LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2012), que par une décision réglementaire n° 2009-1106 du 22 décembre 2009, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (l'ARCEP) a précisé "les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée", fixant des règles de mutualisation de la partie terminale du réseau et prévoyant des dispositions propres aux zones d'habitat très denses ; que pour ces zones, elle a prévu que l'opérateur d'immeuble doit faire droit aux demandes d'accès des opérateurs formées antérieurement à l'établissement des lignes, soit qu'elles tendent à bénéficier pour chaque logement d'une fibre optique supplémentaire, dite dédiée, entre le point de mutualisation et le logement, et ce, moyennant un préfinancement des coûts de son installation (architecture multifibres), soit qu'elles tendent à installer un dispositif de brassage à proximité du point de mutualisation, permettant de partager l'unique fibre optique installée pour chaque logement, en la mettant à la disposition de l'opérateur commercial finalement choisi par l'occupant du logement (architecture monofibre), précisant encore que, si aucun opérateur n'a, préalablement à la réalisation des travaux, déclaré vouloir disposer d'une fibre dédiée, l'opérateur d'immeuble peut, à son choix, déployer une ou plusieurs fibres entre le point de mutualisation et chaque logement, les opérateurs tiers devant alors s'adapter à l'architecture mise en place ; que l'ARCEP ayant, dans la décision précitée, imposé aux opérateurs d'immeuble de publier, à l'intention des opérateurs tiers intéressés, une offre d'accès à la partie terminale des lignes en fibre optique, dont les conditions tarifaires devaient respecter les principes de non-discrimination, d'objectivité, de pertinence et d'efficacité, la société France Télécom, qui a entrepris depuis 2008 de développer un réseau d'infrastructures de nouvelle génération en fibre optique jusqu'à l'abonné, dite FttH (Fiber to the Home), a publié le 17 février 2010 une offre d'accès qui prévoyait qu'antérieurement à la réalisation des travaux, une offre de co-investissement conférerait à l'opérateur co-investisseur un droit d'usage pérenne et amortissable dans la partie verticale du réseau (co-investissement ab initio), qu'une fois les travaux de câblage de l'immeuble réalisés par elle, les autres opérateurs ne pourraient bénéficier de l'accès que sous la forme d'une location de la fibre, conférant un droit non amortissable au preneur, et que le coût de raccordement palier serait réparti à hauteur de 50 % sur l'ensemble des co-investisseurs et de 50 % sur l'opérateur commercial réalisant le raccordement ; que la société Bouygues Télécom, qui souhaite développer son offre de détail en fibre optique, a contesté notamment les conditions du cofinancement des lignes FttH et de la location des lignes FttH au point de mutualisation, qu'elle estimait discriminatoires, déséquilibrées et non équitables ; que n'ayant pu obtenir de la société France Télécom la modification de ces conditions, elle a saisi l'ARCEP d'une demande de règlement de différend ; que par décision n° 2010-1232 du 16 novembre 2010, l'ARCEP a décidé, en premier lieu, que la société France Télécom devait modifier son offre d'accès à la société Bouygues Télécom afin de lui proposer à tout moment une offre d'accès aux lignes FttH permettant de bénéficier de droits d'usage pérennes sur l'infrastructure déployée et d'amortir les investissements correspondants, dans des conditions raisonnables, moyennant un taux de rémunération du capital proportionné tenant compte du risque encouru, en second lieu, que la société France Télécom devait modifier son offre d'accès à la société Bouygues Télécom afin de prévoir la prise en charge d'au moins 90 % des coûts du raccordement palier par l'opérateur commercial recrutant le client ; que la société France Télécom a formé un recours contre cette décision ;
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire accessoire de l'ARCEP, contestée par la société France Télécom :
Attendu que l'ARCEP, n'ayant pas intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir les prétentions d'une partie, est irrecevable en son intervention volontaire accessoire ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches :
Attendu que la société France Télécom fait grief à l'arrêt du rejet de son recours en ce qu'il était dirigé contre l'article 1 de la décision lui imposant de modifier son offre d'accès à la société Bouygues Télécom afin de lui proposer à tout moment une offre d'accès aux lignes FttH permettant de bénéficier de droits d'usage pérennes sur l'infrastructure déployée et d'amortir les investissements correspondants, dans des conditions raisonnables, moyennant un taux de rémunération du capital proportionné tenant compte du risque encouru, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en considérant que la décision réglementaire de l'ARCEP n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 n'imposerait pas le cofinancement ab initio et n'exclurait pas le cofinancement a posteriori, la cour d'appel a violé l'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques ;
2°/ qu'en admettant que l'ARCEP impose, dans le cadre d'un règlement de différend, une forme d'accès aux lignes FttH en zone dense avec co-financement a posteriori non prévue par la décision réglementaire n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique en zone dense, la cour d'appel a violé les articles L. 34-8-3, L. 36-6 et L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques, ensemble l'article 5 du code civil ;
3°/ qu'en refusant d'examiner la nature du droit d'usage pérenne que la décision entreprise impose à la société France Télécom d'accorder à tout moment à la société Bouygues Télécom sur la considération que l'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques impose à l'opérateur d'immeuble de faire droit aux demandes raisonnables d'accès des opérateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 544 du code civil ;
4°/ qu'en se bornant à affirmer, de manière péremptoire, que la mise en oeuvre de la demande de la société Bouygues Télécom, caractérisant une atteinte au droit de propriété de la société France Télécom sur ses infrastructures, serait proportionnée, sans justifier en rien de ce caractère proportionné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'article L. 34-8-4 du code des postes et communications électroniques précise que, dans les cas définis par l'ARCEP, l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique peut consister en la mise à disposition d'installations et d'éléments de réseau spécifiques demandés par un opérateur antérieurement à l'équipement de l'immeuble, moyennant la prise en charge d'une part équitable des coûts par cet opérateur ; que c'est donc sans méconnaître ces dispositions que la cour d'appel a retenu que, dans sa décision réglementaire n° 09-1106 du 22 décembre 2009, qui prévoyait la possibilité pour les opérateurs de former des demandes d'accès spécifiques avant l'équipement de l'immeuble et permettait en ce cas aux opérateurs d'immeuble d'exiger une participation financière, l'ARCEP n'avait ni imposé un cofinancement ab initio ni exclu un cofinancement a posteriori ;
Attendu, en deuxième lieu, que de cette constatation, la cour d'appel a déduit à juste titre que l'ARCEP n'avait pas imposé à la société France Télécom une forme d'accès non prévue par sa décision réglementaire antérieure et qu'elle n'avait fait qu'exercer la mission qui lui était conférée par les articles L. 34-8, L. 34-8-3 et L. 36-8 du code des postes et communications électroniques, en leur version alors en vigueur, en fixant, dans le cadre du règlement du différend qui opposait cette société à la société Bouygues Télécom, les conditions équitables d'ordre technique et financier dans lesquelles l'accès de la seconde à une partie au réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique de la première devait être assuré, lorsque cet accès était demandé après la réalisation des installations ;
Et attendu, enfin, que l'arrêt rappelle que l'article L. 34-8-3 du code des postes et communications électroniques, en ce qu'il impose aux opérateurs d'immeuble de faire droit aux demandes d'accès raisonnables émanant d'opérateurs tiers, qu'elles soient formées avant ou après l'installation de la partie terminale du réseau, a institué, pour des motifs d'intérêt général tenant à la cohérence du réseau, à l'établissement d'une concurrence entre opérateurs sur le marché du très haut débit et à la nécessité de ne pas multiplier les travaux dans les immeubles, le principe d'une mutualisation des installations, en vertu duquel les opérateurs d'immeuble se voient conférer un monopole sur l'unique réseau déployé dans l'immeuble, en contrepartie du partage de ce réseau avec les opérateurs commerciaux afin que l'abonné puisse choisir son opérateur commercial ; qu'il ajoute que l'établissement d'une concurrence loyale et efficace entre ces opérateurs, objectif fixé par l'article L.32-1 du code des postes et communications électroniques, impose que les opérateurs commerciaux aient accès de façon pérenne à la partie terminale du réseau, ce droit d'accès faisant l'objet d'une rémunération au profit de l'opérateur d'immeuble ; qu'il relève encore que la société France Télécom elle-même propose aux opérateurs tiers, dans le cadre de son offre de mutualisation, avant réalisation des travaux dans l'immeuble, une solution de co-investissement leur conférant un droit d'usage pérenne ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que la demande de la société Bouygues Télécom n'engendrait pas pour la société France Télécom des contraintes disproportionnées, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche visée par la troisième branche, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société France Télécom fait grief à l'arrêt du rejet de son recours en ce qu'il était dirigé contre l'article 2 de cette décision lui imposant de modifier son offre d'accès à la société Bouygues Télécom afin de prévoir la prise en charge d'au moins 90 % des coûts du raccordement palier par l'opérateur commercial recrutant le client alors, selon le moyen :
1°/ qu'en considérant que l'ARCEP aurait été compétente pour imposer, dans le cadre d'un règlement de différend, un partage des coûts de raccordement palier à hauteur de 90 % pour l'opérateur commercial, quand la société Bouygues Télécom n'a jamais demandé de partage des coûts et réclamait une prise en charge intégrale par l'opérateur commercial, et que la société France Télécom proposait un partage à hauteur de 50 % pour les co-investisseurs, 50 % pour l'opérateur commercial, la cour d'appel a violé l'article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques ;
2°/ qu'en considérant que l'ARCEP pouvait imposer un partage des coûts de raccordement palier à hauteur de 90% pris en charge par l'opérateur commercial, quand, par une telle décision, l'ARCEP a outrepassé les termes de sa saisine, la cour d'appel a violé les articles L. 36-8 du code des postes et des communications, 4 et 5 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des termes mêmes du moyen que l'ARCEP n'est pas sortie des limites du litige ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que le premier moyen, en sa cinquième branche, et le second moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes irrecevable en son intervention volontaire accessoire ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société France Télécom aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer une somme de 2 500 euros à la société Bouygues Télécom et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize avril deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Defrénois et Lévis, avocat aux Conseils, pour la société France Télécom
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le recours de la société France Télécom contre la décision de l'ARCEP n° 2012-1232 du 16 novembre 2010 en ce qu'il était dirigé contre l'article 1 de cette décision imposant à la société France Télécom de modifier son offre d'accès à la société Bouygues télécom afin de lui proposer à tout moment une offre d'accès aux lignes FttH permettant de bénéficier de droits d'usage pérennes sur l'infrastructure déployée, et d'amortir les investissements correspondants, dans des conditions raisonnables, moyennant, un taux de rémunération du capital proportionné tenant compte du risque encouru ;
- AUX MOTIFS QU'
« il convient, pour répondre à l'argumentation de la requérante - concluant (page 38) que "l'ARCEP aurait donc dû se déclarer incompétente lorsque, sur le fondement de l'article L.36-8, Bouygues Télécom sollicitait l'édiction d'une règle ou d'une prescription relevant expressément, aux termes mêmes de l'article L. 34-8-3, du champ d'application de l'article L. 36-6 du CPCE"- de rappeler préalablement les dispositions de l'article L. 34-8-3 du CPCE et la décision réglementaire n° 2009-1106 ;
- Sur l'article L. 34-8-3 du CPCE :
(…) cette disposition est ainsi rédigée, les éléments issus de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 étant soulignés :
"Toute personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final fait droit aux demandes raisonnables d'accès à ladite ligne et aux moyens qui y sont associés émanant d'opérateurs, en vue de fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final.
"L'accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point situé, sauf dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, hors des limites de propriété privée et permettant le raccordement effectif d'opérateurs tiers, à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables. Dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. l'accès peut consister en la mise à disposition d'installations et d'éléments de réseau spécifiques demandés par un opérateur antérieurement à l'équipement de l'immeuble en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. moyennant la prise en charge d'une part équitable des coûts par cet opérateur. Tout refus d'accès est motivé.
"Il fait l'objet d'une convention entre les personnes concernées. Celle-ci détermine les conditions techniques et financières de l'accès. Elle est communiquée à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à sa demande.
"Les différends relatifs à la conclusion ou à l'exécution de la convention prévue au présent article sont soumis à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes conformément à l'article L 36-8.
"Pour réaliser les objectifs définis à l'article L. 32-1, et notamment en vue d'assurer la cohérence des déploiements et une couverture homogène des zones desservies, l'autorité peut préciser, de manière objective. transparente. non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès prévu au présent article."
(…) c'est à juste titre que la société France Télécom ne conteste plus (dernier mémoire page 25) que l'accès visé par ce texte peut consister en un cofinancement a posteriori des lignes FttH (Cf Décision page 19) et que l'ARCEP a compétence pour imposer aux opérateurs cette forme d'accès
(…) en effet, il résulte de la disposition sus-rappelée et des travaux qui l'ont préparée (Cf - rapports de Monsieur X... et de Mme de Y...)- que l'accès, défini par l'article L. 32 du CPCE comme "toute mise à disposition de moyens, matériels ou logiciels, ou de services, en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de télécommunications électroniques", est envisagé par l'article L. 34- 8-3 du CPCE ( ler alinéa et première phrase du second) à tout moment, soit avant ou après la réalisation des travaux ("Toute personne établissant ou ayant établi") ; qu'en ajoutant les termes "établissant ou" en 2009, le législateur a souhaité que le droit d'accès à la partie terminale des réseaux de fibre s'exerce non seulement après l'installation des lignes (une fois la ou les ligne(s)installée(s)), mais aussi au moment du câblage des immeubles ; que ces dispositions ne fixent pas la forme juridique que doit prendre l'accès, sous réserve que le modèle retenu réponde aux objectifs définis par l'article L. 32-1 du CPCE,- que l'obligation imposée à un opérateur tiers souhaitant co-investir dans le réseau, de se déclarer "antérieurement" à la réalisation des travaux (article L. 34-8-3 du CPCE, deuxième phrase du deuxième alinéa) ne concerne que le choix de l'architecture de la partie terminale du réseau au moment de la conception des travaux ; que cette disposition, ajoutée en 2009, a pour objet d'obliger l'opérateur d'immeuble, saisi d'une demande d'un opérateur tiers, à mettre en place les équipements (fibres dédiées ou dispositif de brassage) qui permettront aux opérateurs tiers de se connecter à la partie terminale des réseaux de fibre en disposant d'une fibre dédiée ou, à défaut d'une fibre partagée; qu'en précisant que la demande doit être formulée par l'opérateur tiers "antérieurement" à l'équipement de l'immeuble, le législateur a simplement imposé à l'opérateur d'immeuble l'obligation d'installer des fibres supplémentaires avant réalisation des travaux d'équipement de l'immeuble en fibre optique
(…) ainsi, outre l'accès ab initio, l'article L. 34-8-3 du CPCE autorise l'accès a posteriori des opérateurs tiers à la partie terminale du réseau de fibre optique sans en imposer les modalités, pourvu que l'accès soit offert par l'opérateur d'immeuble dans des conditions transparentes et non discriminatoires, à tout opérateur lui en faisant la demande raisonnable et permette le raccordement effectif d'opérateurs tiers à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables;
- Sur la décision n° 2009-1106 de l'ARCEP du 22 décembre 2009 :
(…)par sa décision n° 2009-1106 en date du 22 décembre 2009, "précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE, les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée", l'ARCEP décide :Article 2L'opérateur d'immeuble offre aux autres opérateurs l'accès aux lignes au point de mutualisation, sous forme passive, dans des conditions raisonnables et non discriminatoires. Par dérogation à l'alinéa précédent, lorsqu'au moins quatre fibres optiques par logement ou local à usage professionnel ont été installées et que l'ensemble des fibres optiques installées sont exploitées par des opérateurs, l'accès peut être proposé en un point situé en amont du point de mutualisation, sous forme passive ou active. L'accès aux lignes proprement dites s'accompagne de la mise à disposition des ressources nécessaires associées à la mise en oeuvre effective de l'accès dans des conditions raisonnables et non discriminatoires, notamment celles précisées à l'annexe II de la présente décision.Article 3Les conditions tarifaires de l'accès prévu aux articles 2 et 5 de la présente décision doivent être raisonnables et respecter les principes de non discrimination, d'objectivité, de pertinence et d'efficacité. Le taux de rémunération du capital utilisé pour la détermination de ces conditions tarifaires tient compte du risque encouru et confère une prime à l'opérateur d'immeuble.Dans le respect de ces principes, lorsque l'opérateur bénéficiaire de l'accès participe au financement ab initio de l' installation des lignes de l'immeuble, sa contribution se compose du financement des coûts qui lui sont imputables, ainsi que d'une quote-part équitable des coûts ayant vocation à être partagés entre opérateurs.Article 4Dans un délai d'un mois à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française, l'opérateur d'immeuble publie une offre d'accès qui comprend notamment les prestations suivantes, permettant de répondre aux obligations qui lui incombent au titre des articles 2, 3 et 5 de la présente décision- conditions d'installation d'une fibre optique dédiée ou d'un dispositif de brassage ; - accès aux lignes par mise à disposition de fibre optique dédiée et/ou de fibre optique partagée ;- accès aux ressources associées.Pour chacune des prestations mentionnées à l'alinéa précédent, l'offre précise notamment les conditions de souscription et de résiliation, les informations préalables, les caractéristiques techniques, les processus de livraison et de service après-vente, les délais et préavis, la qualité de service et les conditions tarifaires. L'opérateur d'immeuble établit et tient à jour des informations relatives aux coûts retraçant les investissements réalisés et présentant un degré de détail suffisant pour permettre le contrôle par l'Autorité du respect des dispositions de l'article 3.Article 5Le présent article ne s'applique que dans les zones très denses. Lorsque les demandes d'accès sont formulées antérieurement à l'établissement des lignes d'un immeuble, l'opérateur d'immeuble fait droit aux demandes raisonnables des opérateurs portant sur les éléments constitutifs des lignes ou sur leur environnement technique, notamment aux demandes consistant à- bénéficier, pour chaque logement ou local à usage professionnel de l'immeuble, d'une fibre optique dédiée permettant de desservir l'utilisateur final depuis le point de mutualisation- pouvoir installer un dispositif de brassage des lignes au niveau ou à proximité du point de mutualisation.L'opérateur d'immeuble peut exiger que l'opérateur ayant fait une demande mentionnée ci-dessus participe ab initio au financement de l'installation des lignes dans l'immeuble, dans les conditions prévues à l'article 3.(…) c'est à juste titre que l'ARCEP conteste la lecture de cette décision proposée par la requérante ;(…) en effet- l'article 2 et l'article 3, alinéa 1, de cette décision fixent de manière générale les principes généraux de l'accès à la partie terminale du réseau et ses conditions tarifaires ; (…) ces principes sont applicables que la demande d'accès soit présentée avant ou après la réalisation des travaux- contrairement à ce qui est soutenu, l'article 2 ne traite pas spécifiquement de l'hypothèse de la location (concept qui n'apparaît d'ailleurs pas dans la décision) mais vise toute modalité d'accès- l'article 5 ne traite que de l'hypothèse (prévue par l'article L. 34-8-3, 2ème alinéa, 2ème phrase, du CPCE) d'une demande d'accès formulée antérieurement à la réalisation de la partie terminale du réseau ("Lorsque...") ; (…) il n'impose pas le co-financement ab initio pas plus qu'il n'exclut le co-financement a posteriori.
(…) c'est donc à tort que la requérante oppose l'article 5 relatif comme l'article 3, second alinéa, au seul cofinancement ab initio à l'article 2 (et l'article 3, premier alinéa), disposition qu'elle ne peut soutenir ne viser qu'une offre de location des lignes FttH au point de mutualisation.
(…) une telle interprétation peut d'autant moins être retenue que la décision rappelle expressément dans ses motifs (pages 29 et 30) que la demande d'accès peut être formulée "antérieurement à l'établissement des lignes d'un immeuble" ou "ultérieurement à l'installation des lignes" ; (…) elle précise sur ce dernier point, qu' « en vue d'encourager l'équipement des immeubles en fibre optique, et en cohérence avec les travaux européens tendant à favoriser le partage du risque et à conférer une prime de risque à l'opérateur qui investit, il convient de prévoir de façon complémentaire que, lorsque les opérateurs se manifestent ultérieurement à l'installation des lignes, leur contribution au partage des coûts soit déterminée en utilisant un taux de rémunération du capital qui tienne compte du risque encouru et confère une prime à l'opérateur d'immeuble."; (…) est ainsi envisagée l'hypothèse d'un cofinancement a posteriori ;(…) au surplus :
- (…) il est observé que la recommandation de l'ARCEP relative aux modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, publiée le 23 décembre 2009 (document dépourvu de caractère prescriptif, mais visant à guider les opérateurs dans l'établissement de leur offre d'accès aux autres opérateurs qui devra être publiée dans un délai d'un mois à compter de la publication de la décision de l'ARCEP (décision n° 2009-1106) et à faciliter la négociation de conventions d'accès entre opérateurs) rappelle que "l'opérateur d'immeuble doit prévoir, dans le respect de l'article 2 du projet de décision de l'Autorité, la possibilité pour des opérateurs ne s'étant pas manifestés ab initio de se raccorder ultérieurement au point de mutualisation dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficient les opérateurs s'étant manifestés ab initio";- (…) il est constaté que la requérante ne conteste pas que les autres opérateurs, dans leurs offres d'accès établies sur le fondement de la décision n° 2009-1106 sus-rappelée, proposent des solutions de co-financement à tout moment et non pas uniquement a priori ; (…) elle ne conteste pas davantage avoir elle-même proposé un droit pérenne a posteriori aux opérateurs tiers pour les lignes en fibre optique qu'elle a déjà mises en place avant sa première offre commerciale (lignes installées avant le 1" janvier 2010);(…) il résulte de ce tout qui précède que l'argumentation de la requérante manque en fait en ce qu'elle soutient que la décision n° 2009-1106 n'a pas envisagé l'hypothèse du cofinancement a posteriori ;
- Sur la compétence de l'ARCEP :(…) ainsi que le relève la Décision (page 19), (…) la compétence de l'Autorité sur le fondement de l'article L. 36-6 du CPCE (décision "réglementaire" applicable à tous les opérateurs) n'entraîne pas son incompétence pour se prononcer sur une demande de règlement de différend dans les termes de l'article L. 36-8 du même code (décision qui ne s'impose qu'aux parties à la procédure) portant sur le même sujet ; (…) la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'adoption de la Décision, rendue dans le cadre d'un règlement de différend, priverait le ministre du pouvoir d'homologation et donc de décision qu'il détient en application de l'article L. 36-6 du CPCE ; (…) en effet, l'homologation a pour seul objet de rendre obligatoire ou d'étendre la portée d'une décision et le ministre ne peut substituer son appréciation à celle de l'Autorité ;
(…) ainsi qu'il a été dit (…) l'article L. 34-8-3 du CPCE autorise l'accès a posteriori des opérateurs tiers à la partie terminale du réseau de fibre optique sans en imposer les modalités, pourvu que l'accès soit offert par l'opérateur d'immeuble dans des conditions transparentes et non discriminatoires, à tout opérateur lui en faisant la demande raisonnable et permette le raccordement effectif d'opérateurs tiers à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables; (…) la décision n° 2009-1106 détermine les principes que doivent respecter les conditions tarifaires de l'accès offert par l'opérateur d'immeuble aux autres opérateurs ; (…) il ne peut donc être soutenu que le différend entre les parties porte sur une forme d'accès qui n'aurait pas été prévue par la loi et envisagée par la décision réglementaire n° 2009-1106 ;
(…) en outre, (…) le fait que la décision réglementaire n° 2009-1106 ne prévoit pas expressément, dans son dispositif, l'accès aux lignes par cofinancement a posteriori n'a pas d'incidence sur la compétence que confère à l'ARCEP l'article L. 36-8 du CPCE, disposition qui, en cas d'échec des négociations commerciales, permet à cette Autorité d'être saisie de différends relatifs à la mise en oeuvre des obligations des opérateurs et notamment ceux portant sur la conclusion de la convention d'accès prévue par l'article L. 34-8-3 du même code ; (…) en effet, cette dernière disposition autorisant l'accès des opérateurs à la partie terminale du réseau, et ce, tant ab initio qu'a posteriori, il appartient à l'ARCEP, après échec de négociations, de régler le différend opposant deux opérateurs sur les modalités financières, d'une offre d'accès a posteriori.
(…) il résulte de tout ce qui précède que la Décision a imposé à la société France Télécom une forme d'accès par cofinancement a posteriori permise par les dispositions légales et que l'Autorité n'a pas commis de détournement de procédure en précisant, dans le cadre d'une procédure de règlement de différend, les conditions de l'offre d'accès a posteriori proposée par France Télécom à Bouygues ; (…) c'est à juste titre que l'ARCEP s'est déclarée compétente pour statuer dans ce cadre » ;
1°) ALORS QU' en considérant que la décision réglementaire de l'ARCEP n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 n'imposerait pas le co-financement ab initio et n'excluerait pas le co-financement a posteriori, la cour d'appel a violé l'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques ;
2°) ALORS QU'admettant que l'ARCEP impose, dans le cadre d'un règlement de différend, une forme d'accès aux lignes FttH en zone dense avec cofinancement a posteriori non prévue par la décision réglementaire n°2009-1106 du 22 décembre 2009 précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique en zone dense, la cour d'appel a violé les articles L.34-8-3, L.36-6 et L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques, ensemble l'article 5 du code civil.
- ET AUX MOTIFS QUE :
- Sur l'atteinte invoquée au droit de propriété de France Télécom
(…) la requérante soutient que le "droit d'usage pérenne" que l'article 1 de la Décision lui impose d'octroyer aux opérateurs tiers présente les caractéristiques d'un droit réel et opère, hors de toute prévision légale, un démembrement illicite de son droit de propriété auquel il porte atteinte dans des conditions inéquitables et disproportionnées en violation des articles 544 et suivants du code civil et 1 du Protocole ri° 1 de la CEDH qu'elle ajoute que, même à supposer que ce droit d'usage puisse être qualifié de droit personnel, il porte atteinte à la sécurité juridique dans des conditions qui entachent l'article 1 d'illégalité
Mais (…) il ne peut être soutenu que cette obligation mise à la charge de France Télécom par la Décision est dépourvue de base légale
(…) ainsi qu'il a été vu, l'article L. 34-8-3 du CPCE impose à l'opérateur d'immeuble de faire droit aux demandes d'accès raisonnables émanant d'opérateurs tiers et ce, peu important le moment de la demande et donc soit lors de l'installation, soit après l'installation de la partie terminale du réseau, la seule différence entre les deux situations résultant du fait qu'avant les travaux, l'opérateur tiers peut influer sur le choix de l'architecture de la partie terminale du réseau à installer.
(…) France Télécom propose d'ailleurs elle-même aux opérateurs tiers, dans le cadre de son offre de mutualisation, avant réalisation des travaux dans l'immeuble, une offre de co-investissement conférant aux opérateurs tiers un droit d'usage pérenne.
(…) ainsi que le rappelle la société Bouygues, la loi institue, pour des motifs d'intérêt général tenant à la cohérence du réseau et à la nécessité de ne pas multiplier les travaux dans les immeubles, un monopole au profit des opérateurs d'immeuble, monopole qui a pour contrepartie un partage de l'unique réseau déployé dans l'immeuble entre l'opérateur d'immeuble et les opérateurs commerciaux afin que l'abonné puisse choisir son opérateur commercial, ce principe de mutualisation étant justifié par l'intérêt général qui s'attache à l'établissement d'une concurrence entre opérateurs sur le marché du très haut débit ;
(…) ainsi que le souligne l'Autorité, la limite apportée par la loi (article L. 34-8-3 du CPCE) au droit de propriété de l'opérateur d'immeuble sur son réseau du fait de l'obligation d'en accorder l'accès à des opérateurs tiers trouve sa source dans les directives communautaires du 7 mars 2002 et est imposée pour des raisons d'ordre public économique, l'établissement d'une concurrence loyale et efficace entre les opérateurs (objectif fixé par l'article L.32-1 du CPCE) imposant que les opérateurs commerciaux aient accès de façon pérenne à la partie terminale du réseau, étant observé que le droit d'accès ainsi organisé fait l'objet d'une rémunération au profit de l'opérateur d'immeuble ;
(…) c'est à juste titre que la Décision retient que la demande de Bouygues tendant à ce que France Télécom lui propose une offre d'accès à tout moment du déploiement des lignes FttH, est nécessaire, que sa demande tendant à bénéficier de droits d'usage pérennes sur l'infrastructure déployée et permettant d'amortir les investissements correspondants est proportionnée et que la mise en oeuvre de cette demande ne génère pas pour France Télécom des contraintes disproportionnées;
(…) enfin (…) le débat initié par la requérante sur la qualification du droit pérenne accordé à Bouygues par la Décision sur le réseau de lignes FttH de France Télécom (droit réel ou droit personnel) est sans conséquence sur le bien-fondé de la Décision contestée ; (…) il suffit de rappeler que la loi ne se prononce pas sur la nature du droit d'accès et que ce droit obéit à un régime juridique particulier déterminé contractuellement par les parties dans le respect de l'article L. 34-8-3 du CPCE et des objectifs de régulation (non-discrimination, investissement efficace, effectivité de la concurrence) ;
(…) il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté en ce qu'il vise l'article 1 de la Décision » ;
3°) ALORS QU' en refusant d'examiner la nature du droit d'usage pérenne que la décision entreprise impose à la société France Télécom d'accorder à tout moment à la société Bouygues Télécom sur la considération que l'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques impose à l'opérateur d'immeuble de faire droit aux demandes raisonnables d'accès des opérateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 544 du code civil ;
4°) ALORS QU' en se bornant à affirmer, de manière péremptoire, que la mise en oeuvre de la demande de la société Bouygues Télécom, caractérisant une atteinte au droit de propriété de la société France Télécom sur ses infrastructures, serait proportionnée, sans justifier en rien de ce caractère proportionné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1 du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5°) ALORS QU'en se bornant à rappeler que l'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques prévoit le droit d'accès, pour un opérateur, aux lignes FttH, sans répondre au moyen péremptoire tiré de l'insécurité juridique que l'article 1 de la décision entreprise fait peser sur l'opérateur d'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le recours de la société France Télécom contre la décision de l'ARCEP n° 2012-1232 du 16 novembre 2010 en ce qu'il était dirigé contre l'article 2 de cette décision imposant à la société France Télécom de modifier son offre d'accès à la société Bouygues Télécom afin de prévoir la prise en charge d'au moins 90% des coûts du raccordement palier par l'opérateur commercial recrutant le client ;
AUX MOTIFS QU'
« - Sur la compétence de l'ARCEP :
(…) la requérante fait valoir que l'article 2 de la Décision est illégal en ce que l'ARCEP était incompétente pour enjoindre une prise en charge d'au moins 90 % des coûts de raccordement palier par l'opérateur commercial recrutant le client car la demande de Bouygues portait sur la prise en charge de l'intégralité de ces coûts et les négociations commerciales n'avaient pas porté sur une prise en charge partagée ;
(…) l'offre de France Télécom, objet du présent différend, prévoyait la répartition des coûts du raccordement palier entre, d'une part, l'ensemble des opérateurs co-investisseurs (opérateurs bénéficiant d'un accès pérenne à l'infrastructure en fibre optique déployée dans l'immeuble) à hauteur de 50% et, d'autre part, l'opérateur commercial réalisant le raccordement pour les autres 50% ;
(...) Bouygues a demandé à plusieurs reprises à France Télécom de modifier les conditions financières de son offre en mettant à la charge de l'opérateur commercial l'intégralité du coût du raccordement palier ;
(...) France Télécom n'ayant pas donné suite à cette demande, Bouygues a saisi l'ARCEP en différend de la même demande ;
(…) il en résulte que le périmètre des négociations ayant échoué était compris entre le seuil de 50 % et celui de 100% à charge de l'opérateur commercial et que l'Autorité avait toute latitude pour statuer dans la fourchette comprise entre l'offre de France Télécom (50%) et la demande de Bouygues (100%) ; (…) en fixant à 90 % la prise en charge par l'opérateur commercial des coûts du raccordement palier, l'Autorité a statué dans les limites de sa saisine en faisant partiellement droit à la demande qui lui était soumise ; (...) c'est à tort que la requérante invoque l'illégalité de l'article 2 de la Décision pour incompétence de l'ARCEP ;
- Sur le fond :
(...) par application de l'article L. 36-8 du CPCE, l'ARCEP doit trancher les différends entre les opérateurs en précisant "les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés."; (…) tenue de statuer en équité, l'Autorité doit tenir compte de la règle de droit et apprécier toutes les circonstances de fait ;
(…) la requérante, qui soutient que l'Autorité a entaché sa Décision d'une erreur manifeste d'appréciation, n'en justifie pas ;
(…) en effet d'une part, l'étude qu'elle verse aux débats repose notamment sur des hypothèses structurantes relatives à une prévision d'une évolution des parts de marché des opérateurs et à la durée d'amortissement des investissements du raccordement palier ;
(...) ces hypothèses sont utilement contestées tant par la société Bouygues que par l'Autorité qui observent que la chute brutale de ses parts de marché envisagée dans cette étude pour France Télécom, opérateur actuellement le plus puissant sur le marché, n'est pas compatible avec la stratégie d' investissement développée par cette société, qui relèvent la rigidité ou le peu de fiabilité des hypothèses retenues s'agissant de la "durée de vie" d'un client et de la "durée de vie" du raccordement palier et qui mentionnent que cette étude ne prend pas en compte l'état du marché de détail actuel du haut et très haut débit ;
(…) en effet d'autre part, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation et en prenant en compte les objectifs visés par l'article L. 32-141 du CPCE que la Décision "estime fondamental que les modalités de financement du raccordement palier n'aboutissent pas à la constitution d'une barrière à l'entrée pour un opérateur nouvel entrant à faible part de marché" (Cf développements page 39) ;
(…) en effet, enfin, s'agissant des risques de détournements de lignes invoqués par la requérante, (...) la Décision n'a pas ignoré les risques liés aux comportements de "passager clandestin" mais a montré comment des mécanismes alternatifs ne conduisant pas à élever des barrières à l'entrée pouvaient être mise en oeuvre pour limiter ces risques (Cf page 40) ;
(…) il en résulte que la Décision de l'ARCEP, qui n'a pas commis d'erreur de droit en prenant en compte les objectifs d'effectivité de la concurrence et d'efficacité de l'investissement visés par l'article L. 32-I-II du CPCE, ne procède pas d'une erreur d'appréciation des circonstances de fait et des demandes contradictoirement débattues devant elle, mais tend, sans disproportion au regard des objectifs poursuivis et des situations respectives des parties, à concilier les intérêts divergents en présence ;
(...) ce n'est qu'au surplus que la cour observe que France Télécom ne conteste pas avoir elle-même prévu dans son offre d'accès aux lignes à très haut débit à fibre optique en dehors des zones très denses la prise en charge par l'opérateur commercial de l'intégralité du coût du raccordement final ;
(…) il résulte de tout ce qui précède que le recours doit également être rejeté en ce qu'il vise l'article 2 de la Décision »;
1°) ALORS QU'en considérant que l'ARCEP aurait été compétente pour imposer, dans le cadre d'un règlement de différend, un partage des coûts de raccordement palier à hauteur de 90% pour l'opérateur commercial, quand la société Bouygues Télécom n'a jamais demandé de partage des coûts et réclamait une prise en charge intégrale par l'opérateur commercial, et que la société France Télécom proposait un partage à hauteur de 50% pour les co-investisseurs, 50% pour l'opérateur commercial, la cour d'appel a violé l'article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques ;
2°) ALORS QU'en considérant que l'ARCEP pouvait imposer un partage des coûts de raccordement palier à hauteur de 90% pris en charge par l'opérateur commercial, quand, par une telle décision, l'ARCEP a outrepassé les termes de sa saisine, la cour d'appel a violé les articles L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques, 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, sans examiner comme elle y était invitée, le caractère équitable ou non du partage des coûts de raccordement tel que prévu par la décision entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques ;
4°) ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre au moyen essentiel à l'appréciation des diverses études versées au débat par les parties et tiré de ce que trois des quatre hypothèses de travail de l'étude du cabinet Microéconomix n'étaient contestées ni par la société Bouygues Télécom ni par l'ARCEP, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU' en statuant comme elle l'a fait, sans répondre au moyen péremptoire tiré de ce que le caractère inéquitable du partage des coûts résultant de l'article 2 de la décision entreprise résultait de la possibilité, pour le client, indépendamment de tout comportement parasitaire d'un opérateur, de changer d'opérateur dès le raccordement effectué, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.