Vu la procédure suivante :
La société Marc'h Gili a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 juin 2015 par lequel le maire de Perros-Guirec (Côtes d'Armor) a accordé à la société Camiva un permis de construire un supermarché, un garage, une station service et une aire de stationnement. Par un jugement n° 1503608 du 12 janvier 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18NT00997 du 26 mars 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Marc'h Gili contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 28 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Marc'h Gili demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Perros-Guirec la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Thalia Breton, auditrice,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Marc'h Gili, à Me Haas, avocat de la commune de Perros-Guirec et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Camiva ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commission départementale d'aménagement commercial des Côtes d'Armor a autorisé le 26 juin 2009 la société Camiva à créer un supermarché, une station-service et une station de lavage sur le territoire de la commune de Perros-Guirec, et que par arrêté du 20 juin 2011, le maire de Perros-Guirec (Côtes d'Armor) a délivré à la société Camiva le permis de construire nécessaire à la réalisation de ces équipements. Ce permis ayant été annulé par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 juin 2014 devenu définitif, le maire de Perros-Guirec a, par arrêté du 29 juin 2015, délivré à la société Camiva un nouveau permis de construire. La société Marc'h Gili, propriétaire d'un terrain contigu du terrain d'assiette du projet, a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 juin 2015. Par un jugement du 12 janvier 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. La société Marc'h Gili se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 mars 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel formé contre ce jugement.
Sur le moyen tiré de l'incompétence du tribunal administratif pour connaître en premier ressort du présent litige :
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; / 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Est considérée comme une extension l'utilisation supplémentaire de tout espace cou vert ou non, fixe ou mobile, et qui n'entrerait pas dans le cadre de l'article L. 310-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la même loi et modifiée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ". En vertu des termes mêmes de l'article 6 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial, ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015. Enfin, aux termes de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme, créé par la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévu à l'article L. 425-4 ".
3. Il résulte de ces dispositions que les cours administratives d'appel ne sont, par exception, compétentes pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un permis de construire, aussi bien en tant qu'il vaut autorisation de construire qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, que si ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Si, en raison de la situation transitoire créée par l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, un projet a fait l'objet d'une décision d'une commission départementale d'aménagement commercial ou de la Commission nationale d'aménagement commercial avant le 15 février 2015 et d'un permis de construire délivré, au vu de cette décision, après le 14 février 2015, seule la décision de la commission départementale ou de la Commission nationale d'aménagement commercial est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en tant qu'acte valant autorisation d'exploitation commerciale. En effet, l'autorisation d'exploitation commerciale ayant déjà été accordée, le permis de construire ne peut alors faire l'objet d'un recours qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire.
4. Ainsi qu'il est dit au point 1, le projet de la société Camiva, qui est soumis à autorisation d'exploitation commerciale et à permis de construire, avait fait l'objet d'une autorisation délivrée par la commission départementale d'aménagement commercial le 26 juin 2009. Il résulte, par suite, de ce qui est dit au point 3 que le permis de construire délivré le 29 juin 2015 par le maire de Perros-Guirec ne pouvait faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Dès lors le tribunal administratif de Rennes était compétent pour connaître en premier ressort de la requête de la société Marc'h Gili, tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2015. Le moyen soulevé par la société Marc'h Gili, tiré de ce que la cour administrative d'appel de Nantes aurait entaché son arrêt d'erreur de droit en s'abstenant de relever d'office le moyen tiré de l'incompétence du tribunal administratif à connaître d'un litige relatif à un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, ne peut ainsi qu'être écarté, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité.
Sur les autres moyens :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit aux points 3 et 4 que la société Marc'h Gili ne pouvait utilement soulever, pour contester la légalité du permis de construire accordé le 29 juin 2015 à la société Camiva, un moyen relatif à l'autorisation délivrée à cette société le 26 juin 2009, dès lors que ce permis de construire ne vaut pas autorisation d'exploitation commerciale. Par suite, le moyen tiré de ce que les motifs par lesquels la cour administrative d'appel de Nantes a écarté ce moyen inopérant seraient entachés d'erreur de droit ne saurait entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes de l'article UC 3 du plan local d'urbanisme de la commune de Perros-Guirec : " Les accès à la voie publique doivent être réalisés de façon à ne pas créer de gêne pour la circulation et ne pas porter atteinte à la sécurité publique ".
7. Si la société requérante faisait valoir que compte tenu de la présence d'un collège et d'un stade en face du terrain d'assiette du projet, de la circulation difficile sur les voies d'accès au projet et des mauvaises conditions de visibilité sur ces voies, les conditions de circulation porteraient atteinte à la sécurité des piétons, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en relevant que des aménagements étaient prévus afin d'assurer la sécurité des piétons et que la dangerosité de l'accès vers la rue de Kervilsic n'était pas établie, et en en déduisant que le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article UC 3 du plan local d'urbanisme de la commune de Perros-Guirec.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Marc'h Gili n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qu'elle attaque.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Marc'h Gili la somme de 1 500 euros à verser d'une part à la commune de Perros-Guirec, d'autre part à la société Camiva, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Perros-Guirec qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Marc'h Gili est rejeté.
Article 2 : La société Marc'h Gili versera une somme de 1 500 euros d'une part à la commune de Perros-Guirec, d'autre part à la société Camiva, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Marc'h Gili, à la commune de Perros-Guirec et à la société Camiva.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 mai 2021 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat, présidant ; Mme Carine Soulay, conseillère d'Etat et Mme Thalia Breton, auditrice-rapporteure.
Rendu le 30 décembre 2021.
La présidente :
Signé : Mme Fabienne Lambolez
La rapporteure :
Signé : Mme Thalia Breton
La secrétaire :
Signé : Mme B... A...