient reprochées, M. D... doit être regardé comme ayant effectivement commis les faits décrits par les trois plaignantes ; qu'il ne saurait en conséquence utilement invoquer les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1235-1 du code du travail selon lequel " Si un doute subsiste, il profite au salarié " ; que ces agissements sont constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement en litige présenterait un lien avec les mandats détenus par M. D... ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du ministre du 11 juillet 2014 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS BFSA-Balitrand, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. D..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du M. D... la somme demandée par la SAS BFSA-Balitrand, au même titre ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. D... ainsi que celles de la SAS BFSA-Balitrand présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à la SAS BFSA-Balitrand et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 29 septembre 2017.
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N° 16MA01999
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