LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° J 09-69.826 et S 09-70.362 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X... a été blessé, le 16 janvier 2001, dans un accident de la circulation constituant un accident du travail, impliquant un véhicule conduit par Mme Y..., assurée auprès de la Mutuelle d'assurance des professions alimentaires (l'assureur) ; qu'il les a assignés en réparation de ses préjudices, en présence de la société La Poste, son employeur, organisme tiers payeur ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° J 09-69.826, qui est recevable :
Vu les articles L. 211-9, dans sa rédaction alors applicable, L. 211-13 du code des assurances et 4 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en application du premier de ces textes, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu, dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident, de présenter une offre d'indemnité à la victime qui subit une atteinte à sa personne ; qu'en application du deuxième, lorsque l'offre n'a pas été faite dans ce délai, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ;
Attendu que, pour condamner l'assureur à payer à M. X... des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur une certaine somme, pour la période comprise entre le 16 septembre 2001 et le 25 janvier 2007, l'arrêt retient que l'assureur n'a présenté son offre d'indemnisation que par ses conclusions de première instance du 25 janvier 2007 ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors, d'une part, que les conclusions contenant offre d'indemnisation avaient été signifiées à M. X... le 19 décembre 2006, d'autre part, que celui-ci avait limité à cette date le terme de cette sanction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et, sur le moyen unique du pourvoi n° S 09-70.362 :
Vu l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale, ensemble le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 modifié ;
Attendu qu'il résulte du dernier de ces textes que lorsque la décision d'attribution de la rente est définitive l'organisme de sécurité sociale est tenu au versement de cette prestation tant pour les arrérages à échoir que pour les arrérages échus, de sorte que la condition du versement effectif et préalable de la prestation prévue par le premier de ces textes est remplie ;
Attendu que, pour fixer à une certaine somme la créance de La Poste au titre de son recours subrogatoire, l'arrêt retient que, lorsqu'un organisme prestataire estime que l'allocation temporaire d'invalidité versée indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer un recours sur un tel poste, il lui appartient d'établir qu'il a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel ; qu'en l'espèce, en l'absence de toute incidence professionnelle définitive, l'allocation temporaire d'invalidité ne peut réparer que le déficit fonctionnel séquellaire de la victime et s'imputer sur ce poste de préjudice, mais que seuls les arrérages échus peuvent être pris en compte ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il était justifié du caractère définitif de l'attribution de l'allocation d'invalidité, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la MAPA à payer à M. X... des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 173 471,19 euros, pour la période comprise entre le 16 septembre 2001 et le 25 janvier 2007, et en ce qu'il évalue le préjudice corporel de M. X..., après imputation, poste par poste, de la créance de La Poste, tiers payeur, à la somme de 70 333,48 euros, fixe la créance de La Poste au titre de son recours subrogatoire à la somme de 144 684,29 euros, condamne la MAPA et Mme Y... à payer à La Poste la somme de 144 684,29 euros au titre de son recours subrogatoire, condamne solidairement Mme Y... et la MAPA à payer à M. X... la somme de 62 711,02 euros, l'arrêt rendu le 13 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette l'ensemble des demandes présentées de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la Mutuelle d'assurance des professions alimentaires et Mme Y..., demanderesses au pourvoi n° J 09-69.826
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la MAPA à payer à Monsieur X... le double de l'intérêt légal sur la somme de 173.471 € du 16 septembre 2001 au 25 janvier 2007.
AUX MOTIFS QUE M. Michel X... réclame à la MAPA des intérêts au double du taux légal à compter du 16 octobre 2001 jusqu'à la date du 19 décembre 2006 correspondant à la première offre d'indemnisation par voie de conclusions. que la MAPA fait valoir que son offre définitive d'indemnisation a été faite dans les délais puisqu'en raison de la date d'information de la consolidation de la victime, elle avait jusqu'au 26 décembre 2006 pour formuler une offre définitive.que l'assureur n'admet l'application du doublement du taux légal de l'intérêt que pour l'indemnité provisionnelle, calculée sur le montant de l'indemnité provisionnelle allouée par l'arrêt du 14 février 2006, soit du 16 septembre 2001 au 14 février 2006. Qu"en application des dispositions de l'article L 211-9 du Code des assurances, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ; que cette offre doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice.que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; qu'une offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.que l'assureur du responsable d'un accident de la circulation qui n'a pas fait, dans le délai légal, une offre d'indemnité à la victime, fût-ce à titre provisionnel, encourt la sanction, prévue par l'article L211-13 du Code des assurances, du doublement de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité offerte par l'assureur à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre.qu'en l'espèce l'accident s'est produit le 16 janvier 2001, que la MAPA devaitdonc présenter à M. Michel X... une offre d'indemnisation, au moins provisionnelle, avant le 16 septembre 2001.qu'aucune offre d'indemnisation provisionnelle n'a été faite dans ce délai. que la consolidation de l'état de M. Michel X... à la date du 3 mars 2003 par l'expert judiciaire a été portée à la connaissance de la MAPA le 26 septembre 2006, qu'ainsi cet assureur devait présenter à M. Michel X... une offre d'indemnisation définitive avant le 26 décembre 2006.que la MAPA n'a présenté une offre d'indemnisation pour la première fois que par ses conclusions de première instance du 25 janvier 2007 pour un montant global de 173.471 € 19c.(157.971,19+15.500), qu'en effet le paiement de la provision de 7. 622€45c. en exécution de l'arrêt du 14 février 2006 n'exonérait pas l'assureur de son obligation de présenter une offre dans les délais légaux.que la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal prévue par l'article L. 211-13 précité s'applique sans distinction à l'offre provisionnelle et à l'offre définitive, que si, comme en l'espèce, l'assureur n'a fait aucune offre provisionnelle, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur produit intérêt au double du taux légal entre la date à laquelle il aurait dû faire une offre provisionnelle (soit en l'espèce le 16 septembre 2001) et celle à laquelle il a présenté une offre définitive (soit en l'espèce le 25 janvier 2007).que cette sanction a pour assiette la totalité de l'offre d'indemnisation du préjudice corporel de la victime faite par l'assureur, qu'en l'espèce cette sanction portera donc sur la somme de 173.471 € 19 c.que cette sanction ne s'applique qu'à l'assureur, qu'en conséquence seule la MAPA sera condamnée à payer à M. Michel X... des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 173.471 € 19 c. pour la période comprise entre le 16 septembre 2001 et le 25 janvier 2007, M. Michel X... étant débouté du surplus de sa demande tendant à la condamnation solidaire de Mm e Monique Y... de ce chef
ALORS QUE Monsieur X... ne réclamait le doublement de l'intérêt légal que jusqu'au 19 décembre 2006 ; qu'en lui accordant plus que ce qu'il avait demandé, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QU'une offre d'indemnisation à la victime d'un accident de la circulation est valablement faite par conclusions, à la date où celles-ci sont signifiées ; que la sanction du doublement de l'intérêt légal a donc pour terme la signification des conclusions ; qu'il résulte des constatations des juges du fond qu'une telle offre avait été faite en première instance, par des conclusions signifiées le 19 décembre 2006 et déposées le 26 janvier 2007 ; qu'en prononçant la sanction du doublement de l'intérêt légal jusqu'au 25 janvier 2007, la cour d'appel a violé les articles L 211-9 et L 211-13 du code des assurances, dans leur rédaction antérieure à la loi du 1er août 2003
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour La Poste, demanderesse au pourvoi n° S 09-70.362
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé la créance de LA POSTE au titre de son recours subrogatoire à la somme de 144.684,29 euros ;
AUX MOTIFS QUE LA POSTE verse à la victime une allocation temporaire d'invalidité dont elle demande, à titre subsidiaire, en cas d'application de la loi du 21 décembre 2006 l'imputation sur le poste de préjudice relatif au déficit fonctionnel séquellaire, ce à quoi s'oppose Monsieur Michel X... au motif que le déficit fonctionnel séquellaire ne répare qu'un préjudice à caractère personnel sur lequel LA POSTE ne peut exercer son recours ;
Mais attendu qu'il résulte des nouvelles dispositions de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 et de l'avis n° 0070016 P du 29 octobre 2007 de la Cour de cassation que si la personne publique telle que LA POSTE estime que l'allocation temporaire d'invalidité indemnise aussi un préjudice personnel et si elle souhaite exercer son recours sur un tel poste, il lui appartient d'établir qu'elle a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel
Attendu qu'en l'espèce, Monsieur X... a été maintenu dans son emploi à LA POSTE et n'a donc aucun préjudice professionnel définitif au titre d'une incidence professionnelle ou d'une perte de gains futurs.
Attendu que LA POSTE rappelle qu'en vertu du décret du 6 octobre 1960 l'allocation temporaire d'invalidité est attribuée lorsque le taux d'invalidité médicalement établi est au moins égal à 10%, que cette prestation viagère est cumulable avec le traitement d'activité et continue à être versée après admission à la retraite, cumulativement avec la pension de retraite, que son montant n'est pas hiérarchisé et est égal, quel que soit le grade de l'allocataire, à la fraction du traitement brut afférent à l'indice majoré 234 des rémunérations de la fonction publique correspondant au pourcentage d'invalidité du fonctionnaire.
Attendu que la méthode de calcul de cette allocation et son caractère objectif démontrent qu'elle a pour objet de compenser un déficit fonctionnel lié aux séquelles de l'accident et non pas une quelconque perte de revenus puisque l'agent continue à assurer son service.
Attendu en conséquence et en l'absence de toute incidence professionnelle définitive, que force est de constater que l'allocation temporaire d'invalidité ne peut réparer que le déficit fonctionnel séquellaire de la victime et doit donc s'imputer sur ce poste de préjudice.
Mais attendu que seuls les arrérages échus peuvent s'imputer, qu'il résulte du décompte produit en cours de délibéré par LA POSTE, non contesté par les autres parties, auxquelles il a été régulièrement communiqué et soumis à leur contradictoire que ces arrérages, arrêtés à la date du 1er mars 2009 se montent à la somme de 21.989,23 euros ;
Qu'en conséquence après imputation du recours de LA POSTE il revient à la victime la somme de 18.010,77 euros (40.000 – 21.989,23) ;(…)Que la créance de LA POSTE sera fixée à la somme de 144.684,29 euros (83.672,77+39.022,29+21.989,29) que Madame Y... et la MAPA seront solidairement condamnées à lui payer, en deniers ou quittances, compte tenu des sommes pouvant avoir déjà été versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement déféré ;
1°) ALORS QUE si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ; que lorsque la décision d'attribution d'une rente d'invalidité est définitive, la condition tenant au versement préalable et effectif de la prestation est remplie tant pour les arrérages à échoir que pour les arrérages échus ; qu'en jugeant, en l'espèce, que «seuls les arrérages échus de la rente servie à la victime par l'organisme social peuvent s'imputer» sur son préjudice, après avoir constaté que la rente litigieuse avait été attribuée à titre viager à la victime, par LA POSTE, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 31 de la loi du 5 juillet 1985 et 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QU'à partir du moment où le préjudice d'une victime est indemnisé sous forme de capital, la créance du tiers payeur qui s'impute sur ce préjudice doit, elle aussi, être capitalisée ; qu'en fixant à une somme de 18.010,77 euros (arrêt p.7, al. 9) en capital le solde indemnitaire revenant à Monsieur X... au titre du déficit fonctionnel séquellaire tout en refusant l'imputation du capital représentatif de la rente versée par LA POSTE à cette victime, la Cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale et les textes visés au moyen.